Le cas Aronofsky est révélateur d'une chose : la majorité des critiques de cinéma sont des girouettes, bergers du troupeau qu'est le grand public. Peu importe que le réalisateur fut voué aux gémonies après son The Fountain puisque The Wrestler et Black Swan sont passés par là.
On parle bien d'un film tourné à la "frères Dardenne" et d'un autre dont un plan sur trois a été piqué à l'anime japonais Perfect Blue (ce que j'ignorais lorsque j'ai critiqué Black Swan. Depuis, le cygne a pris un coup dans l'aile. Et si vous voulez des preuves : Google est votre ami, c'est édifiant).
Girouettes ET incultes.
Car depuis le film qui valu à Natalie Portman son Oscar, il est trèèèès mal vu de taper sur le petit Darren.
Pourtant, a-t-il jamais été un grand réalisateur ou auteur ?
Les statistiques sont sans appel : un grand film malade que presque personne n'a vu et quatre films que presque personne ne regarde plus (comment je sais que vous ne les regardez plus des masses ? Vous n'en parlez plus jamais.).
Son seul travail intime, personnel et dans lequel il semble avoir mis toutes ses idées s'appelle The Fountain. Requiem for a dream s'appuie sur quelques images chocs et surtout le livre Retour à Brooklyn d'Hubert Selby ( qui a coécrit le scénario). The Wrestler et Black Swan sont des scénarios originaux qu'il a mis en images. Mais aucune thématique commune ne se dégage jamais de film en film.
Arrive donc ce naufrage euh ce Noé, où il a décidé de se remettre à écrire avant de repasser derrière la caméra….
Le déluge. Si la vision forcément judéo-chrétienne est imprimée dans nos esprit, il n'est pas mauvais pour la culture de rappeler qu'il s'agit de l'un des nombreux emprunts de la Bible aux mythologies et rites oraux qui ont précédés les religions monothéistes.
L'épopée de Gilgamesh ( écrite il y a 5000 ans contre 3000 pour les plus vieilles parties de la Bible ) faisait déjà mention d'un antique déluge vieux de plusieurs centaines d'années avant la naissance du héros. Là aussi, un homme sauvait les graines du futur en bateau…
Bref, Noé avait des bases pour transcender les cultures. Encore que pour cela, il aurait fallu faire une chose toute simple : ne pas constamment rappeler les barrières entre les cultures et ce sans chercher, jamais, à les abattre. D'un récit, on l'a vu, commun et semi-universel, Aronofsky ne va retenir que la vision biblique, creusant de facto un fossé entre croyants d'une part et non-croyants de l'autre. Mais retenir une version déjà pré-établie, c'est plus facile, pas besoin de faire des recherches en bibliothèque pour tirer une essence et en faire une histoire originale ( influencée certes, mais originale).
Donc, comme de bien entendu, ça commence avec " Au commencement étaient les ténèbres" , le serpent ( en CGI à deux balles) et le coup de la pomme, etc... on appuie à mort sur tout ce qui fera bondir qui n'est pas un intégriste. Car dans sa grande cohérence de division de l'humanité, Aronofsky arrive même à en venir à un schisme au sein même des croyants en rappelant que certains y voient des métaphores porteuses de sagesses et d'autres une parole d'évangile que nul sur cette Terre n'a le droit de remettre en cause, ambiance...
Bref, le déluge ne pouvant servir de matière à un film de plus de 20 minutes, il va falloir quand même broder autour. Va donc venir se greffer la subtilité de l'auteur, adepte des images chocs (Requiem for a dream) et dérangeantes (Black Swan) , bref adepte de l'antithèse absolue de la subtilité.*
Et là, commence la foire du slip ultime, presque du Uwe Boll au scénario....
Tout y passe : de la civilisation industrielle ( si si, il y a des passages où les décors font passer à …Mad Max 2 ! ) qui a détruit toutes ses ressources pour faire un film écolo engagé jusqu'au discours neuneu "carnivores méchants, végétariens gentils " (allant jusqu'à montrer que manger de la viande mène au cannibalisme hein, on va pas se priver).
Parce que bon, les carnivores mangeant la création de Dieu, ils sont d'infâmes profanateurs : CQFD.
Dieu n'a-t-il donc pas créés les fruits et les légumes qui sont aussi consommables ? Non je demande hein…
En tous cas, l'humanité qu'il a mise sur pieds n'est que blanche : pas d'ethnies.Les élus du Créateur seront blancs ! Merci Darren pour cette leçon humaine et poignante.Dire que le KKK était mal vu, mais toi, Darren, tu nous rappelles que seuls les bobos blancs, végétariens et bigots auront droit à l'éternité et aux cantiques des anges sur leurs nuages ! On se demande pourquoi Rachel Weisz t'a largué tiens....
Noé construit donc son arche en … détruisant une forêt. Oui, comme les infâmes industriels que Dieu veut faire disparaître avec son déluge. Et lorsque ces hommes et ces femmes, forcément barbares et violents du point de vue de Noé, car seul son point de vue, qui est aussi celui de Dieu dans le film, est vraiment exprimé, veulent sauver leur peau : Noé les envoie chier. Car, et c'est là que ça devient puant, ce point de vue est aussi celui de Aronofsky. Végétarien convaincu, il a interdit toutes sortes d'aliments sur le plateau de tournage (ainsi que l'eau en bouteille : ça a juste envoyé des acteurs à l'hosto mais ce n'est que broutille. L'humanisme du gars vaut celui de Abdellatif Kéchiche.) ainsi qu'aux avant-premières. Le réalisateur ne fait pas que défendre ses idées, il les impose ! Ce qui mène invariablement aux discours du film :
Vous pas être croyants comme moi je le suis. Vous pas mériter de vivre.C'est Dieu, le Créateur avec une majuscule, qui le dit.
(je rappelle à toute fin utile que : Parler à Dieu, c'est prier. Dieu qui vous répond, c'est de la schizophrénie.)
En ne posant aucun autre personnage principal que Noé et sa famille avant une heure de film, Aronofsky ne peut offrir aucun temps de paroles aux nuances concernant les autres humains de son récit. Ce sont les gentils contre les méchants sanguinaires, point. Ceux que personne dans le public ne souhaiterait voir sauvés. Sauf qu'arrivée la première demi-heure du film, on se déjà fout du sort des "gentils" aussi, tant le récit est premier degré absolu, pompeux et mal écrit, tant il s'évertue à faire de l'incohérence scénaristique un des beaux-arts.
Russel Crowe est en mode automatique, comprendre "il joue Maximus de Gladiator" parce que c'est une valeur sûre. Jennifer Connelly est mono-expressive (non, faux, il y a deux expressions : elle tire la gueule ou elle sourit comme une idiote. Mais dieu qu'elle est belle, au moins c'est déja ça de sauvé).
Reste quelques belles images dues au directeur photo. Mais c'est peu ( quoi, 6 plans en 2H20 de film ? ) L'homme n'est pas aidé par les idées de son réalisateur ni par les images de synthèses, grossièrement amenées, qui font passer les dinosaures de Jurassic Park pour le summum du genre 21 ans après sa sortie. Vous la sentez la supériorité de papy Steven ?
Moralement douteux et profondément anti-humaniste, le père Noé est une ordure,prônant l'idéologie de la pensée unique au risque de périr sous les coups du divin si l'on ne suit pas une certaine voie.
Le cinéma peut être un formidable outil de propagande, c'est pour ça qu'il est bon et heureux que des réalisateurs comme Aronofsky, qui ont eu trois idées dans leur vie et en sont désormais dépourvus, s'attaquent à ce genre de sujets : ça fait apparaître l'évidence de leur démarche douteuse prônant l'intégrisme religieux comme seule voie de secours pour l'humanité.
Noé est un film aux relents nauséeux niant tout humanisme ou mains tendues et Aronofsky surligne son propos nauséabond au fluo bien pétant !
Un déchet , purement et simplement.
* la subtilité n'est pas une condition sine qua non pour réaliser un bon film.on peut y aller avec ses gros sabots et fournir un travail intéressant.encore faut-il dès lors connaître des techniques de cinéma qui ne font pas que dans le choquant et dérangeant : ça aide quand on veut raconter autre chose.
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