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vendredi 18 novembre 2016

You know his name.

Warren Ellis fait partie de la fine fleur des scénaristes britanniques officiant pour l’industrie
américaine des comics. Car était une époque où les Anglais ont débarqué en masse sur les rivages de Marvel et DC. La plupart de nos lascars venus de la Perfide Albion se sont vite fait un nom et , mis à part Neil Gaiman, je n’en connais aucun qui n’ait pas accepté un contrat sur un titre en sachant que, sans se fouler, le titre en question se vendrait assez pour justifier un chèque car son nom était inscrit sur la couverture. Ce n’est pas un reproche : tout le monde a besoin de bouffer (et croyez-moi, Marvel et DC se font bien plus de pognons grâce au travail des artistes que les artistes ne se font du pognon ) et quand on a un nom vendeur, ça serait con de se priver.

Donc, quand un éditeur intermédiaire ( comprendre : moins gros que les big two que sont DC et Marvel) acquiert les droits du plus emblématique agent secret de sa majesté pour le marché de la bande-dessinée, il fait appel à un auteur a) british et b) vendeur.
Logique commerciale imparable.



Chez nous, ce sont les très respectables éditions Delcourt qui publient les aventures inédites de 007, l’homme qui tira plus de filles que Lucky Luke ne tira de balles (blague approuvée par ma mère, alors vos gueules).  Et le premier tome reprend les 6 premiers épisodes parus outre-Atlantique, soit le premier arc narratif : VARGR.

Le public a des attentes quand il voit le nom de James Bond. Des attentes conditionnées par les films plus que par les écrits de Ian Fleming ( comparez Moonraker le film et Moonraker le roman, on reparlera un peu après).  Et parmi ces attentes : une séquence d’ouverture ! Ellis en balance donc une bien prenante : une poursuite, à pied où l’on suit un malfrat lamba. Muette. Sauf à la toute fin, quand , enfin, Bond se dévoile. L’ADN du héros que Warren Ellis va écrire est dans cette scène : il a sa forme physique, son Walter PKK vulgaire ( une arme de prostituée, lui dira M ) et une étonnante capacité à rester dans l’ombre. L’infiltration est ici plus son dada que l’action de front ( sauf mesure extrême). Point de gadgets, même si le quartier-maître est bel et bien là. Ses relations avec M et Moneypenny sont plus tendues que dans les films, Bond n’étant au final qu’un petit fonctionnaire au milieu d’autres et pas le chouchou du MI6.
Ellis nous propose donc un Bond différent bien qu’ayant beaucoup de points communs avec les plus flemmingiens du lot cinématographiques, à savoir Timothy Dalton et Daniel Craig.




Hélas, hélas…l’intrigue ne décolle jamais. Pourtant , il y avait de quoi.
008 a été assassiné. 007 traque le coupable et l’abat. Hors, 008 était sur une affaire mêlant drogue de synthèse et technologie prosthétique de pointe.  M charge 007 de prendre la suite de l’enquête et de démêler tout ça.
Un gros BOF s’échappe une fois cette aventure terminée. Si le côté « un homme seul avec sa bite et son couteau » est agréable ( Bond y est montré avec de la ressource , sans inventions farfelues pour le tirer d’affaire) , c’est aussi un Bond totalement infaillible, un Terminator de la gâchette qui vous pulvérise une pastèque à 3 km avec une arme de poing. Les scènes d’actions sont alors d’une répétitive langueur tant aucun suspense ne transpire de l’ensemble. La femme fatale est déjà-vue, le vilain et son homme de main aussi…
C’est mou, voila. Car si James Bond ne perd jamais ( le public le sait ), il faut que le spectateur et le lecteur puissent néanmoins craindre pour sa vie ou soit curieux de comment il s’en sortira. Et ces émotions ne sont que trop peu présentes dans le travail de Warren Ellis qui semble plus inspiré quand il écrit pour des séries qu’il a (co)créées.

Cet aspect de mollesse dans l’action provient peut-être aussi du dessinateur Jason Masters. Si le dessin est par essence inanimé, de nombreux artistes arrivent à cacher derrière les compositions de leurs œuvres la rigidité des personnages. Masters dessine comme on photographie un mannequin : le sujet prend la pose et reste figé. Aucune impression de vie ne s’échappe de ses planches.
Erreur fatale quand on est mandaté pour écrire une série d’action  comme celle-ci.

Au final, James Bond en comics n’est pas une mauvaise idée mais elle est faiblement traitée. Le permis de tuer a été utilisé pour moins que ça !




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