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mercredi 27 janvier 2016

Quand Marnie était là...

Dernier film des studios japonais Ghibli (et dernier film tout court puisque le studio est désormais en hiatus à durée indéterminée), Souvenirs de Marnie nous entraîne bien loin des mondes étranges de Hayao Miyazaki. Et pour cause, Myazaki n'a pas réalisé le film...et oui, il est pas le seul réalisateur des studios non plus nan mais ho ! Il est l’œuvre du réalisateur Hiromasa Yonebayashi et est sorti dans nos contrées il y a un an déjà, le 14 janvier 2015.

Charte graphique oblige, le style de dessins se place bien entendu dans la mouvance Ghibli qui, sur ce point, est presque une marque déposée. Néanmoins, le trait est plus fin, l'animation plus délicate. Il y a un aspect pseudo-réaliste qui se dégage de l'ensemble. Il faut dire que l'équipe a fait des repérages en extérieur pour les décors et a été jusqu'à construire des maquettes avant de se lancer dans le dessin des différents bâtiments. La qualité de l'animation est, comme toujours avec ce studio, un point fort et une réussite totale. As usual.



Anna est une jeune fille d'environ 12-13 ans. Un peu garçon manqué et un peu en marge des autres, Anna est envoyée à la campagne par sa mère adoptive pour l'aider avec son asthme. Solitaire attitude oblige, elle va explorer les environs, seule, et découvrir prè!s du marais un étrange manoir qui lui semble familier. Lors d'une occasion folklorique où son manque totale de sociabilité la fait réagir un brin violemment, Anna s'enfuit en barque dans les marais et rencontre Marnie,une fille de son âge vivant dans ce beau manoir au bord de l'eau. Marnie est à l'opposé d'Anna : la jeune fille est souriante, féminine et presque petite princesse.
Très vite, les deux jeunes filles vont s'attacher l'une à l'autre. Mais un parfum de mystère plane sur l'endroit et sur Marnie. Un mystère qu'Anna voudra percer, au risque de perdre ses illusions et au bénéfice de grandir. Un récit initiatique en somme, avec les codes et les clichés inhérents au domaine mais transcendés par la réalisation, osons dire la mise en scène et des images de toutes beautés, le tout baignés dans une structure à tiroirs qui donne bien force le spectateur à s'investir dans le cheminement interne de l'héroïne.

Il est toujours subjectif de critiquer une œuvre. Quoi qu'on tente, le regard que l'on porte est toujours conditionné par nos expériences.  Souvenirs de Marnie peut donc être un film assez hermétique de par le parcours de sa protagoniste principale.
Si tout le monde s'est déjà senti seul, le vrai sentiment de solitude est une toute autre affaire. Pour comprendre Anna et ses réactions à la limite du comportement borderline et semblant parfois incohérentes, il faut un bagage pas très agréable (parce que croyez-moi sur parole : aucun comportement d'Anna n'est incohérent avec sa détresse intérieure).
C'est là que le subjectivisme entre en jeu : la porte était grande ouverte pour votre serviteur. Et rarement j'aurai vu, transcrit avec tant de justesse, les sentiments de solitude, de désespoir, de haine apparente des autres qui n'est qu'une façon de se protéger ( la solitude est une drogue dure : on en souffre mais elle forme un cocon protecteur, illusoire d'ailleurs, autour de ceux qui en souffrent et gare à ceux qui voudraient entrer sans qu'on leur donne la permission) et de recherche absolue d'une solution, d'un espoir, d'une branche à laquelle se raccrocher, de bulle d'oxygène à attraper ( Anna a de l'asthme, tiens tiens tiens...symbolisme est partout). La première réplique du film est directe, et prononcée par une Anna à l'ombre quand tout les autres profitent d'un bain de soleil " Il y a en ce monde un cercle magique invisible.Et on est soit à l'intérieur du cercle soit à l'extérieur.Ces gens-là sont à l'intérieur du cercle." Et elle passe d'un j'en ai rien à foutre d'être en dehors à un sentiment de rejet de soi en un clin d’œil.




Cette instabilité comportementale est renforcée par l'aspect calme de la campagne japonaise.
Et comme souvent, c'est une rencontre au bon endroit, au bon moment, qui peut faire basculer votre vie et ouvrir votre coquille (jamais totalement, mais assez pour faire entre de l'air et de la lumière). Symboliquement, dans la fiction,il vaut mieux que cette personne soit une femme ( symbole de vie par excellence dans de multiples cultures). Garçon manqué jusqu'au bout du film,la rencontre de Marnie est aussi, peut-être, pour Anna, l'occasion de laisser apparaître au grand jour son attirance sexuelle pour les femmes. C'est la seconde porte d'entrée pour votre serviteur : c'est dans le féminin que je cherche mon éclosion. Me voila donc devant mon pire cauchemar d'écriture : l'incapacité presque totale à l'objectivité technique sur un film. Voilà pourquoi le reste de l'article sera encore parsemé de « Je ».




Je ne pense pas que le film soit parfait, il y a des menus défauts bien entendus, comme une trop grande présence de bons sentiments à quelques endroits ( 3 minutes étalées sur tout le film,pas énorme non plus). Mais les vagues déferlantes d'émotions successives m'ont toujours semblées justes et profondément touchantes. Le drame psychologique derrière les révélations sur le manoir et Marnie forme une belle petite enquête qui sert de récit initiatique à Anna et le débat entre fantasmagorie ou élément fantastique diffus dans l'histoire n'est pas près d'être résolut : chaque affirmation d'une hypothèse pouvant se retrouver mise en péril par la démonstration d'une autre.


C'est peut-être aussi ce qui fait le charme de ce long-métrage d'animation : le jeu d'équilibriste sur le vrai genre de l'histoire : drame psychologique à la norvégienne ? Récit fantastique où le surnaturel resterait en retrait un maximum ? Tant et tant de niveau de lecture que ça soit dans son écriture que sa mise en images. En un mot comme en cent : Souvenirs de Marnie est un drame tour à tour émouvant, bouleversant, foisonnant et passionnant. Mais si vous n'avez jamais connu la solitude l'âme, cette addiction/répulsion éprouvante, vous aurez peut-être du mal à entrer dans le film autrement que par son histoire qui ne démarre vraiment qu'après un bon quart de film. Si vous vous connectez à Anna d'entrée de jeu par contre, le voyage sera tout autre. Le rapport à une œuvre est subjectif...

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