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dimanche 15 décembre 2013

Au nom du père...

…Tu seras chauve-souris mon fils…

C’est presque une règle absolue, un artifice de création ,un acte fondateur immuable : le traumatisme initial d’un super-héros ! La perte d’un (ou plusieurs, selon les cas) être cher, qui poussera le héros à prendre part à une lutte contre le crime tout en se débattant pour ne jamais franchir la ligne rouge qui le pousserait à commettre ce qu’il sait être irréparable.

Batman est évidemment de ceux-là. Qui ignore encore que Thomas et Martha Wayne furent abattus par un voyou sans imagination du nom de Joe Chill ? Pourtant, tel un Matt Murdock/Daredevil se lamentant d’avoir perdu son père ou un Peter Parker/Spider-Man pleurant sur la mort de son Oncle Ben, Bruce Wayne est hanté par son géniteur. Il ne fait presque jamais allusion à sa mère.

La demeure de mon père, les entreprises de mon père…Même les anecdotes du passé que le chevalier noir utilise pour créer une métaphore avec ce qu’il vit est en relation directe avec Thomas Wayne.  Contrairement à la plupart des garçons de 8 ans fourrés dans les jupes de leur mère, le petit Bruce était en admiration totale devant la figure paternelle. Il y a fort à parier que si Martha était restée en vie, le petit Bruce aurait cherché à devenir l’ange de la nuit qu’il est aujourd’hui. Allons plus loin : dans une réalité alternative, Bruce meurt enfant, sa mère devient folle et devient le Joker. Son père se radicalise et devient...Batman.
Son trauma est là : la mort de son père et non celle de ses parents. Non pas que je minimise l'amour qu'il eu pour sa mère, de nombreux ouvrages démontrent bien la profonde relation qu'il entretenait avec elle.



Oui père, je serai chauve-souris.

Père et fils, lié par le même sort.


Dès lors, lorsque Grant Morrison, reprend l’écriture de la série « Batman » et nous fait découvrir le fils caché de Bruce et de Talia Al Ghul, la perspective de voir Batman devenir ce qu’il a perdu est excitante. Oh certes, on pourra toujours arguer qu’il a lui-même été un père de substitution pour les « Robin » qu’il a formé ( voire même carrément un père adoptif ), lui-même ayant trouvé des ersatz de paternels en Alfred ou Jim Gordon. Mais , dans la tradition anglo-saxonne, les liens du sang sont encore vus comme vecteurs de tempéraments ( «  C’est bien le fils de son père celui-là… » dira-t-on de Luke Skywalker n’ayant eu aucun contact avec Dark Vador ). Bref, Damian Wayne débarque et bouleverse le petit monde du chevalier noir.

Cependant, Morrison avait des plans bien précis pour Bruce, et développer son côté paternel n'en faisait pas partie. Qu'à cela ne tienne, un autre scénariste a compris le potentiel de la chose, et lors de la seconde série " Batman & Robin", Peter Tomasi va étoffer comme personne leur relation.

Bruce va apprivoiser ce fils qu'il ne connaît pas, Damian va peu à peu se laisser aller à apprécier cette nouvelle vie, ces nouvelles valeurs morales ( rappelons que le petit a été élevé par les gens de Ra's Al Ghul, ça vous situe le niveau humaniste de la chose). Leurs liens vont se construire vite et fort. À tel point que voir Bruce se comporter en père apparait comme une évidence, une évolution logique et normale. Cette évolution est tellement fluide, tellement nette, qu'elle semble faire partie du personnage depuis des lustres et non pas quelques années.






Il ne se bat plus uniquement pour que Gotham et ses habitants puissent vivre débarrassés du crime. Il se bat aussi pour que son fils puisse jouir d'une vie plus lumineuse, plus solaire. L'animal nocturne qu'il est souhaite que le rouge-gorge ( Robin signifie rouge-gorge en anglais) profite et s'expose à la lumière du soleil.

Mais Grant Morrison avait d'autres projets.
Son run sur Batman touche à sa fin après plus de 6 ans.
Et 4 épisodes avant la fin, il élimine Damian de l'équation. Robin meurt, dans les bras de son père, transpercé par la lame d'un sbire de sa mère.




Lorsque nous lisons une œuvre, regardons un film, une série ou assistons à une représentation théâtrale, notre réalité est altérée. Car cette fiction, dans laquelle nous nous immergeons semble bien réelle. Nous nous passionnons pour des êtres qui n’existent pas, nous nous passionnons pour ce qu'ils font, ne font pas. Nous ressentons (et une émotion , même si l'on ne peut la mesurer, la quantifier, est une chose bien réelle) pour eux des choses.

Alors oui, je revendique ici mon droit à pleurer la mort de Damian Wayne et à m'appesantir sur le sort de son père, Bruce Wayne. Lui pour qui l'image paternelle avait tant d'importance, vient de perdre la raison d'en donner une.

Fallait-il accabler ce personnage d'un nouveau tourment de ce type ? La mort qui frappe ses proches depuis ses 8 ans n'a-t-elle pas fait assez de dégâts ainsi ? J'ai pleinement conscience que les drames font avancer l'intrigue mais croire que certains statu quo ne sont que des handicaps ankylosant n'est pas forcément une bonne chose…je l'aimais moi, ce sale gosse…


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