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mercredi 27 août 2014

Un conte de Noël, en plein mois d' Août !

Oui, l'auteur est soit fou soit très en retard soit carrément très en avance, à vous de voir.





Il était 7H58 quand ils l'ont amené au poste. Damn', à deux minutes près, j'aurais été happé par l'air frais de l'hiver qui vient, comme aurait dit Ned, mon collègue. Et j'aurais pu apprécier un petit café avant d'aller dormir, pour récupérer d'une nuit que l'ennui avait rendue mortelle. En lieu et place de ce scénario parfait, j'ai du enregistrer l'arrivée du suspect et l'interroger. Je ne m'y attendais pas, mais toute cette histoire est devenue biblique !

L'homme s'appelait Joseph Saint et était accusé d'avoir mis une crèche dans la mosquée ou le souk dans une église je ne sais plus. Et c'est alors que je lui énonçais les faits qu'il me lâcha l'apocalypse : il avouait tout. Le père de Jésus, c'était lui. Tu parles d'un cadeau. Bon Dieu, Noël pourrait bien se voir annulé si une telle info était rendue publique. Pourtant, je le soupçonnais de ne pas avoir cherché à m'enguirlander. Il me restait 5 jours pour sauver les fêtes où tout cela finirait par sentir le sapin. J'avais les boules…

Plus tôt dans la journée, une Femen avait annoncé en place publique que Noël était annulé ( http://www.lesoir.be/384094/article/actualite/fil-info/fil-info-monde/2013-12-19/noel-est-annule-une-femen-se-denude-place-saint-pierre-pour-l-avorte.) . Connaissait-elle Joseph ? Étaient-ils complices ? Quelqu'un dans l'ombre tirait les ficelles peut-être ? Les questions se pressaient dans mon esprit comme une orange dans une machine à jus ! Il me fallait rechercher la vérité, et ,comme l'a dit le sage, celle-ci est forcément ailleurs.

Pourtant, tout ceci me semblait familier. Et soudain, tel un génie grec prenant son bain, j'ai eu une révélation : il y a plusieurs semaines de cela, on avait tenté d'éradiquer le Père Fouettard ( http://loractu.fr/metz/5323-l-onu-veut-interdire-le-pere-fouettard-les-pays-bas-vises.html). Y-avait-il un lien ? Si oui, pourquoi ? Et si non, pourquoi pas ?

Au fait , j'ai oublié de me présenter, je suis le sergent Dreyfuss, et croyez bien que je ferai l'affaire !

Le Père Fouettard servait d'homme de main une fois l'an à un évêque altruiste accro aux Speculoos . Le reste du temps, il était videur dans une boîte de nuit mal famée : La Ramonée. C'est là-bas que j'allais commencer mon investigation. J'avais un avantage, dû à mon "Eureka" fortuit : j'en savais plus que les autres, et les autres en savaient moins que moi.Fouettard avait une réputation assez étrange. Et il était loin d'être blanc comme neige. Pourtant ,il avait eu un penchant pour la poudreuse. À une époque, révolue, il lui arrivait de sniffer des rails de coke longs comme la 5e avenue. Le faire parler serait facile, le faire se taire sur mes investigations seraient une autre paire de manche.

Je chopais Fouettard alors qu'il sortait de chez lui pour se rendre sur son lieu de travail. Je n'avais pas de temps à perdre, j'allais devoir le malmener! Je l'attrapais par le col et le poussais contre le mur de la maison de son voisin ! Pas le temps de le mettre en contexte, j'attaquais tout de go !
- Donne-moi un nom !!!
-Vos parents auraient dû le faire à la naissance !
Je réalisais soudain que ça marche mieux quand on s'appelle Jack Bauer…
Visiblement, ce sous-fifre ne savait rien et je décidais de retrouver mon bureau quand soudain, le vibreur de mon téléphone s'excita de manière plus voyante que DSK devant un "Playboy" spécial finance.

L'appel m'avait informé de deux choses : Primo, j'avais mal réglé le volume et mon oreille sifflait. Deuxio, une certaine Mary Christmas m'attendait au poste.
-Mlle Christmas ? Sergent Dreyfus. Que faites-vous ici ?
- Je vous attendais.
-J'entends bien. Mais qu'est-ce qui vous a mené jusqu'à moi ?
- Un taxi.
-Oui, mais pourquoi ???
-Parce que ma voiture est en panne.
Visiblement, j'étais tombé sur la cruche de Noël…Et pourtant, quelque chose émanait d'elle. Un parfum que je reconnaissais. Elle portait la même fragrance qui jadis provenait de mon ex-femme : elle sentait les emmerdes …

Mary Christmas avait tout : la classe d'Audrey Hepburn, le parfum de Natalie Portman, les yeux de Paul Newman …et le cerveau de Paris Hilton. D'où mon désespoir.Un miracle de Noël que cette dinde de Christmas ne glousse pas.
J'entrepris de la questionner patiemment (très patiemment) et , après avoir avalé trois xanax ,je finis par apprendre la raison de sa présence : elle était l'héritière d'une fabrique spécialisée dans les jouets et avait eu vent de rumeurs sur l'annulation de Noël. Consciente que son portefeuille pourrait devenir plus maigre que son Q.I (oui, même les ahuris ont des moments de grâce intellectuelle), elle voulait absolument être certaine que l'enquête aboutirait, et vite. Un empire financier lorgnait depuis un moment sur les entreprises de son père et elle avait peur que leurs faiblesses permettent que cet empire contre-attaque.

Je tenais peut-être une piste. Cet empire financier, le "Global Carrot Group", possédait un département orienté uniquement sur les fêtes de Pâques. Avait-il organisé la chute de Noël dans le seul but de déstabiliser certaines entreprises pour les racheter et imposer Pâques au monde entier ? Voulait-il éradiquer, dans un élan mégalo, un vieux bonhomme rouge qui sent le vin chaud bas de gamme par un lapin tout mignon et une petite poule inoffensive ? Je devais en avoir le cœur net avant que le chef ne me sonne les cloches !

En parlant de cloche, Miss Christmas me demanda de la raccompagner chez elle. Encore sous l'effet de mon triple xanax sans glace, je préférais la confier aux bons soins des agents Lecel et Lepoivre. Dans le même temps, je chargeais les agents Géloeil et Lebon de fouiner pour moi et de surveiller le domicile du "prix Nobel" qui venait de quitter mon bureau.

Quant à moi, je décidais de gagner un bar proche de mon petit nid douillet. Je déambulais seul. Seul dans une ville traumatisée et triste. J'avais besoin d'un verre. Je commandais donc une bière brassée avec savoir que je dégusterais sans sagesse : j'ai soif, j'ai pas le temps de philosopher comme un pilier de comptoir plus imbibé que Depardieu frôlant le coma éthylique. Je pensais avoir bien mérité ma Bush de Noël.

Si je m'attaquais au Global Carrot Group, sans preuve et avec juste des présomptions, je risquais de me retrouver dans le même état que lorsque j'avais enquêté sur un trafic de couches-culottes usagées : être dans la merde jusqu'au cou ! Ces pensées s'incrustaient dans mon esprit comme la saleté sous les ongles.

J'ouvrais ma porte pour tomber presque directement endormi sur mon sofa. Cette nuit-là, je fis un rêve étrange. Je m'appelais Noël et j'étais poursuivi par un Dark Vador nain. Son sabre tournoyait dans les airs et je n'avais pour me défendre qu'un bâton de réglisse géant…qui diminuait à mesure que je le mangeais.
Acculé dans un coin , le Dark Vador nain me fit une proposition :
-Rejoins-moi, et ensemble, nous dominerons la réglisse !
- Jamais ! Vous avez tué mon papa !
- Non. Je suis ton petit papa, Noël !
C'est à ce moment que je me suis réveillé. Avec une idée en tête…

Cette enquête me prenait le chou. J'avais la rage aux dents; les dents de l'amer. Mais j'avais un embryon de plan. Pour ça j'allais devoir prendre mon courage à deux mains, chose que je ne fais qu'à cloche-pied. Cependant, la faiblesse n'a jamais été mon fort.
J'allais m'infiltrer chez GCG en me faisant passer pour un ancien employé de chez Christmas Toys. Je ferai miroiter que je suis un employé mécontent au courant de pleins de petites choses utiles. Mais pour cela, j'aurai d'abord besoin d'une lettre de recommandation de Mary Christmas. L'idée de la revoir me fit frissonner d'effroi.

Arrivé devant chez elle, je pris mon temps avant de sortir de la voiture. J'avais rempli mon estomac de calmants, avait chargé ma conscience de courage et déchargé mon flingue de ses munitions. Inutile d'être tenté de mettre fin non pas aux souffrances de la belle mais aux miennes.

Géloeil et Lebon étaient en faction devant la porte d'entrée.
- Alors, on en est où ?
- Et bien chef…elle a de la visite.
- Tout le monde a le droit à une vie privée épanouissante Lebon, même les enfants de Rain Man.
- Oui mais là c'est…
- Et bien quoi ? C'est….?
-Je sais bien que je n'aurai pas du jeter un œil par la fenêtre. Mais vous savez..
- Ça va Lebon, j'ai compris. Vous êtes célibataire depuis un moment, je ne dirai rien dans mon rapport. Mais accouchez mon vieux !
- Et bien, la personne avec elle…c'est la mère Noël.

Par Fulchibar et St Thurgode réunis ! Je n'en croyais ni mes oreilles ni mes narines. N'avais-je pas reniflé sur elle l'odeur si particulière des ennuis ? Avais-je donc été si bête ? M'avait-elle sciemment lancé sur une fausse piste ? Joué à la fausse idiote mais à la vraie sa…tyre ? ( Avouez, z'avez tous crû que j'allais dire "salope" hein ? Et bien non, je refuse d'écrire ce mot ! Non mais ! ). La mère Noël, contrairement à son appellation, est une jeune fille d'à peine 19 ans qui n'a pas été très sage cette année. Toute cette histoire n'allait-elle servir qu'à faire disparaître Papa Noël de l'équation pour que Madame puisse s'envoler loin du pôle Nord sans passer par la case divorce ?

-Géloeil, t'as toujours ton appareil photo avec toi ?
-J'en ai même plusieurs patron !
- Passe moi le premier qui te tombe sous la main et…Mais nom de Dieu, qu'est-ce que c'est que ce truc ?
-Bin c'est mon grand angle patron. Il ne vous plaît pas ? C'est pourtant un modèle recommandé par les vendeurs comme le top du top pour les voyeu…euh, les amoureux de la nature.
- Ok, passe le moi, je te le rends vite.

(Note pour plus tard, surveiller les activités du futur prix Pullitzer de photographie. On sait jamais, je pourrais aimer ce qu'il y sur sa carte mémoire. Oh sergent Dreyfuss, quel coquin vous êtes.)

Apparemment, Miss Christmas et Madame Noël étaient fort proches. Je prenais la photo incriminante et l'envoyait par mail sur mon aPhone. Avec ce cliché, j'arriverais peut-être à obtenir un mandat. C'est à ce moment précis que je tombais dans les pommes : les calmants faisaient enfin effet. Ma dernière pensée fût que non, avaler toute la boîte n'était pas l'idée du siècle finalement…

Je me laissais dériver dans un univers onirique et cotonneux. Vers les années bénies où j'étudiais la théologie. C'est là que j'avais rencontré sœur Céline. C'est là qu'elle et moi avions conclu.
Conclu que non, le séminaire n'était pas un endroit pour nous. Dans notre fuite, j'apprenais que son nom de baptême était Vulfégonde (tu m'étonnes qu'elle soit rentrée dans les ordres tiens, quelle espèce de malade appelle sa fille ainsi ? ).
Je n'avais jamais compris comment elle se débrouillait pour marcher en laissant penser que le sol était plus souple sous ses pieds que sous les miens. Et Dieu, qu'elle était belle…belle comme la femme d'un autre.

Le réveil a été brutal. En lieu et place d'une nonne fugueuse tout droit sortie d'un film hollywoodien pour midinettes, je me retrouvais nez-à-nez avec mes agents de terrain…qui avaient quitté leur poste pour me secourir. Devais-je les engueuler ou les embrasser ? Je décidais de régler une question plus importante : pourquoi diantre étais-je habillé en en clown ?

C'est alors que je voulais avoir une réponse que je me suis réveillé, pour de bon cette fois.
-Patron, j'ai bien crû qu'on allait vous perdre. J'ai du vous faire du bouche-à-bouche.
-Doublement merci Lebon…pour ta sollicitude et ton chewing-gum à la fraise des bois ! Du nouveau pendant que je comatais ?
- Rien de rien, tout baigne dans l'huile boss. Ah si, y a un camion de déménageurs qui a apporté un gros paquet. Il faisait du bruit mais quand j'ai posé une question, on m'a répondu que ça ne regardait pas les poulets et j'ai laissé filer.

L'incompétence crasse de mes agents me donnait paradoxalement l'opportunité d'agir sans devoir quérir un mandat ! En effet, je soupçonnais nos deux criminelles en jupons et petites dentelles rouges de vouloir éliminer les témoins gênants. Silencieusement, j'approchais de la porte d'entrée. Celle-ci n'était pas fermée à clé. Je sortais mon arme et glissais un chargeur.
-Géloeil, garde la porte. Lebon, avec moi !

Nous avancions dans le noir à pas feutrés.
-Dis moi , Lebon…les déménageurs ne sont pas partis n'est-ce pas ?
- Comment le savez-vous patron?
- Une intuition. Et leur camion est toujours garé sur le côté.
- Vous êtes observateur boss.
-C'est pour ça que je suis boss. Comment étaient charpentés nos hommes au fait ?
- Des armoires à glaces patron.
-Mmmm. Très bien. Tu restes en bas. Je monte. Si tu vois quelqu'un descendre en courant, laisse le passer, ça sera surement moi !

Inutile de jouer au cow-boy. Je ne l'ai jamais été. En revanche, je suis un sacré cavaleur. Néanmoins, avec les fêtes, tout ça, un acte de bravoure aussi brillant que stupide me vaudrait peut-être une médaille en or. Je sortais alors mon flingue de secours, un ancien modèle de revolver à alarme reconverti en modèle d'assaut. Une alarme fatale !

-Wow patron ,pourquoi deux flingues ?
-Parce qu'un seul ne suffit pas !
C'est alors que je sentais le poids des armes me redonner du courage que j'ai eu l'idée la plus lumineuse de ma carrière. Sortir de la maison et appeler l'équipe tactique. Elle investirait la maison, ferait le travail et je serais l'homme qui a mis toute l'opération sur pied ! Du pur génie !
20 minutes plus tard, alors que ça pétaradait dans tous les coins, je prenais un café crème bien mérité près du fourgon de ravitaillement. Ne rien faire m'avait exténué, c'est tout un art de ne pas en foutre une vous savez ! Ah, j'aime quand mes affaires se déroulent sans accro.

L'équipe avait sauvé Papa Noël. Il était retenu à la cave, enguirlandé comme un arbre des fêtes de fin d'année, un châtiment ironique sans doute.
Nos deux comploteuses en herbes avaient tout avoué : elles s'étaient rencontrées l'année dernière à un colloque sur les jouets issus du commerce équitable. Amoureuses folles, elles avaient voulu balayer tous les obstacles. Joseph Saint s'était avéré être un acteur minable du nom de Jude As. La fortune de Christmas avait permis de falsifier ses papiers d'identités.

C'est ainsi que votre serviteur a sauvé les fêtes de Noël . Ne me remerciez pas, je n'ai fait que mon devoir. Mais si vous tenez vraiment à me remercier, mon compte en banque est le 777-998766-777.

lundi 25 août 2014

Les enfants de la nuit.

Kate Neuman est hématologue.
Au début des années 90, dans une Roumanie qui vient de se libérer du joug de Ceausescu et où le sida fait rage , Kate s'occupe du cas d'un étrange bébé dont le corps réagit de manière phénoménale après chaque transfusion de sang.
Kate adopte le bébé avant de rentrer aux USA.
Une fois chez elle, dans le Colorado, d'étranges hommes en noir commencent à la terroriser et tentent de kidnapper son enfant. Face à une horreur implacable, Kate devra retourner sur les traces de son fils dans un pays rongé par la corruption et la violence.
Elle aura besoin de toute l'aide possible face à ce qui pourrait être une secte vampirique qui semble remonter à Vlad Dracula, le voïvode qui inspira Bram Stoker en 1897.
Et de l'aide, Mike O'Rourke, prêtre qui, enfant, a survécu à l'horreur d'un été à Elm Haven, est prêt à lui en fournir.

Changement de style. Après l'horreur feutrée, Simmons refait vivre un de ses personnages de Elm Haven. Ayant grandi et fait le Vietnam, c'est un Mike toujours aussi courageux mais plus réfléchi qui entre ici en scène. Mais ce n'est qu'un second rôle, presque tout le roman étant écrit du point de vue de Kate. Une femme de science, plongée dans un monde qu'elle ne contrôle absolument pas et déterminée coûte que coûte à retrouver son enfant.

Dan Simmons livre ici un roman très axé sur le suspense et l'action. Presque sans temps morts, l'auteur arrive pourtant à décrire les traumas et les pensées de ses personnages. Kate est un personnage auquel on s'attache presque tout de suite. Et si sa relation avec O'Rourke est cousue de fil blanc, il n'en reste pas moins que leur amitié et leur rapprochement sont décrits avec justesse.
L'état de la Roumanie de l'époque participe aussi grandement à l'ambiance : Simmons se documente beaucoup et cela se ressent. Certes, cela ne change pas beaucoup des idées reçues sur le fonctionnement administratif et judiciaire que le lecteur occidental a des pays de l'Est mais la recette fonctionne quand le cuistot sait assaisonner comme il faut.

Un roman de vampire atypique qui arrive à concilier science moderne de fiction et aspect mythique du buveur de sang en offrant une autre approche que celle, trop facile, de la porphyrie.  Une série B littéraire de haute tenue qui vous tiendra éveillé quelques nuits.

Noir est l'été.

Elm Haven, petite ville de l'Illinois.
C'est le début de l'été et des vacances en cette bonne année 1960. L'école Old Central va fermer ses portes à jamais.
Le dernier jour de classe, un élève disparaît. Mais qui se soucie d'un cas social ?
Pourtant, une bande d'amis va s'en préoccuper et attirer à eux les sombres secrets de leur ancienne école, de leur ville et de son histoire. Car tapie dans l'ombre, la fin de l'innocence s'apprête à frapper un à un la petite bande.

Dan  Simmons a sans doute été le rival le plus sérieux de Stephen King dans les années 80 et 90. Et , sans conteste, on pense au fantastique " Ça " lorsque l'on débute la lecture : une bande d'amis d'environs douze ans chacun, une petite ville américaine typique, des secrets enfouis, un mal qui rôde…
Car King a usé et abusé (mais sans gaver son lectorat car l'homme est fort) d'un schéma récurrent utilisant les affres et les aléas de la vie de l'enfance pour nourrir son œuvre.
Mais il n'a pas inventé ce schéma. Néanmoins, il le manie tellement bien que voir un de ses rivaux s'attaquer à ce même exercice peut sembler simpliste.

Pourtant, Simmons, va appuyer sur l'aspect fantastique bien plus que sur l'aspect "enfance" : certes, on retrouve quelques brutes plus âgées mais celles-ci sont vite remises à leur place. Ce qui compte, c'est ce qui rôde la nuit dans le noir et les sombres actions d'adultes malfaisants quand les adultes ordinaires semblent incapables de percevoir le mal et la pourriture émanant de certains de leurs concitoyens et proches voisins.

Faisant lentement mais surement monter la sauce, coupant son récit quand il le faut pour embrayer sur une autre action et laissant le lecteur dans un état proche de la syncope tant le suspense est haletant, Simmons signe un roman prenant, horrifique et diablement perturbant.
Alors non, face à " Ça ", il se ferait dévorer…mais pas sans vendre chèrement sa peau et vous faire vérifier que rien ne se cache sous votre lit avant de vous endormir.

samedi 23 août 2014

Le père Noé est une ordure. Le réalisateur aussi.

Après le succès de Black Swan, Darren Aronofsky avait le monde à ses pieds. Il choisit donc de mettre en branle un ancien de ses projets, Noé, dont il avait recyclé le scénario pour en faire une bande-dessinée.

Le cas Aronofsky est révélateur d'une chose : la majorité des critiques de cinéma sont des girouettes, bergers du troupeau qu'est le grand public. Peu importe que le réalisateur fut voué aux gémonies après son The Fountain puisque The Wrestler et Black Swan sont passés par là.
On parle bien d'un film tourné à la "frères Dardenne" et d'un autre dont un plan sur trois a été piqué à l'anime japonais Perfect Blue (ce que j'ignorais lorsque j'ai critiqué Black Swan. Depuis, le cygne a pris un coup dans l'aile. Et si vous voulez des preuves : Google est votre ami, c'est édifiant).
Girouettes ET incultes.

Car depuis le film qui valu à Natalie Portman son Oscar, il est trèèèès mal vu de taper sur le petit Darren.
Pourtant, a-t-il jamais été un grand réalisateur ou auteur ?
Les statistiques sont sans appel : un grand film malade que presque personne n'a vu  et quatre films que presque personne ne regarde plus (comment je sais que vous ne les regardez plus des masses ? Vous n'en parlez plus jamais.).

Son seul travail intime, personnel et dans lequel il semble avoir mis toutes ses idées s'appelle The Fountain. Requiem for a dream s'appuie sur quelques images chocs et surtout le livre Retour à Brooklyn d'Hubert Selby ( qui a coécrit le scénario). The Wrestler et Black Swan sont des scénarios originaux qu'il a mis en images. Mais aucune thématique commune ne se dégage jamais de film en film.
Arrive donc ce naufrage euh ce Noé, où il a décidé de se remettre à écrire avant de repasser derrière la caméra….

Le déluge. Si la vision forcément judéo-chrétienne est imprimée dans nos esprit, il n'est pas mauvais pour la culture de rappeler qu'il s'agit de l'un des nombreux emprunts de la Bible aux mythologies et rites oraux qui ont précédés les religions monothéistes.
L'épopée de Gilgamesh ( écrite il y a 5000 ans contre 3000 pour les plus vieilles parties de la Bible ) faisait déjà mention d'un antique déluge vieux de plusieurs centaines d'années avant la naissance du héros. Là aussi, un homme sauvait les graines du futur en bateau…

Bref, Noé avait des bases pour transcender les cultures. Encore que pour cela, il aurait fallu faire une chose toute simple : ne pas constamment rappeler les barrières entre les cultures et ce sans chercher, jamais, à les abattre. D'un récit, on l'a vu, commun et semi-universel, Aronofsky ne va retenir que la vision biblique, creusant de facto un fossé entre croyants d'une part et non-croyants de l'autre. Mais retenir une version déjà pré-établie, c'est plus facile, pas besoin de faire des recherches en bibliothèque pour tirer une essence et en faire une histoire originale ( influencée certes, mais originale).

Donc, comme de bien entendu, ça commence avec " Au commencement étaient les ténèbres" , le serpent ( en CGI à deux balles) et le coup de la pomme, etc... on appuie à mort sur tout ce qui fera bondir qui n'est pas un intégriste. Car dans sa grande cohérence de division de l'humanité, Aronofsky arrive même à en venir à un schisme au sein même des croyants en rappelant que certains y voient des métaphores porteuses de sagesses et d'autres une parole d'évangile que nul sur cette Terre n'a le droit de remettre en cause, ambiance...

Bref, le déluge ne pouvant servir de matière à un film de plus de 20 minutes, il va falloir quand même broder autour. Va donc venir se greffer la subtilité de l'auteur, adepte des images chocs (Requiem for a dream) et dérangeantes (Black Swan) , bref adepte de l'antithèse absolue de la subtilité.*
Et là, commence la foire du slip ultime, presque du Uwe Boll au scénario....
Tout y passe : de la civilisation industrielle ( si si, il y a des passages où les décors font passer à …Mad Max 2 ! ) qui a détruit toutes ses ressources pour faire un film  écolo engagé jusqu'au discours neuneu "carnivores méchants, végétariens gentils " (allant jusqu'à montrer que manger de la viande mène au cannibalisme hein, on va pas se priver).
Parce que bon, les carnivores mangeant la création de Dieu, ils sont d'infâmes profanateurs : CQFD.
Dieu n'a-t-il donc pas créés les fruits et les légumes qui sont aussi consommables ? Non je demande hein…
En tous cas, l'humanité qu'il a mise sur pieds n'est que blanche : pas d'ethnies.Les élus du Créateur seront blancs ! Merci Darren pour cette leçon humaine et poignante.Dire que le KKK était mal vu, mais toi, Darren, tu nous rappelles que seuls les bobos blancs, végétariens et bigots auront droit à l'éternité et aux cantiques des anges sur leurs nuages ! On se demande pourquoi Rachel Weisz t'a largué tiens....

Noé construit donc son arche en … détruisant une forêt. Oui, comme les infâmes industriels que Dieu veut faire disparaître avec son déluge. Et lorsque ces hommes et ces femmes, forcément barbares et violents du point de vue de Noé, car seul son point de vue, qui est aussi celui de Dieu dans le film, est vraiment exprimé, veulent sauver leur peau : Noé les envoie chier.  Car, et c'est là que ça devient puant, ce point de vue est aussi celui de Aronofsky. Végétarien convaincu, il a interdit toutes sortes d'aliments sur le plateau de tournage (ainsi que l'eau en bouteille : ça a juste envoyé des acteurs à l'hosto mais ce n'est que broutille. L'humanisme du gars vaut celui de Abdellatif Kéchiche.) ainsi qu'aux avant-premières. Le réalisateur ne fait pas que défendre ses idées, il les impose ! Ce qui mène invariablement aux discours du film :
Vous pas être croyants comme moi je le suis. Vous pas mériter de vivre.C'est Dieu, le Créateur avec une majuscule, qui le dit.
(je rappelle à toute fin utile que : Parler à Dieu, c'est prier. Dieu qui vous répond, c'est de la schizophrénie.)

En ne posant aucun autre personnage principal que Noé et sa famille avant une heure de film, Aronofsky ne peut offrir aucun temps de paroles aux nuances concernant les autres humains de son récit. Ce sont les gentils contre les méchants sanguinaires, point. Ceux que personne dans le public ne souhaiterait voir sauvés. Sauf qu'arrivée la première demi-heure du film, on se déjà fout du sort des "gentils" aussi, tant le récit est premier degré absolu, pompeux et mal écrit, tant il s'évertue à faire de l'incohérence scénaristique un des beaux-arts.

Russel Crowe est en mode automatique, comprendre "il joue Maximus de Gladiator" parce que c'est une valeur sûre. Jennifer Connelly est mono-expressive (non, faux, il y a deux expressions : elle tire la gueule ou elle sourit comme une idiote. Mais dieu qu'elle est belle, au moins c'est déja ça de sauvé).
Reste quelques belles images dues au directeur photo. Mais c'est peu ( quoi, 6 plans en 2H20 de film ? ) L'homme n'est pas aidé par les idées de son réalisateur ni par les images de synthèses, grossièrement amenées, qui font passer les dinosaures de Jurassic Park pour le summum du genre 21 ans après sa sortie. Vous la sentez la supériorité de papy Steven ?

Moralement douteux et profondément anti-humaniste, le père Noé est une ordure,prônant l'idéologie de la pensée unique au risque de périr sous les coups du divin si l'on ne suit pas une certaine voie.
Le cinéma peut être un formidable outil de propagande, c'est pour ça qu'il est bon et heureux que des réalisateurs comme Aronofsky, qui ont eu trois idées dans leur vie et en sont désormais dépourvus, s'attaquent à ce genre de sujets : ça fait apparaître l'évidence de leur démarche douteuse prônant l'intégrisme religieux comme seule voie de secours pour l'humanité.
Noé est un film aux relents nauséeux niant tout humanisme ou mains tendues et Aronofsky surligne son propos nauséabond au fluo bien pétant !

Un déchet , purement et simplement.


* la subtilité n'est pas une condition sine qua non pour réaliser un bon film.on peut y aller avec ses gros sabots et fournir un travail intéressant.encore faut-il dès lors connaître des techniques de cinéma qui ne font pas que dans le choquant et dérangeant : ça aide quand on veut raconter autre chose.