Pages

mercredi 10 juin 2015

Le monde de demain , aujourd'hui !

Brad Bird, le réalisateur des films d’animation que sont Le Géant de Fer, Les Indestructibles et Ratatouille, était passé derrière la caméra physique avec Mission :Impossible-Ghost Protocol .
Quelques mois plus tard, son collègue Andrew Stanton, réalisateur de Wall-e, sortait son « John Carter », produit par Disney. Et Disney refait le même coup : foirer la campagne de promo.

Bref, Brad Bird ancien de Pixar et de facto proche de Disney, accepte de rejoindre le projet « Tomorowland » et d’y imprimer sa patte (mais pas que la sienne, on y reviendra aussi).
Bref, Disney était un studio écolo, on le voit recycler ses idées depuis des années maintenant : que ça soit des faux remakes de ses films d’animation ( tous plus terribles les uns que les autres et même moralement douteux dans le cas de Maleficient/Maléfique avec Angelina Jolie) ou, plus fou, recycler des attractions de Disneyland pour en faire des longs métrages. La trilogie « Pirates des Caraïbes » (non, y a pas eu de 4 , non ! ) sort de là : une attraction mineure sur laquelle les scénaristes et le réalisateur Gore Verbinski ont pu faire ce qu’ils voulaient.
Et bien, Tomorrowland, c’est pareil. La base provient de Disneyworld, mais le film est la somme de son réalisateur et ses scénaristes ! Bref, un autre titre et un autre studio pouvait nous sortir le même film.  Ajoutons que Disney produit des films « live » depuis les années 50 ( L'île au trésor, 20.000 lieus sous les mers, etc...)
La polémique c’est un film Diseny donc ça suit la logique Disney n’a même pas à aller plus loin, merci.

Cassey Newton est une jeune adolescente de 16-17 interprétée par Britt Robertson (qui a en réalité 25 ans) dont le père est ingénieur à la NASA. Elle tient du papa un intellect supérieur voir supérieur à celui de son géniteur. La NASA ayant abandonné ses projets, les plateformes de lancement sont démontées et son père travaille à ce démantèlement. Quand il n’y aura plus rien, son père sera sans emploi. Voila pourquoi Cassey s’introduit illégalement sur le terrain pour saboter les grues et faire gagner à son père du temps avant sa mise à la porte. Un jour, elle entre en possession d’un étrange pin’s qui, une fois touché, vous projette dans une vision d’une ville au look retro-futuriste où tout semble possible grâce à la science avancée. ( Tomorrowland, c’est un peu Poudlard,l’école de magie d’Harry Potter, pour les génies scientifiques en fait).
Cassey se met en route pour trouver cet endroit et rencontre Frank Walker, ancien inventeur juvénile qui a perdu ses illusions sur le monde et joué par George Clooney qui a pris visiblement beaucoup de plaisir à s’amuser en faisant ce film. Son humour à froid et désabusé lui vont très bien.
J’en ai sans doute trop raconté donc je n’irai pas plus en détails sur les personnages incarnés par Hugh Laurie ( la seconde vie du Dr House commence à prendre au ciné, et c’est un vrai plaisir de le revoir même s’il joue à la « House » sans vraiment proposer autre chose mais le kiff est là, et le personnage d’Athéna, jeune fille incarnée par Raffey Cassidy, jeune actrice sorte de mini Audrey Hepburn, qui livre un jeu étonnant qui nous rappelle que, parfois, des réalisateurs arrivent à faire ce que seul Steven Spielberg fait : tirer une performance exceptionnelle d’un enfant. Et c’est le cas ici.





La révélation du film. " Je suis le futur, Frank Walker." Puisse le sien être lumineux.

Brad Bird s’amuse et nous amuse avec une réalisation classe et moderne sans céder aux effets faciles (beaucoup d’effets spéciaux certes mais toujours là pour accompagner et non écraser les acteurs : il le dit lui-même, Spielberg a été une inspiration sur ce projet, tout il l’a été pour J.J Abrams depuis qu’il fait du cinéma. Et ça se sent, ce film aurait pu être réalisé par le grand Steven si cette humaniste convaincu n’avait pas commencé à perdre sa foi en l’humanité (et je dis ça sans le juger aucunement : lui, plus que tout autre, a changé ma vision du cinéma, faisant de votre serviteur un cinéphile alors qu’il aimait juste aller au ciné comme tout le monde).
On retrouve les goûts de Bird pour les gadgets, les visions d’une autre époque etc…Tommorowland ( tant le film que le lieu ) est imprégné de rétro-futurisme ( la vision du futur que l'on avait dans le passé). Cet aspect rétro-futuriste (et même un peu steampunk lors d'une séquence particulière), participe à l'ambiance et la volonté de Bird de se poser en défenseur d'une ambiance certes empreinte de suspens et d'action mais définitivement anti-grim & gritty (le grim & gritty est une période sombre, cynique, violente, désabusée et parfois nihiliste qui a commencé dans les comics des années 80 et a contaminé la fiction en générale dès les années 90 ). En citant l'époque de Jules Verne, de Nikola tesla, etc...Bird convoque une époque qui avait foi dans la science pour améliorer la vie humaine. Ce qui est la base du projet «  Tommorowland ».




Cette foi en la science est palpable dans les propos de plusieurs personnages, en particulier Cassey qui, devant le discours alarmant de ses professeurs qui débutent des faits et des causes, les poussent à donner des solutions. Solutions qu'ils n'ont pas. Vous la sentez la charge contre le système enseignant tel que conçu chez nous ? ( et défendu avec trop d'assiduité pour être vraiment honnête par la saga Harry Potter ? ).

Niveau charge, le film est également une charge (oui, je me répète ) contre le manque d'ambition de la société ( du politicard au simple citoyen ), charge contre le manque d'imagination ( nous vivons une époque qui se repose encore et encore sur le recyclage de vieilles technologies : le cd a donné le dvd, le dvd a donné le blu-ray mais il s'agit d'améliorations et non d'innovation ! Je ne peux que vous conseiller le livre «  Futurs ? La panne des imaginaires technologiques. » si le sujet vous branche ou vous interpelle).

Il est notable que ce film, du pur Brad Bird, soit aussi le reflet des constructions scénaristiques de son scénariste principale, Damon Lindelof ( Lost, Prometheus, Star trek Into Darkness ) : il aime poser ses personnages et introduire des flashbacks. Devinez ce qu'on retrouve ici pour tout mettre en place et enrichir le background ?


Le cinéma français a tellement peur des films de genre, qu'il doit attendre les américains pour faire les fous avec la Tour Eiffel ! Si les ricains n'étaient pas là...

J'ai parlé de Spielberg plus haut dans cette critique, j'y reviens encore une fois. Le grand barbu (oui, Spielby et Dieu ont le même surnom. Coïncidence ? Je ne crois pas ! ) est une des influences revendiquées par le réalisateur ( il le disait sur Twitter, je ne spécule pas ) et cela se ressent. Le film aurait pu être une création spielbergienne si le multi-oscarisé n'avait pas bifurqué ces dernières années vers un certain pessimisme quant à l'avenir de l'humanité (et comme le mec est un humaniste, ça doit lui faire mal).


En œuvrant à fournir du rêve tout en poussant à rêver, le film de Brad Bird est un must see, aussi bien pour les adultes, les ados et les enfants. Emmenez les voir ce film seulement, ne les enfermez pas dans l'air du temps qui consiste à accélérer alors que le mur est devant ! Il ne vous demande que deux choses : être attentif ( on vous donne les infos dans l'action et on ne vous le répétera pas 20 fois : le film vous croit intelligent, prouvez-lui qu'il ne se trompe pas ) et laissez votre cynisme au vestiaire (parce qu'en plus, ce film vous veut du bien ! ).

samedi 6 juin 2015

Hacker, de Michael Mann : le test du blu-ray.

Difficile de parler de Hacker sans parler de son réalisateur, Michael Mann.
Le grand public ne connaît pas forcément son nom (honte à lui !) mais il connait ses films, tout du Heat, le formidable thriller/film de gangsters/film policier/drame poignant (ne biffez aucune mention, elles sont toutes utiles) avec Robert de Niro et Al Pacino. Un film colossal auquel le reste de sa filmographie sera toujours comparée et rabaissée : Heat était un spectacle unique et Mann ne cherchera jamais à le refaire sous une autre forme. Ce qui frustrera souvent les personnes allant voir « un film par le réalisateur de Heat » et qui ressortiront déçu de ne pas avoir ressenti les mêmes émotions. Mais mes cocos, si vous voulez sentir Heat, revoyez Heat !
moins un :

Mais Heat est une bonne porte d’entrée pour saisir son cinéma : des personnages introspectifs saisis par des plans qui le sont tout autant, des personnages qui ont besoin de se connecter aux autres tout en étant souvent des solitaires acharnés ( tu m’étonnes que leur passe-temps soit l’introspection avec un tel caractère ) , des intrigues tentaculaires dans lesquelles les personnages vont tenter de continuer à avancer. Personnages, personnages, personnages. Voila le sujet de Mann. Le tout (en de rares exceptions près) , plongé dans une intrigue que l’on pourra de manière simplette qualifiée de policière. (Miami Vice est-il un film policier portant une grande romance ou un grand film romantique dans un univers de polar ? ). Le tout lui-même englobé dans la jungle urbaine, véritable terrain de la vie selon Mann. Et lorsque la révolution numérique débarque, Mann saisit la chose à bras le corps : voila l’outil dont il se servira désormais pour amplifier le réalisme de ses villes, et donc, en augmentant son terrain de prédilection, les tentacules de l’intrigue vont se fondre dans les rues, les ruelles et les méandres urbains. Et un univers expansé aura toujours un impact sur les personnages. Quadrature du cercle les enfants ! Revoyez Collateral, Miami Vice et Public Enemies. Jamais auparavant dans le cinéma de Mann, les héros n’avaient été à ce point impacté par leur environnement.

Les bases étant posées, attaquons-nous à son dernier film en date.
Une centrale nucléaire chinoise se voit être l’objet d’une cyber-attaque. L’homme chargé de l’enquête, Chen Dawai, un officier ayant fait ses études aux USA reconnait le code utilisé pour l’attaque. Peu après, le même code est utilisé aux Etats-Unis pour faire grimper le cours du soja à la bourse. Chen demande l’aide du FBI dans un effort conjoint pour retrouver le pirate derrière ses attaques. Pour cela, il a besoin de l’aide de sa sœur, Chen Lien ( le nom de famille passe en premier dans nombre de pays asiatiques ) petite génie en informatique et d’un détenu, Nick Hathaway. Nick accepte d’aider ce petit groupe si sa peine est commuée. Il sort de prison, escorté par un US Marshall bad-ass et de l’agente du FBI qui a réussi à le faire sortir. Très vite, ce petit monde décide que la mission est plus importante que tout, même certaines lois.





Grand film bancal ? Série B sérieusement pensée et troussée ? Difficile de qualifier Hacker de chef-d’œuvre, il est même décevant dans la filmo de Mann. Mais, est-ce pour autant un mauvais film ? Que nenni !
Tout d’abord, Mann utilise ce qui, il me semble, est une première pour lui : les séquences en pure image de synthèses. Le piratage informatique étant au centre de l’intrigue, Mann a imaginez comment rendre visuellement une telle attaque au sein d’un ordinateur : pour cela, il emprunte la technique chère à David Fincher jusque 2004 : laisser la caméra explorer tout ce qu’elle veut, même l’immensément petit, comme l’intérieur d’un circuit imprimé. Sans parole, sans indication, le spectateur assiste et comprend d’instinct que des lignes de codes sont déroutées, détournées, etc… Mine de rien, c’est simple mais qui y avait pensé avant ? La simplicité est la sophistication ultime nous disait Léonard De Vinci !

Ensuite, l’intrigue, complexe mais pas absconse, réserve sont lot de péripéties et de retournements de situation. Pourtant, les scènes d’actions sont peu nombreuses et même assez courtes. Mann s’attardant plus sur les conséquences de celles-ci ( avec une brutalité telle qu’elle est choquante : bien, le cinéma et l’art doivent choquer  et bousculer les spectateurs).



Là où le bas blesse c’est dans les caractérisations des liens entre les personnages. Si ceux-ci sont bien écrits et bien campés ( encore une fois, Chris Hemsworth prouve que non, il n’est pas que la montagne de muscle pour midinette qu’est Thor), les liens se forment trop vite entre les protagonistes , comme si il fallait absolument que certaines alliances se forment avant tel ou tel moment du chronomètre. Le script est faiblard sur ce point, quand il est fortiche sur les aspects techniques des cyber-attaques. Contrairement à son habitude, Mann n’a pas signé ou co-signé le scénario, cela explique peut-être cela.
Ensuite, la présence au générique de 4 monteurs laisse présager que Mann n’a pas eu le final cut de son film. Les ingrédients manniens étant présents dans l’histoire, on l’imagine aisément emballé par le sujet. Le studio aurait-il son mot à dire dans l’échec de certains points importants dans ce film ? Une version director’s cut serait-elle différente ? Questions probablement à jamais sans réponse.


Reste que ces défauts, mineurs, ne viennent pas vraiment gâcher le plaisir de se retrouver devant un objet filmique bien pensé, mais qui laissera sur leur faim les shootés à l’adrénaline et à la violence édulcorée mais fun. Ici, comme dans les précédents films du cinéaste, ce sont les personnages que l’on suit plus que l’action.
En résulte un rythme parfois lent, limite contemplatif mais toujours fascinant.






Au niveau du disque en lui même...
L’image de Blackhat (Hacker) n’est pas parfaite. Mais son transfert vers le format HD l’est. Michael Mann expérimente avec les caméras numériques depuis Collateral et qui dit expérimentation dit échecs. On tâtonne, on voit ce qui marche, ce qui est loupé et on progresse comme ça. Mann en est arrivé au point de savoir ce qui fonctionne mais il lui arrive encore de louper un peu le travail et donc le résultat final en pâti. Gravement ? Certes non. Et puis, la prise de risque technique est toujours à saluer. Niveau son, une drôle d’impression : si le tout est très immersif ( et la séquence avec les hélicos est impressionnante à ce niveau), les dialogues sont parfois un peu difficiles à distinguer clairement, la palme revenant aux discussions en chinois, on a la sensation que les sons sont en décalage avec la bouche ( une incongruité linguistique mais ça choque les oreilles occidentales).
Niveau bonus, c’est très peu : le film s’étant ramassé au box office, Universal n’a sans doute pas misé sur ce blu-ray commercialement. Alors pourquoi le gaver après tout ? Dommage. Même si les 40 minutes proposées ne sont pas inintéressantes.