Pages

lundi 21 mai 2012

Le cinéma en guerre contre lui même : RED is not dead.


C'est une guerre. Une guerre perdue d'avance. Une guerre qui va  se perdre non pas parce que la technique a évolué mais parce que le pognon "a dit que" ! La guerre entre la pellicule et le numérique fait rage à Hollywood. Mais c'est une guerre secrète dont presque personne n'entend parler, dont presque personne ne sait qu'elle existe.

J'aurai voulu entrer directement dans le vif du sujet mais comment parler technique si je ne remonte pas dans l'histoire du média cinématographique ?  Oh je vous rassure, je ne vais pas remonter jusqu'à l'invention de la photographie ( car c'est bien de cela qu'il s'agit quand on parle de cinéma, on parle de photographie)…Je vais juste poser quelques petites bases. Du noir&blanc muet au cinéma couleur parlant, il y a eu une constante : le cinéma se tournait et se projetait grâce à la pellicule ! Voila, je ne pouvais pas faire plus court niveau historique.

Le cinéma, c'est un peu un tour de magie. C'est en tous cas une illusion : celle du mouvement. En effet, si vous regardez une pellicule de cinéma déroulée devant vous, que voyez-vous ? Des milliers de petites photos, guère plus grandes que des diapositives. Comment une succession de photos arrive-t-elle à nous faire croire au mouvement ? Réponse : la persistance rétinienne.

Il s'agit d'un défaut de la vision. Une forte source lumineuse imprime sa marque sur l'œil (regardez le soleil, fermez les yeux…vous avez encore l'impression de voir le soleil…bon, même les yeux ouverts, la marque est toujours là ! ). Du coup, comme pour un dessin animé, l'illusion de mouvement existe parce que notre œil n'efface pas assez vite l'image précédente. Illusion de mouvement ! Chez l'homme, la persistance rétinienne fonctionne au minimum avec 15 images par secondes. Le cinéma  fonctionne avec du 24 images par secondes ( et je ne rentre pas dans les détails mais votre téléviseur fonctionne sur un tout autre mode de fonctionnement qui allie source lumineuse et effet phi ).  Les 24 images projetées sont portées artificiellement à 48 grâces à un obturateur dans le projecteur, il faut en effet à tout prix éviter que les mouvements ne semblent saccadés sur l'écran.

Bref, une caméra, c'est un peu un appareil photo capable de prendre 24 photos en 1 seconde. Plus fort que le meilleur appareil en mode rafale que pourrait utiliser un paparazzi ! Lorsque la photographie numérique est apparue, le cinéma a lui aussi vu arriver le binaire. Certains cinéastes ont tenté plusieurs tournages avec cette nouvelle technologie. Il était toujours possible pour le spectateur de discerner que le film avait une base numérique et non analogique ( par exemple , Michael Mann a utilisé des caméras numériques pour Collateral et Miami Vice, mais l'effet visuel se rapprochait énormément de celui d'une vidéo ).  La révolution, comme souvent , serait rouge ! La caméra RED a débarqué.

Pourquoi révolution ? Parce qu'enfin, une caméra numérique donnait l'impression que le film avait été tourné avec de la pellicule. Il faut savoir que la pellicule a plusieurs désavantages : on peut en manquer, il faut recharger la caméra, etc… Le numérique ne vous fait jamais le coup du " y a plus de pellicule pour tourner et le budget nous empêche d'en racheter." Depuis " Zodiac " en 2007, David Fincher ne tourne plus qu'avec la nouvelle génération de caméras digitales, et ça ne se ressent pas dans le traitement de l'image, l'effet est cinématographique et non pas vidéo !

De plus, avec la révolution HD, la conversion vers une projection numérique était plus aisée : plus la peine de numériser des kilomètres de bandes ! Pourtant la pellicule peut-être d'aussi bonne qualité, parfois même meilleure qu'une image HD. En effet, la pellicule de base permet de projeter plus de pixels que le full HD. Pourtant, il était très rare dans les cinémas de s'en apercevoir. Un projecteur fonctionne grâce à plusieurs ampoules. Il faut que toutes ces ampoules soient opérationnelles, changées souvent, etc…pour que l'effet soit bon. Et changer les ampoules, toutes les ampoules, et bien ça coute un bras. Même les multiplex ne se donnaient pas la peine d'avoir des projecteurs à 100% efficaces. De plus, après un certain nombre d'expositions à la lumière, la pellicule s'abimait, des taches apparaissaient sur l'image. Et si le projectionniste était un manche, alors le basculement d'une bobine à l'autre pouvait aussi poser problème. Tout cela disparaît avec le numérique. Pourtant, certains cinéastes continuent de ne penser qu'en termes de pellicule ? Pourquoi ? Par simple esprit de contradiction ? Par incapacité d'évolution ? Citons deux exemples de cinéastes qui ne rentrent dans aucune de ses interrogations de manière affirmative : Christopher Nolan (de la génération de Fincher) et Steven Spielberg. Rappelons que Spielberg a toujours été intrigué par les nouvelles technologies : Jurassic Park et ses dinosaures en images de synthèses en sont un des preuves. Ça remonte à 1993 ( hé oui, on se fait vieux les gars ! ) , une époque où cette technique était à ses balbutiements et pourtant, Spielby a tenté le coup ! Il est donc inconcevable de prétendre que nous tenons un réfractaire à l'évolution technique !


Steven Spielberg jouant...à la Wii.Adepte des nouveautés je vous dis !!!!

Christopher Nolan, lui,  est plus réservé sur les effets en images de synthèse. Sa devise pourrait être : le minimum possible. Il en use mais sans en abuser. Qu'est-ce qui pousse un cinéaste relativement jeune ( une quarantaine d'années, dans le milieu, ce n'est pas vieux) à rejeter la caméra numérique et à vouloir garder la bonne vieille pellicule ? Déjà, la pellicule, c'est moins cher. Même lorsque l'enveloppe allouée par les studios est imposante, un budget est un vrai cauchemar pour un réalisateur, même les plus chevronnés comme Spielberg ( qui ne dépasse plus son budget depuis le premier Indiana Jones, il était le champion toutes catégories du dépassement avant cela et ça a bien failli lui couter sa carrière. Depuis il s'amuse quand même à terminer ses films avant la date prévue.). C'est en outre une technologie fiable et connue de toute l'industrie : ça fait plus de 100 ans que ça existe et les évolutions de la pellicule n'ont pas été si nombreuses ni même renversantes dans la manière de filmer (ça , c'est la miniaturisation des caméras qui aidera). Enfin, la pellicule de type IMAX offre une qualité d'image inégalée, même en  numérique. Les inconvénients  sont la grosseur de la caméra et le fait que le film ne peut être développé qu'à Los Angeles. Cela oblige à bien penser son tournage et contraint (pour le moment ! ) à ne pas pouvoir tourner tout son film avec un tel format. Le format IMAX est 10 fois plus grand que le format traditionnel et capte donc plus de détails. Pour les scènes marquantes, c'est le format idéal ( l'attaque de la banque, l'attaque du fourgon blindé, la course poursuite en Lamborghini,etc... dans The Dark Knight ont été tournées en IMAX. Même rabotés pour une salle classique, les effets visuels sont plus forts).




On le voit, la pellicule peut encore offrir de belles perspectives. Les deux formats ne devraient d'ailleurs même pas se faire la guerre. Le choix existe, à chaque réalisateur de voir comment il veut faire…sauf qu'on n'est pas au pays des Bisounours.

De plus en plus, les studios s'acharnent pour que les films soient tournés numériquement. Cela rend, entres autres choses, la conversion 3D plus simple mais pas meilleure, attention, ça reste toujours , pardonnez moi l'expression, merdique lorsque le film n'est pas tourné en 3D. Et il n'y a que deux façons de faire un film en 3D : en le tournant avec une caméra binoculaire, ce modèle-même inventé par James Cameron et son équipe technique, ou en tournant grâce à l'ordinateur (films d'animations ou performance capture)  les animateurs  et les ordinateurs calculant l'effet 3D. Les coups de productions plus élevés des caméras numériques sont largement compensés par l'inflation artificielle du billet de cinéma pour une séance 3D ! Le secret n'est que là : le pognon ! Et beaucoup de réalisateurs cèdent aux exigences du studio. Cela crée petit à petit une disparition de l'art du cinéma tel qu'il a été inventé. Et avoir le choix ne devrait pas inclure la disparition d'un de ces choix, pas vrai ?

Dans cette guerre, aucuns camps de réalisateurs ne cherchent à imposer le format qu'ils ont choisi. Zack Snyder tourne en numérique son prochain film. Un film produit par…Christopher Nolan ! Spielberg produit des films en numérique également ! Et je n'entre pas dans le détail de certaines amitiés entre réalisateurs adeptes de formats différents.
Non, la guerre est entre le camp de la pellicule et les studios qui de plus en plus veulent imposer le numérique. Tant que des grands pontes de la réalisation (adepte de la pelloche) seront là, la pellicule, le format de base, le format historique, le format culturel du cinéma, sera toujours représenté ! Mais quand ils ne seront plus là ? Qui dira stop à l'idée de trop, celle qui dénaturera définitivement le média ?

Certains veulent déja passer au format de tournage de 48 images par secondes...et le résultat obtenu a été descendu : le rendu est si fluide et si précis...que la magie disparaît, les décors en carton sentent le carton, l'image est digne d'un soap-opera. À force de vouloir capter la réalité, la réalité s'est imposée sur la fiction.

2 commentaires:

  1. Le cinéma, c'est d'abord une question de sensibilité.

    RépondreSupprimer
  2. Quand on le regarde, sans aucun doute.
    Mais quand on le fait ? Je pense que pour un réalisateur, la sensibilité à son sujet est tout aussi importante que la technique avec laquelle il veut tourner, aussi important que sa façon de mettre en scène, etc...du coup.

    "Sensibilité" est peut-être un peu flou dans ce cas, puisque sa façon de tourner dépend de sa sensibilité... :p


    Moi perso, qu'un film soit tourné en pellicule (Inception) ou en numérique ( The girl with the dragon tattoo...je prends des exemples de films que j'ai aimé), je m'en fous du moment que c'est bien fait. Comme je dis, il y a le choix des techniques, que le réal prenne ce qu'il lui plait le plus et basta...mais vu comment ça file, on estime que dans 5 ans,seul 17% des films seront tournés en pellicule. Si c'est pour voir disparaître le format historique alors qu'il n'est pas obsolète...

    RépondreSupprimer