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mardi 31 janvier 2017

Ils vivent la nuit.

4 Ans après avoir reçu l’Oscar du meilleur film pour Argo, Ben Affleck, le nouveau Batman, le ressuscité d’Hollywood (et dans des bons films en plus) : revient devant et derrière la caméra avec Live By Night, adaptation d’un roman de Denis Lehane ( déjà auteur de Gone Baby Gone , lui aussi adapté par Affleck lorsqu’il a commencé sa carrière de réalisateur ).
Retour donc à Boston pour Benny puisque sa ville natale lui avait déjà par le passé servi de décor ( Gone Baby Gone et The Town ) et retour au polar/film de gangster. Il y a fait ses gammes, il connaît la musique.

Lorsque Live by night est paru, un joli bandeau enserrait le roman avec une citation du maître du suspens himself, Stephen King ! Notre bon Stephen arguant qu’il s’agissait là de la meilleure histoire de gangsters depuis Le Parrain. Avec tout le respect que je dois à Stephen King, avait-il lu le roman ou bien faisait-il plaisir à un ami en lâchant cette phrase aussi pompeuse que fausse ?

Mais reprenons du début, vous risqueriez de croire que le film est mauvais.
Joe Coughlin est le second fils d’un policier haut gradé de Boston. Nous sommes dans les années 20 et la prohibition règne aux USA. Le trafic d’alcool est l’une des plus grosses ressources financières des différentes mafias en place. Joe ,quant à lui, se contente de braquages : un hors-la-loi mais pas un membre de gang. Les choses se compliquent lorsque sa petite-amie, maîtresse du chef de la mafia irlandaise, et lui-même ne se font pas assez discret.

Un petit truand, un grand bandit et une femme « fatale ». Rien de très original ou nouveau par ici. Et c’est le principal reproche que l’on pouvait faire au roman : aussi bien écrit, prenant, et joliment ciselé, l’histoire de Lehane suivait les codes du genre jusqu’à en faire un catalogue dudit genre.
Affleck a beau, en tant que seul scénariste (il avait toujours été co-scénariste sur ses autres films, sauf Argo entièrement écrit par son ami Chris Terrio que l'on retrouva d'ailleurs sur Batman v Superman ), faire quelques petits réglages (et sabrer toute une période initiatique en taule, la faute à un ajustement de l’historique du personnage pour coller plus ou moins à l’âge de Ben Affleck, trop vieux pour jouer le Joe du roman), il reste collé à la trame du livre et n’échappe donc pas aux travers du récit de base.



Mais dans ce jeu très balisé, il reste tellement de bonnes choses.
Premièrement, les unités de lieux qui influent sur la tonalité du métrage. Alors que Boston est une ville du crime au même titre qu’un Chicago , Tampa en Floride est une ville plus calme sans pour autant être plus saine. Alors que la première partie du film , grisâtre et froide , accumule les scènes d’actions et de suspens, la seconde partie, lumineuse et colorée, s’attarde avant tout sur l’ascension de Joe au sein de la mafia italienne, tout irlandais qu’il est.

Car Affleck a saisi que la grande force du roman de Lehane, c’était ses personnages très travaillés et l’intrigue de politique interne et externe qui est le lot des chefs de gangs influents.
Dans des reconstitutions d’époque  ( une valeur sûre chez Affleck qui avait déja fait le coup sur Argo ) qui nous plongent en plein dans les années précédant et suivant le jeudi noir, Affleck fait vivre ses personnages, surtout le sien.
Les scènes de baston sont expédiées par un montage elliptique car elles ne sont que les conclusions sanglantes (et donc laissées aux mains des acolytes) des décisions de Joe. Ce dernier n’ayant pas dans l’âme l’envie de se salir les mains (ou les costards ) avec l’hémoglobine de ses opposants.
Des opposants divers et parfois improbables ( comment une jeune femme prêchant sous une tente peut-elle menacer la mafia ? Hé hé ) qui vont des gangs adverses aux membres du Klu Klux Klan peu heureux de voir le crime organisé être en partie aux mains de cubains noirs ! ( le crime tout court par contre, ils vont pas y être des masses opposés, tu m’étonnes ).
Mais tout caractérisés qu’ils soient, les personnages secondaires sont très en retrait. Le roman était écrit du point de vue de Joe, le film se construit sur ce même schéma. Dès lors, le casting canon est un peu sous-employé .Et pourtant Affleck charrie des pointures connues ou reconnues. Et à qui il tient parfaitement tête ( et oui, il a joué dans tant de navets qu’on avait tendance à oublier que le grand pote de Matt Damon savait lui aussi jouer la comédie: mais revoyez Daredevil bon sang, il est le seul à vraiment tirer son épingle du jeu ! Enfin, croyez-moi sur parole et ne vous infligez pas ce film.Retapez-vous Gone Girl ou The Accountant/Mr Wolff.).




Si les parties calmes n’atteignent pas le niveau de subtilités des joutes en coulisses de Game Of Thrones ou de House Of Cards, elles se laissent suivre avec plaisir jusqu’aux séquences finales plus musclées et dures. La réalisation d’Affleck reste lisible et fluide ( il s’améliore à ce niveau de film en film) mais par trop classique. Sans véritable génie visuelle (et ce malgré certains plans tout à fait flatteurs pour la rétine ), Affleck se contente d’être un réalisateur sérieux et appliqué qui ne livre peut-être pas le grand film de gangsters escompté ( on préférera chopper ça et là quelques films de Michael Mann sur le sujet, comme Heat ou Public Enemies ) mais un solide divertissement plus profond que nombre de films jouant sur le côté cool du crime mais qui ne gratte pas assez ses sujets porteurs ( le racisme, la mixité de l’Amérique, la grande dépression).



Le principal défaut du film étant sans doute que l’on sent que telle une graine qui a germé, la plante qui a poussé n’a pas la gueule d’un chêne centenaire mais d’un petit arbre de jardin. Suffisant pour lire sous son feuillage en été mais pas assez pour s’amuser à l’escalader et l’explorer.
Un film mineur dans la filmo de son réalisateur qu’il serait pourtant malvenu de louper.

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