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jeudi 21 juillet 2016

8 degrés de séparation.

Puisque la série American Vampire connaît des pauses entre ces cycles d’arc narratifs, le dessinateur Rafael Albuquerque doit trouver des projets pour gagner sa croûte ( son comparse Scott Snyder a la chance de scénariser plusieurs séries en même temps, lui , luxe que peu de dessinateurs peuvent se permettre tant leurs dessins risqueraient de subir une perte qualitative pour suivre des délais mensuels de livraison de planches). Il lui faut donc des projets pour subvenir à ses besoins.

C’est avec le scénariste Mike Johnson qu’il collabore (en tant que dessinateur mais aussi co-scénariste) à la série Ei8ht ( eight : 8, en anglais). Une aventure de science-fiction et de voyages temporels qui finissent mal puisque dès les premières pages, le héros débarque dans un environnement étrange : la mélasse. Ni passé, ni présent, ni futur, la Mélasse est une dimension temporelle étrange dominée par un tyran. Joshua, le protagoniste principal a perdu une partie de sa mémoire mais quelques flashbacks permettent au lecteur d’en savoir un peu plus que lui sur le pourquoi du comment.

Le récit est intéressant et propose une variation sur les voyages dans le temps intéressante puisque la machine a des ratés et plonge le personnage non pas dans une époque particulière mais dans un lieu hors du temps où divers éléments des époques passées et futures se sont dispersés, perdus pour X raisons. Ainsi, la technologie médiévale côtoie des dinosaures domestiqués et les modes vestimentaires varient et tirent parfois vers l’aspect Mad Max. Joshua tombe aux mains de rebelles au régime et va devoir s’allier à eux s’il souhaite rentrer chez lui.

On retrouve dans ce comic book bon nombre de lieux communs vus et revus : un héros avec un drame personnel à gérer, un empire du mal, des rebelles un peu bourrus mais pour qui le héros prendra fait et cause, un début de romance compliquée…rien de bien original. Même le coup de la dimension parallèle hostile n’est pas vraiment neuve et manque d’ampleur comme terrain de jeu ( rappelons que dans le même genre de voyage qui foire, Black Science de Rick Remender propose des dimensions hostiles et très exotiques à la pelle accompagnées par une belle écriture).



Cependant, malgré quelques clichés et facilités énervantes ( le gamin rebelle qui en sait plus que les autres et est un as sans vraie raison) , le récit se lit sans déplaisir, grâce à un dessinateur emballant qui donne un ton prenant et agréable à ce récit avant tout tourner sur l’action,le rythme et le suspens. Les pistes à explorer dans cet univers le seront sans doute dans le second tome, cette première salve servant sans doute à planter quelques graines et à fournir un récit, si pas original, au moins difficile à lâcher en cours de route. Mais il faut absolument que la série délaisse ses facilités pour réellement décoller : un élément introduit très tôt dans le récit et résolu sur la fin ne surprendre pas les vieux briscards de la science-fiction qui devineront vite l’embrouille au vu su sujet traitant de l’espace-temps.
En l’état, la prise de risque est donc minime et trop d’éléments sentent le réchauffé piqué à Hollywood (on pense à Avatar , John Carter , Mad Max  et j’en passe).




Albuquerque ,dont le trait est toujours reconnaissable, semble un peu moins en forme que sur American Vampire dans ses cases mais reste redoutable dans sa gestion des angles et de la narration visuelle, détail qui permet en grande partie de ne pas décrocher du récit. Les codes couleurs sont aussi intéressants : une teinte dominante pour différencier les époque et la Mélasse est utilisée et permet de toujours savoir où l'on se trouve. Ce procédé agréable pour ne pas se perdre possède quand même un énorme défaut : il empêche les auteurs de mentir au lecteur sur l'endroit/époque et cela coupe l'herbe sous le pied à toutes idées de "montage" qui permettrait de balader le lecteur et de le faire tomber dans certains panneaux.




Bref, voila une série de SF sympathique et bien dessinée mais qui souffre de la comparaison avec une de ces concurrentes directes. La faute à une équipe de scénaristes peu emballante ( Albuquerque n’est pas scénariste depuis longtemps et Mike Johnson est surtout un exécutant zélé plus qu’un auteur chevronné et audacieux ).  Si vous êtes en manque de SF cet été et que vous ne voulez pas vous prendre la tête, foncez. Sachez néanmoins que ce tome comprend les 5 premiers numéros américains et que la série n'en compte pas encore 6 ( et sans doute pas avant un moment étant donné que Albuquerque travaille désormais sur le destin graphique de Batgirl en attendant que Scott Snyder ne le sollicite pour le troisième cycle d'American Vampire).

Urban comics propose ce premier tome au prix de 10€, un prix de lancement qui ne durera pas au-déla de l’année civile, qu’on se le dise.

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