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mardi 20 avril 2010

Nés sous X

Au début des années 2000, Joe Quesada, dessinateur et scénariste et qui était l’un des éditeurs en chef de la collection Marvel Knights (collection qui devait relancer des séries moribondes, comme Daredevil par exemple et qui depuis est un hit) se voit bombarder rédacteur en chef de toute la maison Marvel. Un artiste ayant subi le système allait enfin accéder aux commandes et tenter de redorer le blason de bien des séries produites par la « maison des idées ». Il avait une ligne directrice claire et précise : ramener les lecteurs vers Marvel. Il avait conscience que les dessins étaient la grande force de Marvel face à DC Comics leur concurrent direct. Marvel avait besoin de scénaristes brillants! C’est pourquoi il opéra une opération séduction sur des grands noms associés à d’autres éditeurs. On hérita par exemple de Joe Michael Straczynski (ou JMS,ce qui est plus simple,qui avait fait ses armes à la télévision et chez Top Cow comics) sur Spider-Man qui fut revivifié durant 6 belles années. Et Grant Morrison ,qui officiait surtout chez DC et Vertigo atterrit sur X-men, rebaptisé New X-Men pour l’occasion. C’était la grande époque où Quesada tentait de ne pas surexposer un personnage en limitant ses apparitions dans d’autres séries et où les gros cross-overs n’apparaissaient pas tous les 6 mois. Certes la situation n’a pas duré jusque maintenant mais au début, les changements chez Marvel étaient bien perceptibles.

Grant Morrison est un auteur alambiqué. Il suffit de jeter un œil à son œuvre culte « Les invisibles » pour s’en rendre compte : des références culturelles à la pelle (mais pas uniquement occidentales les références),des flash-backs à foison dont l’utilité ne saute aux yeux que très tardivement et l’introduction d’un détail anodin dans une image ou une conversation et qu’il ne développera que des mois plus tard,le rendant du coup bien moins anodin. Cette recette, Grant Morrison l’appliquera sur les mutants chéris de Marvel tout en ayant l’intelligence de revoir deux ou trois éléments pour renouer avec le succès. À l’époque de son arrivé,le 1er film X-men a eu un joli succès . Les gens associent Hugh Jackman à Wolverine et Morrison l’a bien compris. Son Wolverine sera omniprésent ,chacune de ses apparitions sera marquante, dans le registre de l’action comme celui du soap. Morrison vire aussi les costumes colorés pour coller plus près au look uniforme véhiculé par le film de Bryan Singer.


L'équipe,sous le crayon d'Ethan Van Sciver.


Les arrangements finalisés, il est temps pour lui de se lancer dans l’écriture de l’histoire. Ce qui dans son esprit se traduit par une lente et minutieuse déconstruction de tout ce qui a été fait avant lui. Tout en respectant à la lettre le cahier des charges mutantes : du soap opéra,des extra-terrestres,la haine raciale envers les mutants,etc…dit comme ça on jurerait qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil de l’école Xavier pour surdoués. Et pourtant il y a quelque chose de pourri au royaume des X-Men : meurtre, adultère, drogue, rébellion estudiantine ,tout cela n’est qu’un aperçu de ce qu’ils devront affronter sous l’égide du scénariste de Glasgow.

Emma Frost,sous le crayon d'Ethan Van Sciver.


Pour marquer les esprits,rien de mieux qu’un meurtre. Morrison opte lui pour le génocide.L’île de Génosha (une sorte d’Israël mais pour mutant. Et ma référence à Israël n’est pas fortuite puisque le chef de cet état se trouve être Erik ‘’Magneto ‘’ Lensher, juif rescapé des camps) est attaquée par une Sentinelle tueuse de mutant géante. 16 millions de victimes en un éclair. Au même moment,Henry "Hank" McKoy,dit le Fauve, découvre un gêne dans l’ADN humain qui prévoit la destruction de l’humanité pour faire place à la nouvelle espèce dominante :l’Homo Superior (les mutants). La destruction de Génosha est-elle une tentative des humains pour ne pas perdre leur place dans la chaîne alimentaire ? La vérité est bien pire et terrifiante que cela.


Une version de l'équipe par Marc Silvestri.

Morrison commence donc très fort, sans temps morts. Tous ses arcs ne seront pas aussi efficaces que celui-ci mais aucun ne sera mauvais. Et en abordant la question de la transsexualité par le prisme déformant de la question mutante,Morrison va plus loin encore que lorsque les auteurs le précédents avaient comparé (mais sans le dire tout haut) les mutants à la communauté gay.
Il introduit donc un scientifique psychopathe qui se cache derrière un vernis de respectabilité,John Sublime qui prône que n’importe qui a le droit d’être un mutant. Et cela se traduit par le rapt et la dissection de mutants pour que des humains ordinaires se fassent greffer des organes mutants, devenant ainsi des U-Men. Morrison place minutieusement ses pions et ses autres pièces. Mais cette partie d’échec se joue dans le noir,le tableau de jeu n’apparaissant qu’en filigrane durant son run sur le titre et ne sera révélé qu'à la toute fin de son passage sur les X-Men. Ce qui inclut pour le lecteur soit de relire toute la série d’une traite pour retrouver toutes les allusions (qui étaient bien sous notre nez) soit d’être très vigilant durant des années et de tout retenir. J’ai beau avoir une bonne mémoire, j’ai relu tout le run de l’ami Grant pour écrire cet article. Et force est de constater que j’ai bien mieux appréhendé son passage comme un tout soudé avec cette relecture. Il a tout simplement détruit les symboles du X marvéliens ,laissant ses successeurs dans une panade noire dont peu sauront tiré profit (Whedon y est arrivé).

Fantomex,sous le crayon d'Igor Kordey.

Côté graphique par contre,il y a à boire et à manger.Un nombre important de dessinateurs se succéderont pour illustrer les écrits de Morrison. Si le premier du lot,Frank Quitely, assure comme une bête il est aussi très lent dans sa production ce qui multipliera les dessinateurs remplaçant. Si Igor Kordey est vite désigné comme l’un des remplaçant principaux,force est de constater que le monsieur n’est pas super à l’aise quand il s’agit de dessiner 22 pages par mois ,passant du regardable au franchement mauvais. Seuls Ethan Van Sciver, Phil Jimenez (qui avait bossé avec Morrison sur Les Invisibles)et Marc Silvestri tirent leur épingle du jeu dans cette valse des dessinateurs. Même l’excellent Chris Bachalo n’arrive pas à son top sur le titre. Dommage,l’absence de cohésion graphique (et de talents chez certains dessinateurs) est vraiment LE point noir de la série que Morrsion porta durant près de 40 numéros (soit presque 3 ans,de 2001 à 2004) et dont certaines actions se font encore sentir de nos jours. Morrison n’a pas pour autant posé une pierre angulaire à l’édifice mutant mais il a fourni un terreau fertile pour tout ceux qui sauront l’exploiter correctement. Que cela soit en marchant sur ses traces ou en tentant de les effacer.


Wolverine et Jean Grey (Phenix) par Phil Jimenez.

5 commentaires:

  1. Je suis partagé sur cette époque: je ne l'aimais pas (j'ai d'ailleurs arrêté d'acheter X-Men pendant cette période) mais elle s'est avéré utile à l'univers mutant.
    Certes, Morrison a permis de faire une transition chez les mutants vers un univers beaucoup plus adulte, mais entre le Fauve "gros chat-chat", la fille mouche, l'insupportable gamin-oisillon et la jumelle maléfique oubliée qui revient et qui s'en prend aux gentils... j'ai craqué. Certaines idées étaient bonnes, mais je n'accrochais pas. Le coup du premier acte conscient de Xavier (tuer sa sœur jumelle lors de leur vie utérine) me reste au travers de la gorge. Comment Cassandra s'en est-elle sortie ? Sa mère a fait une demie fausse couche ?! Puis le fœtus s'est développé dans les égouts comme une tortue ninja ?! Tout en se rappelant que Charles et sa sœur sont dans la même poche placentaire alors qu'ils sont de sexes différents, ce qui est strictement impossible d'après les lois de la génétique, puisque seuls les vrais jumeaux (au code génétique identique) partagent une même poche.
    De plus, les dessins étaient souvent moches (enfin, ça c'est une question de goût).

    Enfin... Je crois que je lui reproche surtout d'avoir changé "Cérébro" en "Cérébra"... ;o)

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  2. Pour La soeur de Charles,le meurtre dans le ventre de la mère n'est qu'une vue de l'esprit. C'est ainsi que Jean le voit dans le subconscient de Charles. Charles a senti l'aura de sa futur soeur et a détruit complètement l'embryon de sa soeur. C'est l'esprit de Csssandra qui a survécu (si on peut appeler ça survivre) et qui a cherché durant des années à se créer un corps. Elle a été manipulée par Sublime,c'est lui (enfin cette chose) qui lui a permis d'accéder à un corps.

    Enfin c'est comme ça que j'ai compris les choses,avec Morrison rien n'est jamais simple même quand on a les clefs. c'est même parfois compliqué pour le plaisir de dire "hé je suis super malin de compliquer les choses comme ça",trait que je n'apprécie pas des masses mais sur ses X-Men ça passait.

    J'ai sciemment évité de parler des mutants "spéciaux" comme la nouvelle Angel ou Bec,pour que ceux qui se lanceraient dans la lecture aient la même sensation de surprise,de dégout ou de "putain mais c'est porte-nawake" ^^ . ce qui m'a obligé à ne pas écrire ce que j'avais en tête sur la notion de monstre et de différences dans la société. Mais c'est vrai que par rapport à l'univers X que l'on connaissant avant ça choque un peu,surtout le coté bien dégueu. les mutants dits évolutions animales chez Mark Millar sur Ultimate X-Men passaient mieux,surement parcequ'ils ne ressemblaient qu'à des animaux mammifères anthropomorphiques et non à des hybrides peu ragoutants avec des animaux moins proches de notre nature.

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  3. Ok pour C. Nova,ça se tient déjà plus comme ça... ^^
    Pour les nouveaux mutants, ce n'était pas tant leur aspect que leur personnalité qui m'insupportait. Tous les mutants ne peuvent pas ressembler à un ange ! Dans le même genre, je ne supportais pas le gamin poisson alors qu'il passait déjà plus au niveau physique. Même chose pour Stacy X: énorme potentiel (ancienne prostituée manipulant les hormones, c'est énorme !) mais traitement catastrophique qui fait que le personnage est inintéressant au possible !

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  4. c'est souvent le cas,le potentiel perçu par les lecteurs est plus grand que celui perçu par les auteurs,c'est étrange d'ailleurs parcequ'on peut supposer qu'ils savent que ça a du potentiel...

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  5. De plus, c'est parfois énorme, comme Gambit ces derniers temps: c'est un personnage borderline entre les gentils et les méchants, qui a plein de secrets et sa propre morale, mais qui respecte un code d'honneur sans qu'on sache vraiment pour qui il est... Il y a de quoi en faire ce que l'Homme à la cigarette était à X-Files, mais non, c'est juste le petit ami de Malicia qui a deux mots de vocabulaire "s'il lui arrive malheur tu vas avoir des problèmes". Grandiose... :(

    Et la liste des persos qui subissent ce traitement est longue...

    Je crois que ça vient du fait que les auteurs sont plus attirés par les persos vedette comme Wolvie qui vend, que des seconds couteaux. Il suffit de regarder ce que font les auteurs comme Judd Winnick ou Jeff Parker sur Exiles pour voir que le problème n'est pas le personnage mais le scénariste...

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