lundi 23 mai 2011

À l'abordageeeeeee ! Ah non en fait , y a pas corde!

Après un 3me opus qui en avait désappointé plus d'un, le capitaine Jack Sparrow est de retour après 4 ans d'attente. Laissé sur un radeau miteux avec pour seuls compagnons son compas magique et la carte menant à la fontaine de jouvence, son Black Pearl voguant une fois encore loin de lui, à la fin de l'épisode précédent, comment Jack allait-il bien pouvoir trouver le chemin de la fontaine et des salles obscures ?

Tout d'abord, le producteur a dû convaincre Johnny Depp de reprendre son rôle,ce qu'il n'a pas réussi à faire avec Keira Knightley et Orlando Bloom. Exit donc le gentil couple et place donc à Penelope Cruz dans la peau du personnage principal féminin. Ensuite changement de réalisateur, Gore Verbinski ayant d'autres projets sur le feu, c'est le mollasson Rob Marshall qui a été engagé ( on lui doit entre autres Chicago, Nine et Mémoires d'une Geisha). Les scénaristes restent les mêmes par contre mais on leur a demandé de s'inspirer du roman " Sur des mers plus ignorées" (On stranger tides en VO, et qui est aussi le sous-titre de cet épisode de Pirates) de Tim Powers. Les droits du roman appartiennent à Disney depuis sa parution et il était temps de les rentabiliser apparemment !


Je ne me prononcerai pas sur les emprunts au roman, ne l'ayant pas encore lu (et vu mon retard dans ce domaine précis qu'est la lecture, ça ne risque pas d'arriver de si tôt j'en ai peur). Alors, cet épisode réconciliera-t-il le public déçu avec la saga ? Prenons le temps de noter que la première vision de l'épisode 3 m'avait un peu refroidi avant que je ne révise mon jugement: tellement habitué au format des blockbusters j'ai été surpris de voir un film qui s'éloignait des figures types du genre alors que je suis le premier à réclamer de l'audace et des surprises…comme quoi. Depuis je clame haut et fort que l'on est en présence d'un film incompris qui mettra des années à trouver sa légitimité !

Jack Sparrow est à Londres et la rumeur veut qu'il cherche à mettre sur pied un équipage ! Jack Sparrow est bel et bien à Londres mais la rumeur le surprend plus que tout autre. Quelqu'un se ferait-il donc passer pour lui ? Qui et pourquoi ? C'est ce que notre bon Jack veut découvrir car cela lui a causé quelques ennuis parmi lesquels se faire capturer par les hommes de Georges II qui voudrait que le seul anglais à posséder une carte vers la fontaine de Jouvence mène une expédition avant que les Espagnols catholiques ne la découvrent ! Mais Sparrow n'est pas emballé par l'idée et se lance plutôt à la recherche de l'imposteur…Pas décontenancé pour un sou, le roi George II confie la mission au Capitaine Barbossa, récemment reconverti en corsaire et qui a un compte à régler avec Barbe Noire ( attention, un pirate et un corsaire ça fait plus ou moins la même chose mais ça n'est pas la même profession ! ).



Passée la première-demi heure, pleine de bruit et de fureurs comme on les aime, force est de constater que le film perd en punch. Ô rien de grave, le punch s'en va et s'en revient mais le niveau ne se maintient jamais. La faute à un scénario très linéaire à cent miles nautiques de ceux des épisodes précédents qui revendiquaient pleinement leur côté foutraque bourré de sous-intrigue. Point de cela ici puisqu'on suit en parallèle la quête de deux équipages vers un même but, point !

C'est donc du côté des réinterprétations mythologiques (mythologie marines mais aussi mythologie autour des pirates) que l'on trouve un peu plus son bonheur. Barbe Noire, le célèbre pirate est donc ici un véritable monstre adepte du vaudou. Il a d'ailleurs zombiefié ses quartier-maitres pour les forcer à la loyauté. Mieux il serait un véritable trompe la mort…ce qui expliquerait comment il peut co-exister en même temps que le roi Georges II monté sur le trône après la mort de Barbe Noire ! (mais du coup on peut se demander pourquoi le pirate a tant besoin de trouver la fontaine? ).


Ensuite ce sont bien entendu les sirènes , vendues durant toute la promo du film, qu'il faut décortiquer. Et là un moment de grâce, malgré le fait que des écailles recouvrent leurs poitrines (sacrilège ! C'est un film familial après tout, mais même Ariel n'allait pas aussi loin et ne souffrait que d'avoir un soutien-gorge en coquillages!) : les scénaristes (ou Tim Powers ? ) ont lu leurs classiques. Il est nécessaire ici de faire une légère transgression linguistique. En français, le mot sirène renvoie soit à la créature marine à queue de poisson dont le chant poussait les marins à naviguer vers les récifs et à faire s'échouer les navires et la créature mythologique grecque à corps d'oiseau et à tête et poitrail de femme qui attirait de leur chant les marins pour qu'il s'échouent…et qu'elles puissent alors se repaitre de leur chair humaine. Les deux mythes sont extrêmement proches et proviennent sans doute de la même source au départ mais sont adaptés à la culture qui les a propagés ( grecque pour l'oiseau, nordique pour le poisson).



Hors en anglais, les deux créatures répondent à un nom différent selon leur espèce : syren correspond au mythe grec et mermaid correspond à l'image nordique de la sirène, celle qui a supplanté dans l'imaginaire collectif la vision gréco-romaine de la chose. Hors cette version gréco-romaine mutera au fil du temps pour se muer en harpies et…en stryges ! Les stryges qui donneront naissance à une variante du mythe du vampire! Et c'est là qu'on se rend compte que quelqu'un a au moins ouvert un livre de mythologies comparées car les sirènes de "Pirates des Caraïbes : la fontaine de Jouvence" sont de véritables tueuses assoiffées de sang ! L'attaque des sirènes étant un grand moment du film, magnifié par la musique d'Hans Zimmer ( qui signe une b.o pourtant peu inspirée*) qui confère une aura de films d'horreur à suspense à la scène.

Dans le rôle de la sirène principale (enfin, celle de l'intrigue du film, pas forcément la plus important du groupe de tueuses) on trouve la petite frenchy Astrid Berges-Frisbey (ouf j'ai su l'écrire). Certes elle a le physique de l'emploi mais son temps d'apparition est trop court pour juger son talent, et ses lignes de dialogues assez creuses puisqu'on essaye de nous vendre une pseudo-romance entre elle et un jeune missionnaire. Ce n'est pas parce qu'on nous supprime un couple qu'il faut se sentir obligé de nous en refourguer un autre…surtout quand on traite leur "histoire" en mode bâclage!


Le reste du film se suit sans déplaisir mais sans jubilation aucune, nous sommes plus ici dans un film d'aventures à " La Momie" ( avec un final piqué à Indiana Jones et la dernière croisade, si si ça saute aux yeux je vous assure) que dans un film " Pirates des Caraïbes", seules les incohérences inhérentes à la saga font le lien de parenté. Le cabotinage de Johnny Depp est toujours aussi jouissif mais il porte donc seul le film, heureusement les meilleures répliques sont aussi pour lui ! Le point le plus déplorable provient du fait qu'il n'y a pas une seule scène d'abordage ou de combat naval dans le film, la faute à un budget revu à la baisse ...quand on sait que le studio Warner vient de lâché une enveloppe de 250 millions de $ pour le prochain Batman , on se demande pourquoi Disney avec la fortune qui caractérise cet empire médiatique a rechigné à signer quelques chèques !!

Au final, non ce n'est pas l'épisode de trop de la saga (et pas non plus l'épisode dramatiquement raté que les critiques tentent de nous vendre). Pas l'épisode de trop donc, mais certainement l'épisode anecdotique !


* la b.o donc est un gloubi-boulga des divers thèmes déjà présents dans la trilogie précédente. Seules 40 minutes à vue d'oreilles sont neuves et 30 seulement sont sur le CD, accompagnées de divers remixes indigestes et de quelques pistes à la guitare que l'on ne retrouve pas dans le film à l'exception du thème s'articulant autour du personnage de Penelope Cruz. Sortir un tel CD est une arnaque pure et totale de la part de Disney !