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mercredi 5 septembre 2018

Le cinéma ne suffit pas / motus non sufficit

Après un second tome plus couillu que le premier mais toujours un peu trop désincarné à mon goût,James Bond revient chez Delcourt.

Mais étant en retard (le présent tome est sorti fin mars), je ne vous entretiendrai pas du volume 4 mais bien du 3, lui qui voit débarquer une nouvelle équipe créative.
Adieu donc Warren Ellis et Jason Masters, bienvenue à Andy Diggle et Luca Casalanguida.

Diggle est connu dans le monde des comics pour avoir écrit Losers, un comic book d’espionnage sévèrement burné et assez jouissif.
Malheureusement, il aussi frôlé le titre de fossoyeur de Daredevil lors de son court run sur l’Homme sans peur. MAIS ! Les héros britanniques pur jus semblent lui permettre de remonter son niveau, à l’instar de son passage sur Hellblazer.


Warren Ellis, lors de ses deux aventures Bondiennes, n’avait pas laissé un souvenir impérissable malgré des qualités indéniables : une connaissance tant du Bond littéraire ( qui est d’ailleurs bien plus LA référence de cette série de comics ) et de la saga filmique.
Il avait introduit un Bond brut(e), machine à tuer visuellement raccord avec le héros imaginé par Fleming ( vous avez déjà entendu parler de ses cicatrices sur la joue droite et la main gauche dans les films vous ? ) et laissez libre court à son imagination en matière d’inventions de SF injectées dans l’univers haut en couleurs de 007 ( Ellis est un passionné de technologies ).

Diggle ne cherche pas à éjecter le boulot de mise en place de Ellis mais il va faire les choses à sa façon.
Une façon plus prenante.
Au contraire de Warren Ellis qui préfère se donner à 100% sur ses créations personnelles et laisser un pourcentage bien plus faible sur les boulots de commande ( ce qui le place de toute façon bien souvent dans le haut du panier ), Diggle n’a pas ce genre de méthodes et décide d’écrire en bon petit soldat zélé mais pas dépourvu d’identité.

Commençant comme il se doit par une séquence introductive qui lancera toute la machine, Diggle place Bond au cœur d’une mission d’infiltration et de documentation qui tourne court, son permis de tuer ayant plus servi que prévu.
Placé sur une autre affaire bien moins prestigieuse, 007 se retrouve à devoir faire du babysitting pour Bernard Hunt, marchand d’arme ayant connu Andrew Bond, le père de l’agent secret. Bond y fait la connaissance de la vice-présidente de l’entreprise HE ( Hunt Engineering ), Victoria.
Une attaque terroriste contre Hunt, commanditée par une personne inconnue dont le nom de code est Kraken, viendra lier l’affaire en court et la première scène.
De Caracas à Dubaï, de quartiers pourris aux bars les plus fous et exotiques, l'enquête de Bond le fera voyager, c'est le minimum syndical quand on porte le matricule 007.







Diggle nous livre un très bon Bond. Malin, rompu aux arts de la guerre et de l’amour, cultivé. Il creuse également un peu son passé dans la marine royale britannique, jouant avec la mythologie du personnage à l’heure où le cinéma tente de lui en créer une nouvelle ( Skyfall ) sans jamais vraiment creuser les bases du personnage.
Coup fourrés, pièges mortels que l’on ne voyait pas toujours venir, voiture suréquipée, Hammerhead remplit habilement le cahier des charges de ce que l’on attend d’un 007 et joue avec ce qu’Ellis avait insufflé dans l’ADN de la série de comics pour ne pas être une simple copie du Bond de cinéma mais bien une incarnation dessinée suffisamment indépendante de son homologue le plus connu et apprécié.

Les dessins de Luca Casalanguida sont bien moins « figés » que ceux de son prédécesseur et offre un dynamisme certain tant aux scène d’action qu’au simple palabre. Loin des illustrations glacées des deux précédents tomes, Casalanguida offre des planches d’où émanent une sensation de mouvement, rendant l’ensemble vivant et ce même lorsque la mort rôde. Les couleurs évitent les aplats des tomes précédents ( qui donnaient l'impression que les ombres n'existaient pas dans le monde fantastique de l'agent secret le plus célèbre de sa gracieuse majesté ) donnent dès lors un peu plus vie aux protagonistes.




Pourtant, résumer Hammerhead à un simple récit d’action bien troussé serait réducteur tant il pose, en filigrane pas trop difficile à discerner , des questions sur le nationalisme, le patriotisme et le terrorisme intérieur. L’art d’un blockbuster au service pas très secret de la métaphore et des interrogations de notre époque.

Ce volume a par ailleurs la particularité d’être lu de manière indépendante, inutile d’avoir lu les précédents pour l’aborder. Bref, un point d’entrée (pour ceux qui voudraient éviter la période précédente moins aboutie ) dans cette série qui se bonifie donc avec le temps. On attend impatiemment de lire le tome 4, Killchain.

 L'amour en avion, une autre définition de s'envoyer en l'air. Quel coquinou ce James...



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