Le cinéma
américain aime revenir à ses fondamentaux et aux fondements de l’histoire des
USA modernes. Les films de gangsters sont donc légion depuis qu’Hollywood
existe et souvent, ces films se déroulent dans notre passé.
Citons American
Gangster de Ridley Scott ou encore Public enemies de Michael Mann pour les plus
proches de nous, mais n’oublions pas le fameux Les incorruptibles de Brian
Depalma avec Kevin Costner, Sean Connery, Andy Garcia et Robert DeNiro ; un
casting de choix s’il en est. Et un casting de choix, c’est également ce que l’on
retrouve dans Gangster Squad (quoique à moitié de seconds choix).
Gangster
Squad est le troisième film de Ruben Fleischer. Ce dernier avait détourné les
règles du film de zombies pour livre l’épatante comédie Zombieland et avait
continué à jouer avec les règles dans 30 minutes or less,un sympathique film de
braquages loufoque. Il aime les différents genres et tente donc d’offrir du
neuf avec du vieux et un relatif mauvais esprit ! Autant dire qu’avec le
nombre de codes inhérents aux films de gangster,on pouvait baver.
La cité est
chaude et moite (mmm , comme je les aime), dangereuse.Le crime est partout, l’espoir
n’est nulle part. Le big boss est un malade, accro à la violence bien
démonstrative. Un seul homme ose s’attaquer à son business. Et il va devoir
recruter des hommes d’exception pour endiguer le fléau en se lançant dans une
guerre au crime. Guerre qui se livrera avec des méthodes musclées et surement
pas approuvées par le règlement ! Bienvenue chez Elliot Ness à Chicago ?
Non, perdu, nous sommes à Los Angeles avec John O’Mara.
Le film
commence en affirmant fièrement : "inspiré d’une histoire vraie". (et se termine en affirmant fièrement que la pègre ne s'est jamais installé à L.A. Et la Yiddish connection, c'est un mirage ? )
Inspiré
est le mot car niveau vérité historique, on repassera et pas qu’un peu. Le seul
moment un tant soit peu véridique arrive en ouverture du film : l’ascension
de Mickey Cohen,ancien boxeur new-yorkais, à la tête de la pègre de Los Angeles.
Après, tout est à prendre avec d’énormes pincettes.
Certes, l’on attribue à Alexandre Dumas la célèbre phrase « On peut violer l’histoire pourvu qu’on lui fasse de beaux enfants ».
Mais si
l’enfant, aussi beau plastiquement soit-il ,est un handicapé ?
Plastiquement
donc, c’est beau, c’est très beau. Les divers aspects techniques sont aboutis.
Les costumes et les décors sont rehaussés par le directeur photo.
Los Angeles
et ses habitants portent des couleurs vives, c’est une ville d’aspect glamour
comme on pouvait en voir sur les cartes postales des années 40 ou 50. Très peu
correct historiquement ( Public enemies est plus proche de la réalité à ce
niveau) mais collant parfaitement avec l’idée que l’on a actuellement du
vintage tel qu’Hollywood nous le présente souvent ( et que Mad Men a fini d’ancrer
dans le crâne des gens. Pour du coloré réaliste voyez plutôt l’imagerie de
Populaire ).
Ce genre de dessin aux couleurs ultra-contrastées ,typique des 40's et des 50's, a entériné l'image d'une époque colorée et pétillante dans l'inconscient collectif. La réalité était plus terne mais le réalisateur a choisi le glamour au réalisme.Mais après tout, le ciné ne reflétant pas la réalité...
La réalisation est soignée dans la mise en image, le montage est
lisible (on comprend ce qui se passe durant les séquences musclées ) et
Fleischer s’offre quelques folies visuelles, certes courtes, mais bien faites
comme durant un poursuite en voitures bordélique entre flics et truands et
pourtant terriblement fluides grâce au montage justement.
On regrettera que la
musique de Steve Jablonsky ,un poulain d’Hans Zimmer, soit efficace mais peu
inspirée. L’homme avait pourtant écrit la musique de la trilogie Transformers,
que beaucoup considère comme le seul aspect réussi de ces films. Les acteurs
quant à eux participent à tout ça avec en tête un Josh Brolin plus déterminé
que jamais et un Ryan Gosling qui, bien que sorti de Drive, garde des moments
de pure barbarie qui s’expriment vite et bien.Sean Penn est un peu trop habité
par son personnage et en fait des tonnes par contre. Fleischer convie également
Emma Stone, actrice qu’il avait lancée avec Zombieland.
Hélas,
trois fois hélas,le scénario est grossier, peu abouti.Il commençait pourtant bien en démontrant toute la folie de Cohen, adepte de la torture moyenâgeuse et sanglante ! (On comprend dès lors encore moins comment Fleischer a pu représenté une séquence de fusillade en pleine rue, à la sulfateuse , sans que personne ne soit touché !?!?)
Les personnages sont peu
esquissés et donc trop enfermés chacun dans une case : le flic honorable dégoûté par le crime (dont la première action dans le film sera de sauver une
jeune fille en détresse), le flic blasé , dégoûté également mais qui ne réagira que face à
un drame personnel (que l’on voit venir 10 minutes avant tout le monde), le
petit génie,le guerrier aguerri,le novice qui a tout à apprendre & avec qui
personne ne voulait travailler à cause de ses origines et le noir de service
qui connaît son quartier (noir) comme sa poche et tous ses habitants avec ( c’est
bien connu, ils se connaissent tous entre eux).
Idem pour le scénario qui
accumule les lieux communs : la femme du flic est une femme forte mais
inquiète,la maîtresse de Cohen devient également celle d’un des hommes de la
brigade, faisant planer le spectre que
ne soit dévoiler le pot aux roses avec les conséquences néfastes encourues,etc...
Deux explications à cela . D’abord le scénariste, surtout connu pour écrire des scénarios de séries télés. Habitué au format court cela ne doit pas aider à écrire un long métrage. De plus , l’homme écrit pour la série Castle, certes bonne mais qui assume pleinement son côté semi-parodique du genre. Hors le ton de Gangster Squad se veut bien plus sérieux ! Il enchaîne aussi quelques incongruités : on se demande parfois comment tel personnage a compris un élément important ou encore pourquoi les héros montent des opérations commandos habillés de noir mais sans porter de masques…et ce même dans un endroit fréquenté assidûment par l’un des héros. Les dialogues sont parfois un peu trop démonstratifs ou peu réalistes dans leur écriture : faute du scénariste ou envie de coller au style des films des années 40-50 ? J’aimerai ne pas être mauvaise langue mais …
Ensuite, il y a le drame de la tuerie d’Aurora où un malade avait fait feu dans une salle de cinéma avant une projection de The dark knight rises. Cette tragédie a poussé la Warner a décalé la sortie du film ( qui devait clôturer la saison des blockbusters estivaux en sortant début septembre 2012) car une séquence particulièrement violente voyait un gang se faufiler derrière un écran de cinéma et mitrailler la salle pour abattre des concurrents. La Warner tient là l’occasion de pousser le réalisateur a retourner certaines séquences. En l’état,le film voulu par le réalisateur n’est donc celui projeté en salles ! Peut-être un jour verrons-nous la version voulue ? Ce n’est pas impossible, on a déjà vu souvent ces dernières années la Warner sortir la version salle et la version du réalisateur en même temps ( voir les blu-rays de The Town ou encore Sucker Punch ). Les séquences sacrifiées et leurs remplaçantes expliquent peut-être en partie ce côté bancal de l’entreprise.
Sortie prévue le 7 septembre à la base. La Warner n'a pas fait confiance aux spectateurs pour différencier film et réalité. Un manque de gonades effarant autant qu'atterrant !
Finalement,
Ruben Fleischer manque cruellement d’un regard de cinéaste. Il semble être un
technicien redoutable mais Gangster Squad tendrait à démontrer que son côté
subversif et rentre-dedans était le fait des scénarios de ses précédents
longs-métrages. Comment expliquer qu’il passe d’un discours politiquement
incorrect au discours de Nick Nolte dans le film « Combattons la terreur
par la terreur ! » ?
Ce
manque de regard était pourtant là dès le début du film, un détail en apparence
insignifiant : le logo de la Warner. Depuis quelques années, on a vu
certains réalisateurs utilisés le logo provenant d’une autre époque pour mettre
le spectateur en situation ( Zodiac et Argo employaient de vieux logo de la
Warner, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal celui de la Paramount
des années 80,…) : point de cela ici. Vous allez dire que je chipote mais
cela reste une pièce à charge.
L'autre problème majeur est que jamais, jamais, jamais Ruben Fleischer n'arrive à proposer quelque chose de neuf dans son film. On ressent bien l'admiration qu'il porte aux œuvres cultes ou non qui l'ont précédé : Les incorruptibles de De Palma bien sûr, mais aussi L.A Confidential pour l'ambiance et la dynamique de groupe ou encore Le dahlia noir (encore de De Palma d'ailleurs ) pour son imagerie rétro-galmour où le rouge à lèvre est pétant et toujours appliqué avec raffinement & perfection et où la Californie n'est peuplée que de pin-up passées,présentes ou en devenir.
L'autre problème majeur est que jamais, jamais, jamais Ruben Fleischer n'arrive à proposer quelque chose de neuf dans son film. On ressent bien l'admiration qu'il porte aux œuvres cultes ou non qui l'ont précédé : Les incorruptibles de De Palma bien sûr, mais aussi L.A Confidential pour l'ambiance et la dynamique de groupe ou encore Le dahlia noir (encore de De Palma d'ailleurs ) pour son imagerie rétro-galmour où le rouge à lèvre est pétant et toujours appliqué avec raffinement & perfection et où la Californie n'est peuplée que de pin-up passées,présentes ou en devenir.
Au final,
Gangster Squad n’est qu’un honnête film du samedi soir, porté par une
réalisation efficace et surtout des acteurs qui y croient ! Cela ne sauve
pas totalement du naufrage mais reste suffisamment distrayant pour tenter de
sauver quelques passagers.Dommage que la véritable histoire de Cohen et de sa chute n'ait pas nourri le film mais cela aurait fait penser aux Incorruptibles : le type est tombé pour fraude fiscale !
Je trouve que la photo, en particulier sur le dernier photogramme, fait très années 80.
RépondreSupprimerJ'ai senti une vraie volonté de faire du ciné de genre, et c'est dans ses années là que sortait "Les incorruptibles", cela explique sans doute cela pour le cadre et la composition. Pour les couleurs, j'ai oublié de publier une carte postale des années 40-50 pour appuyer ma comparaison...je vais réparer ça tout à l'heure.
RépondreSupprimerPar contre niveau montage et changement de plans, c'est clairement du ciné d'aujourd'hui.