mardi 13 décembre 2016

Silence ignare ! Ça projette !

1977.L'été Guerre des étoiles. Pour toute une génération, un film culte. Pour tout un tas de gosses, un film qui ne passait qu'à la télévision.
Né en 1984 , je n'ai vu un paquet de films que sur mon petit écran, ceux de l'âge d'or du blockbuster où films de genres et œuvres d'auteurs se confondaient allègrement ( de nos jours cela arrive encore, voyez Christopher Nolan, mais c'est plus rare).
1997. Lucas ressort ses films au cinéma.
Le pied.
Parce que, même aujourd'hui, où les téléviseurs rendent enfin panoramiquement compte de la chance génétique de Rocco Siffredi , le cinéma reste avant tout une expérience en salle, sur un grand écran.

Parce que, pour le cinéphile, il n'y a rien de comparable : les sièges peuvent êtres usés et bancals , la copie usée ... le cinéma c'est LE cinéma. Une toile de maître en mouvement constant ( même le générique de fin bouge ! ) dans un lieu qui nous coupe du monde.
Aucun sofa , aucun salon ne peuvent transmettre ces sensations.
Pour toute une frange du public, cette époque que j'évoquais plus haut n'est qu'une image : il sait que cela a existé mais il ne l'a pas vécu. Oui, E.T est ressorti aussi, oui, Indiana Jones est revenu pour une quatrième aventure. Mais quid du reste ?


Alors, quand un petit cinéma décide que trop is te veel, qu'il ne faut pas attendre le bon vouloir des studios pour projeter un film , ça doit se faire savoir. L'idée doit être défendue et encouragée.

Pour la seconde année scolaire consécutive, le Quai10 ouvre sa salle côté Parc (oui, je sais, à la base c'était le ciné Le Parc...mais les choses évoluent, deal with it ) à des films d'une autre époque. Avant la séance, un petit-déjeuner thématique est proposé ( les places sont limitées ) et les plus rapides repartiront avec une affiche collector ,créée pour l'occasion,du film. Si ça c'est pas motivant, je sais pas ce qu'il vous faut !

Ils avaient commencé en fanfare peu avant Halloween avec La Famille Addams, ils récidivent avant une fête emblématique avec un long-métrage qui personnifie à lui tout seul comment gâcher Noël en beauté, comme il se doit !
Oui, je veux bien entendu parler de ... Gremlins ! ( on me dit dans l'oreillette que Die Hard-Piège de cristal pouvait aussi prétendre au titre. C'est vrai : mais y a pas de neige dedans ! Na ! )



Bref, foncez soutenir cette initiative, qu'une saison 3 soit assurée que diable. La salle sent bon la salle de quartier d'antan, le café du petit-dèj' est chaud et il se pourrait qu'un mogwaï traîne dans les parages ! Alors prenez votre samedi, laissez les gosses chez papy et mamy et venez découvrir des films comme on devrait toujours les découvrir. Sur un grand écran.


vendredi 18 novembre 2016

You know his name.

Warren Ellis fait partie de la fine fleur des scénaristes britanniques officiant pour l’industrie
américaine des comics. Car était une époque où les Anglais ont débarqué en masse sur les rivages de Marvel et DC. La plupart de nos lascars venus de la Perfide Albion se sont vite fait un nom et , mis à part Neil Gaiman, je n’en connais aucun qui n’ait pas accepté un contrat sur un titre en sachant que, sans se fouler, le titre en question se vendrait assez pour justifier un chèque car son nom était inscrit sur la couverture. Ce n’est pas un reproche : tout le monde a besoin de bouffer (et croyez-moi, Marvel et DC se font bien plus de pognons grâce au travail des artistes que les artistes ne se font du pognon ) et quand on a un nom vendeur, ça serait con de se priver.

Donc, quand un éditeur intermédiaire ( comprendre : moins gros que les big two que sont DC et Marvel) acquiert les droits du plus emblématique agent secret de sa majesté pour le marché de la bande-dessinée, il fait appel à un auteur a) british et b) vendeur.
Logique commerciale imparable.



Chez nous, ce sont les très respectables éditions Delcourt qui publient les aventures inédites de 007, l’homme qui tira plus de filles que Lucky Luke ne tira de balles (blague approuvée par ma mère, alors vos gueules).  Et le premier tome reprend les 6 premiers épisodes parus outre-Atlantique, soit le premier arc narratif : VARGR.

Le public a des attentes quand il voit le nom de James Bond. Des attentes conditionnées par les films plus que par les écrits de Ian Fleming ( comparez Moonraker le film et Moonraker le roman, on reparlera un peu après).  Et parmi ces attentes : une séquence d’ouverture ! Ellis en balance donc une bien prenante : une poursuite, à pied où l’on suit un malfrat lamba. Muette. Sauf à la toute fin, quand , enfin, Bond se dévoile. L’ADN du héros que Warren Ellis va écrire est dans cette scène : il a sa forme physique, son Walter PKK vulgaire ( une arme de prostituée, lui dira M ) et une étonnante capacité à rester dans l’ombre. L’infiltration est ici plus son dada que l’action de front ( sauf mesure extrême). Point de gadgets, même si le quartier-maître est bel et bien là. Ses relations avec M et Moneypenny sont plus tendues que dans les films, Bond n’étant au final qu’un petit fonctionnaire au milieu d’autres et pas le chouchou du MI6.
Ellis nous propose donc un Bond différent bien qu’ayant beaucoup de points communs avec les plus flemmingiens du lot cinématographiques, à savoir Timothy Dalton et Daniel Craig.




Hélas, hélas…l’intrigue ne décolle jamais. Pourtant , il y avait de quoi.
008 a été assassiné. 007 traque le coupable et l’abat. Hors, 008 était sur une affaire mêlant drogue de synthèse et technologie prosthétique de pointe.  M charge 007 de prendre la suite de l’enquête et de démêler tout ça.
Un gros BOF s’échappe une fois cette aventure terminée. Si le côté « un homme seul avec sa bite et son couteau » est agréable ( Bond y est montré avec de la ressource , sans inventions farfelues pour le tirer d’affaire) , c’est aussi un Bond totalement infaillible, un Terminator de la gâchette qui vous pulvérise une pastèque à 3 km avec une arme de poing. Les scènes d’actions sont alors d’une répétitive langueur tant aucun suspense ne transpire de l’ensemble. La femme fatale est déjà-vue, le vilain et son homme de main aussi…
C’est mou, voila. Car si James Bond ne perd jamais ( le public le sait ), il faut que le spectateur et le lecteur puissent néanmoins craindre pour sa vie ou soit curieux de comment il s’en sortira. Et ces émotions ne sont que trop peu présentes dans le travail de Warren Ellis qui semble plus inspiré quand il écrit pour des séries qu’il a (co)créées.

Cet aspect de mollesse dans l’action provient peut-être aussi du dessinateur Jason Masters. Si le dessin est par essence inanimé, de nombreux artistes arrivent à cacher derrière les compositions de leurs œuvres la rigidité des personnages. Masters dessine comme on photographie un mannequin : le sujet prend la pose et reste figé. Aucune impression de vie ne s’échappe de ses planches.
Erreur fatale quand on est mandaté pour écrire une série d’action  comme celle-ci.

Au final, James Bond en comics n’est pas une mauvaise idée mais elle est faiblement traitée. Le permis de tuer a été utilisé pour moins que ça !




vendredi 11 novembre 2016

Violent voyage en autistan.

Christian Wolff est un génie des mathématiques. Il est également atteint d’autisme. Expert-comptable hors-pair, Christian travaille autant pour les petites gens que pour diverses organisations criminelles.
Raymond King, directeur du service du Trésor Américain est proche de la retraite. Il recrute l’agent Medina pour la mettre sur les traces d’un homme qu’il surnomme «  Le Comptable ».

Sentant que les forces de l’ordre se rapprochent de lui, Christian décide de faire profil bas et accepte de vérifier les comptes d’une société informatique. Mais au fur et à mesure qu’il épluche les comptes avec l’aide de Dana Cummings, jeune femme qui pense avoir découvert une anomalie, les cadavres pleuvent.  Mais on ne survit pas aux cartels simplement parce que l’on est doué avec les chiffres. Et Christian va mettre ses talents physiques en action pour se protéger lui et Dana.

Le film de l’année avec Ben Affleck, en termes d’attente, c’était bien entendu Batman v Superman. Alors, avec une promo presque inexistante et un titre qui évoque le petit thriller financier ( en VO, le film se nomme The Accountant, le comptable donc pour ceux qui ont séché les cours de la langue internationale) , on peut vite passer à côté. Erreur fatale. Car derrière ce film d’action tenant de la série B de luxe se cache autre chose.

Le cinéma est un langage et les langages sont affaires de codes et conventions grammaticales. C’est en les comprenant que l’on arrive à communiquer à divers niveaux ( le premier degré, le sarcasme, etc…).
Le cinéma est donc de facto affaire de codes et l’usage ou non de certains codes feront entrer les films dans certains genres ou jouer avec la perception du spectateur sur ce qu’il est en train de regarder.

C’est ainsi qu’un thriller d’action peut se lire au second degré comme un film de super-héros…sans costume particulier, sans identité secrète de plus en plus alambiquée dans leur prononciation. La narration présent /passé, qui, si elle n’est pas neuve, a marqué le genre il y a 10 ans par le Batman Begins de Christopher Nolan.
On y voit Christian apprendre à se battre, à se défendre dans un monde qui le trouvera toujours étrange et différent : ça vous rappelle un peu le pitch de X-men ? Rajoutez l’institut pour jeunes autiste qui fait furieusement penser à l’institut Xavier pour jeunes surdoués. Les codes sont là, moins clinquants. L’autisme est ici traité comme dans les comics ou les films sur les mutants : il inquiète, met mal à l’aise mais peut se révéler être un don. Là où Tom Cruise profitait des talents de Dustin Hoffman dans Rain Man, Christian Wolff profite de ses dons pour lui ou bien monnaie ses talents.
Ici, la différence est montrée comme une richesse et gare à celui qui voudrait l’exploiter contre le gré du personnage principal. C’est Josef Schovanec dans le corps du Punisher.




L’emploi de certains acteurs en devient presque un aveu de la mise en scène : oui, c’est un film de super-héros violents qui ne dit pas son nom. Ben Affleck est le Batman préféré du monde, même de ceux qui n’ont pas aimé le dernier film où le chevalier noir gothamite apparaît. Et il est opposé à un mercenaire joué par Jon Bernthal, alias Frank "Le Punisher" Castle, allié/antagoniste/client de Daredevil dans la dernière saison de la série sur le diable de Hell’s Kitchen sur Netflix…hé mais attendez…qui a été le premier Daredevil du cinéma ? Un certain Ben Affleck…Tout se recoupe. Plus fort, le flic tenace Ray King est incarné par J.K Simmons, le boss acariâtre de Peter Parker dans les films de Sam Raimi…et futur commissaire Gordon de l’univers cinématographique où évoluera le Batman de Affleck. Je dois encore vous faire un dessin ?
Allez, pour les fans du chiroptère de Gotham, rajoutons que Christian, parmi ses nombreux tocs, répète en boucle la comptine "Solomon Grundy" pour se calmer.





Pas de capes, pas d’effets spéciaux à 150 millions de $...et pourtant, les images sont là, elles offrent un constant sans appel.

Cet aparté un peu long étant fait, que vaut le film en lui-même en dehors des digressions stylistiques et cinéphiliques ?
Comme dit plus haut, nous avons affaire à une série B de luxe qui n’échappe pas à certaines facilités ou coïncidences qui se goupillent pile au bon moment…mais. MAIS !
L’intrigue est prenante du début à la fin et demande au spectateur de suivre les détails (l’enquête de Médina est pointue et être peu attentif peut faire perdre le fil du raisonnement ) , le personnage principal est fascinant et interprété par un Ben Affleck qui prouve encore que l’industrie aurait peut-être du le considérer avec les mêmes égards que son pote Matt Damon au lieu de lui proposer des rôles dans des productions souvent peu flatteuses pour l’industrie hollywoodienne ( et le petit Benny aurait aussi peut-être dû refuser certains contrats, faut être plusieurs pour danser).





Cadenassé dans des costumes à peine à sa taille (les effets de prendre du muscle pour jouer Batman), Wolff a souvent l’air mal à l’aise dans ses habits « civils », ses costumes trois pièces qui renvoient son image de comptable bien sous tous rapports. Il semble bien plus épanouit une fois qu’il peut laisser libre court à son système de fonctionnement mathématiques, qu’il s’agisse de démêler des années des comptes ou dans le calcul visuel avant d’appuyer sur la détente de fusil à lunette. Le personnage est bon, l’acteur aussi et l’on se prend vite au jeu de savoir comment et pourquoi il en arrive à être ce qu’il est aujourd’hui.

Alors oui, à défaut d’être géniale, la réalisation de Gavin O’Connor se contente d’être efficace et lisible ( au contraire d’un certain Paul Greengrass avec ses Jason Bourne), la musique est juste accompagnatrice et ne reste pas en tête de scène en scène et la photo peu contrastée reflète elle-aussi un manque d’enjeux artistiques intéressants. Efficacité, point. Mais une efficacité sans vrais temps morts qui aura fait défaut à presque tous les films de l’été. Il rappelle en cela 10 Cloverfield Lane qui arrivait à créer de gros effets avec des moyens limités ( là encore, un film que l’on attendait pas et dont on attendait rien).

Jamais condescendant avec les troubles qu’il aborde, le film se paye le luxe de nous intéresser et de nous mettre dans les pompes d’un héros peu ordinaire et de tenter de nous faire comprendre comment il fonctionne. Et en cela il est humainement salutaire de le rappeler : ce que l’on comprend nous fait moins peur, nous met moins mal à laise vis-à-vis de personnes qui n’ont pas besoin de ressentir nos appréhensions sur leurs dos.
Pas révolutionnaire pour un sou mais bourré de qualités qui compensent aisément les défauts qui auraient pu être gênants. Vivement conseillé.

vendredi 4 novembre 2016

Magie magie, et vos bouquins ont du génie.

Jake Sullivan est un vétéran de la première guerre mondiale.
Jake Sullivan est aussi un taulard en ce début des années 30.
Mais parfois, il arrive que l’on soit en taule et un pro dans un domaine d’expertise particulier. Alors un jour, un procureur ou votre avocat arrive avec une proposition. Comme travailler pour le FBI pour stopper des malfrats experts dans votre domaine. Oui, comme Frank Abagnale dans «  Catch me if you can » de Spielberg ( inspiré d’une histoire vraie).
Alors Jake accepte, parce que même si Hoover est un sale connard, l’agent Purvis lui semble honnête. Et puis Purvis, n’a aucun pouvoir magique lui.
Ah, je ne vous ai pas dit ? Depuis quelques siècles, la magie a fait son apparition dans le monde. Tout le monde n’est pas capable d’en faire et ceux qui le sont sont désignés comme étant passif ( petit pouvoir ) ou actif ( plus grosse capacité). Aucun actif n’a plus d’un pouvoir ( sauf une personne sur Terre ) : certains se téléportent, d’autres maîtrisent la météo, etc…
Les lecteurs de comics et les spectateurs habitués aux X-men penseront aux mutants de Marvel en lisant ce descriptif mais au fil de la lecture, ils constateront que l’auteur,  Larry Correia , ne s’est pas contenté d’ingurgiter pas mal de la pop culture américaine ( polar à la Marlowe, super-pouvoirs à la comic book, etc…) : il en joue et crée son propre petit univers en utilisant des codes existants. J.K Rowling et même Tolkien en ont fait autant.

La première chose qui frappe, c’est le clash entre les genres : polar, fantastique, SF…un mélange qui fonctionne bien car le monde décrit par l’auteur fonctionne bien. Ensuite, contrairement à Rowling qui faisait de ses sorciers des enculés de première (oui, même Mr Potter ) en refusant de s’intégrer au monde et d’aider, dans un élan humaniste, à faire en sorte que les choses aille mieux ( comme, je ne sais pas moi….régler les crises énergétiques et alimentaires, raisons principales des guerres dans le monde et réglables en un coup de baguette magique par Dumbledore et sa bande ? ), les « magiciens » de Correia participent au monde. Bien entendu, la nature humaine est ce qu’elle est : quand on a un don, on en tire profit, même un minimum. Mais ils participent à changer le monde sans garder pour eux leur précieux petit pouvoir.

Dans le registre des codes du genre, on retrouve cette lutte du bien contre le mal mais le bien de l’un n’est pas le bien de l’autre et le manichéisme tant à s’effacer car Larry Correia, s’il suit surtout deux personnages ( Jake et la jeune Faye) n’oublie pas , un peu à la manière de G.R .R Martin, d’écrire des chapitres du point de vue des personnages plus sombres. Faire le mal pour le plaisir d’être un salaud n’est pas la motivation première des personnages, même les plus pourris.

Premier tome d’une trilogie, Magie Brute  arrive à exposer les enjeux qui seront développé, fournir une histoire complète et presque auto-contenue ( à la manière du premier Matrix ou de Star Wars : A New Hope ) et présenter une galerie de personnage à la psychologie suffisamment travaillée pour qu’ils ait du relief. Le style de Correia est direct et très visuel mais manque de personnalité littéraire. Mais il lui arrive des fulgurances stylistiques particulièrement bien tournées et se situent bien au-dela des neuneux Musso ou Lévy qui se contentent d’une structure sujet-verbe-compléments.

De l’excellente mauvaise littérature qui devraient contenter les amateurs de pop-culture qui cherchent autre chose que la recette Harry Potter ( bonne au demeurant, mais qui au final n’est qu’un Fast Food de luxe quand À la croisée des mondes ou la trilogie Sabriël , moins connues et reconnues par le grand public se classent facilement au-dessus.)

L'enfer, c'est Ron Howard.

Aujourd’hui, on se penche sur le cas Ron Howard alors que sort son dernier film en date, Inferno,
adaptation d’un roman de Dan Brown.
3éme opus cinématographiques des aventures de Robert Langdon, Inferno se place dans une mouvance qui aura phagocyté l’année 2016 : l’année des suites que personne ne veut et que le public boude ( mais comme elles sont produites avec un petit budget qui se rembourse vite, Hollywood n’en prendra aucune graine : bref, ce ne sont pas les bides de Zoolander 2, le retour de Bridget Jones ou encore La chute de Londres qui viendront empêcher les studios d’user des cordes déjà bien abîmées ) .

Ron Howard n’est pas un cinéaste particulièrement doué. Appliqué certes, mais sous certaines conditions. Donnez-lui un bon scénario et il en fera un bon film : Frost/Nixon,Rush et In The Heart of Sea en sont les derniers exemples probants dans sa filmographie. À la rigueur, les deux premiers tiers de Anges & Démons. Avec Inferno , son incapacité à transcender des histoires par la virtuosités de sa mise en scène est évidente. Et soporifique.



Le film s’ouvre sur le discours apocalyptique de Bertrand Zobrist ( un nom de méchant de James Bond,nous y reviendrons) qui est convaincu que l’humanité va causer la perte de l’humanité et qu’il faut donc la purger fissa.
On embraye ensuite sur la fuite du monsieur pourchassé par Omar Sy. Zobrist se suicide sous ses yeux pour ne rien révéler du virus mortel qu’il aura créé , mouhahaha. Bref, une menace mondiale se prépare et 007 est occupé ailleurs apparemment. ( notons ici que les méchants ne sont pas hypocrites : on ne parle jamais de vaccin contre le virus qu’ils auraient pu fabriquer, ils participent de leur plein gré à la loterie virale qu’ils veulent déclencher, et ça, quelque part, c’est beau).
Problème : la logique sous-jacente du discours du vilain mort dès le début est si correcte que je n’avais qu’une envie : que les héros échouent.
C’est mal parti pour créer du suspens quand on sait qu’Hollywood ne fait jamais gagner les vilains, on peut même pas renverser la logique narrative et être anxieux pour les antagonistes, diantre ! Mais que vient faire le personnage de Tom Hanks dans cette histoire qui sent bon le navet Mission :Impossible 2 ? ( pardon Tom Cruise, mais c’est vraiment pas le meilleur de ta petite saga).

Robert Langdon se réveille dans un hôpital de Florence. Désorienté et partiellement amnésique, il apprend par la doctoresse qui le traite, Sienna Brooks (la sublime et très british Felicity Jones), qu’on lui a tiré dessus. C’est à ce moment qu’une policière arrive et tire dans sa direction.  Sienna a juste le temps d’attraper Langdon et de s’enfuir avec lui. Pourquoi Langdon est-il en Italie et qui en veut à sa vie ?

Faites qu'Inferno soit la fin. Putain , sérieux, ça urge là.

Aaaaah, l’amnésie. Après un vilain de James Bond, voila le point de départ d’un Jason Bourne ( les J&B ont le vent en poupe et le scénariste en a trop bu ). Bien que déjà-vu, ce genre de point de départ permet de plonger le spectateur in media res en même temps que le héros, facilitant l’empathie. Mais ce procédé n’a qu’un temps de vie limité quand le héros a la personnalité limitée de l’icône d’aide de Microsoft Word. Mais si, vous savez, ce trombone géant qui a toutes les réponses à vos questions ! Langdon, c’est ça ! Ce prof de symbologie ( matière fictive mais qu’il serait sans doute intéressant d’inventer) ne sert qu’à l’intrigue d’aller d’indice en indice pour faire avancer le récit. Là où les films policiers progressent de la même manière en obligeant le héros à cogiter, Inferno ( comme ses prédécesseurs ) est juste un jeu de piste tenant autant du jeu de l’oie que de L’art pour les nuls. Encore et toujours la même recette. Dan Brown est une arnaque et ne plus faire partir du zeitgeist met ce fait en avant de manière spectaculaire même chez les fans de la première heure ( vous en connaissez encore beaucoup qui se vante de suivre l’auteur ? ) .



Et la réalisation de Ron Howard n’arrange rien. Assailli de cauchemars, Langdon est parfois plongé en plein enfer visuel. Mais Howard , en s’emparant d’un tel matériau, n’arrive qu’a en tirer des images sans génie ou folie visuelle. On illustre bien sagement l’enfer de Dante que Botticelli avait mis en image. Sans créer aucun malaise chez le spectateur parce que hé, c’est tout public après tout ( il faudra d’ailleurs un jour m’expliquer pourquoi les musées qui exposent ce genre de peintures plusieurs fois centenaires sont accessibles pour les têtes blondes mais que le cinéma doit rester prudent. Il y a là comme une schizophrénie artistique tirant vers le bas , bravo le mauvais cinéma de donner raison aux détracteurs du 7éme art américain).

Le montage ultra serré et cut permet de suivre les 45 premières minutes sans réel déplaisir, le rythme et le petit mystère permettant de tenir le spectateur en éveil. Mais une fois que tout ralentit pour raconter enfin une histoire, un nuage de xanax flotte soudain dans la salle. Et là, l’esprit s’égare et se pose une question vitale : comment , par Jupiter et ses roubignoles, la belle Felicity Jones peut-elle courir sans arrêt avec des semelles plus compensées que celles de Nicolas Sarkozy ? Tout ça rappelle follement Jurassic World et Bryce Dallas Howard (tiens, la fille du réalisateur qui nous occupe actuellement, coïncidence ? ) qui courait dans la jungle en talons hauts.
Mais ce n'est là qu'un des illogismes qui parcourent le film : les revirements de situation concernant certains personnages ont été pensé pour surprendre les lecteurs, pour leur proposer autre chose que ce qu'ils ont lu. Mais en changeant certains éléments , plus rien n'a de sens !
Et en parlant du livre, si vous ne l'avez pas lu, je vous mets au défi de me dire ce qu'il advient de Ignazio, l'ami de Robert conservateur de musée. On lance des pistes narratives mais on ne les résout pas. Il y a plus de trous dans ce film que dans une victime du Punisher un soir où la Kalach le démange comme un malade !




Génie de l'inventivité dans les scènes d'actions : ça court partout, tout le temps. 


Au milieu de ce marasme, une lueur d’intérêt : le personnage interprété par Irrfan Khan, genre de James Bond passé au privé qui aurait monté sa propre boîte et dont la classe et l’humour font toujours mouche. Seul acteur a avoir conscience de la bêtise ambiante, Khan joue avec un réel plaisir et un second degré salvateur qui font du bien. Mais c’est peu pour dépenser son pognon en achetant un ticket de cinéma. Allez, faites-en bide, que Langdon rejoigne Benjamin Gates dans les limbes des chasses aux indices ridicules.


mardi 4 octobre 2016

Un champ perdu dans le nord-est.

"Adama", film d'animation de Simon Rouby, sort enfin en Belgique en Septembre 2016, soit près d'un an après la sortie française. Mieux vaut tard que jamais comme dirait l'autre !

Adama est un jeune garçon de 12 ans qui vit avec sa famille ( ses parents et son grand frère ) dans une vallée africaine enclavée et ceinturée de falaises. Au-delà de son village et des falaises se tient le monde des souffles où vivent les Nassaras. Alors que son grand frère quitte le village pour entrer au service des Nassaras contre l'avis paternel, Adama décide de partir à sa recherche pour le ramener. Son périple vers l'horreur commence...

Commençant comme un conte tribal vantant les vertus d'une vie simple vécue au rythme des saisons et des traditions , « Adama » bifurque vite vers le récit d’aventure et d'initiation. Ce genre de récit voit souvent un jeune héros quitter son univers pour découvrir le monde et apprendre au gré des épreuves qui parsèmeront son chemin.
D'un style de vie intemporelle que le spectateur ne saurait situer dans la chronologie historique du Monde (sentiment amplifié par l'usage d'expressions volontairement floues comme « le monde des souffles » ou « nassaras »), le héros est projeté dans une période moderne aisément identifiable ; et plus les images défilent, plus les langues des protagonistes secondaires se délient et plus le spectateur capable d'additionner deux et deux sait que l'on se dirige vers l'enfer sur Terre, un champ de bataille où règne la mort et la noire désolation : Verdun !

Le visuel du film sort de l'ordinaire, plusieurs techniques ayant été utilisées pour créer le rendu final : scan 3D de sculptures ; les personnages ressemblent ,et se meuvent parfois, à des marionnettes de plâtre ; de prises de vues réelles intégrées à l'image finale ( une partie du studio fut transformée en laboratoires d'essais pour diverses explosions et usages de ferrofluides: des solutions liquides de nanoparticules ferromagnétiques, rien que ça ).Le résultat est étrange, sort des canons habituels de l'animation et donne parfois l'impression d'être en plein mauvais et très flippant trip de LSD. L'effet est dérangeant et met mal à l'aise,sentiment sans aucun doute voulu au vu de la nature du sujet de l'histoire.

Si le film aborde certaines thématiques de manières bien naïves et poussives ( étonnant de retrouver le très américain refrain du «  la famille et la région natale, y a rien de mieux mon p'tit gars » ), surlignant au fluo jaune pétant que «  la guerre c'est bien des malheurs » ( assertion on ne peut plus vraie mais fallait-il la rendre aussi lourde ? ) , il nous confronte en full frontal aux comportements et aux regards occidentaux de l'époque concernant l'Afrique – sous-continent peuplé de personnes sacrifiables pour nos profits.
Par le prisme d'un regard sur le passé, « Adama » nous confronte métaphoriquement à des habitudes inhumaines à l'égard de l'Afrique que l'Occident continue d'entretenir. De manière condescendante et paternaliste : les colonies n'existent plus,le traitement colonial,si.

Dénoncer un comportement en le déplaçant temporellement évite bien souvent au spectateur de penser qu'on lui fait ( la leçon la science-fiction est coutumière du fait par exemple) et de le mettre sur une défensive ; défensive qui l'empêcherait de réfléchir et de faire des liens avec notre présent.
Les quelques notes chamaniques (jouant un peu sur les clichés que les civilisations non-occidentales n'ont pas perdu leur part de spiritualité, elles ) ouvrent la porte à quelques analyses de mythologies comparées (le chaman du film est un bouffon , hors ces deux personnages partagent le point commun de tout voir et de pouvoir tout dire : l'un parce qu'il est un sorcier, l'autre parce qu'il est supposé caricaturer la vie de la cour et passe pour trop bête pour chercher à nuire) et surtout à une fin ambiguë empreinte d'une poésie un peu macabre qui sera laissée à l'interprétation des membres du public.

jeudi 29 septembre 2016

En voila une bonne BD une fois !

Bob et Bobette.
Pour le lecteur belge, cette série est une institution aussi célèbre que Tintin ou Spirou & Fantasio. Traduite en 32 langues, elle reste pourtant peu connue en France.

La  série, d'une longévité énorme rappelant les comics américains ( plus de 300 numéros depuis les années 40 à raison de 2 ou 4 albums par an ), a été créée par Willy Vandersteen ( ouuuuh, mes lecteurs francophones hors Belgique vont lire ça n'importe comment, je le crains ).

Elle raconte les aventures de Bobette, de sa tante Sidonie, de leur voisin Lambique, d'un ancien super-héros nommé Jérôme ( à la grammaire restreinte ) , du bon professeur Barabas et de Bob...

Bob n'est pas le frère de Bobette, c'est un orphelin originaire de l'île d'Amoras/Amphoria ( selon les traductions) que Bobette et Sidonie ramèneront dans leurs bagages dès leur seconde aventure.

Notons que Hergé débauchera le grand Willy pour lui fournir des aventures du duo dans le journal de Tintin, en résultera 8 aventures qui ne sont republiées que sous une couverture bleue. L'histoire veut que le papa de Tintin se fâchera par ego avec Vandersteen qui était capable, lui, de fournir assez de pages chaque semaine, contrairement au créateur du héros dont le journal portait le nom...





La série a aussi historiquement porté un coup au 9éme art puisque la réputation de la Bande-dessinée d'être un nid à fautes d'orthographe peut en partie lui être imputée : en effet, pour suivre le rythme de publication soutenu, les traductions vers le français se faisaient souvent très vite, sans vraie relecture. Aujourd'hui encore, les albums en couvertures souples et bardées de rouge de Bob et Bobette sortent régulièrement. Une institution vous dis-je.

Et les institutions, depuis quelques années et le succès de la collection « XXX présentent Spirou & Fantasio », elles sont revisitées sous formes d'hommage ou de spin-off. On se souviendra du récent « L'homme qui tua Lucky Luke » pour resituer le procédé.

Hors, ce n'est pas un tome mais bien six qui sont ici prévus pour nos héros. Quatre sont parus à ce jour. Abordons ensemble le premier voulez-vous ?


Île d'Amphoria, 2047. Bob court à travers la jungle, seul et épuisé. L'île dont il se souvient a bien changé : poteaux électriques, chars d'assaut abandonnés...il trouve une arme et un briquet dans l'un deux et part chasser de quoi se nourrir. Attirée par la lumière et l'odeur de la nourriture, une jeune femme sort des fourrés : elle s'appelle Jérusalem et en échange de quoi se sustenter, elle accepte d'aider Bob à sortir du merdier dans lequel il se retrouve, et à retrouver Bobette par la même occasion. L'ouverture donne envie et embraye alors sur un flashback expliquant comment nos héros se sont retrouvés si loin dans le temps et l'espace de chez eux...





Premier constat, nos deux gamins sont devenus des adolescents, presque des adultes. La série en devient moins désuète et ce même si elle conserve quelques traits de la naïveté bon enfant qui la caractérisait : les inventions folles du professeur ( qui n'a rien à envie à un Champignac ) sont conservées, les vilains sont très vilains, etc...
Elle gagne aussi en rythme et en violence. Amphoria semble être devenue une dictature avec une armée toute puissante et Jérusalem ne fait pas de prisonnier. Le point fort, c'est que si l'ancien lecteur de la série est en terrain connu et reconnaît très vite les personnages et leurs caractères, le nouveau venu s'y retrouvera très vite également et ce même si certains éléments constituants de la longue histoire de nos héros sont employés dans la structure du récit. Un exercice d'équilibriste dont se sort assez bien le scénariste Marc Legendre qui semble connaître la saga de près ( ce qui n'est pas une mince affaire, plus de 300 albums vous disais-je tout à l'heure).


Les dessins sont signés Charel Cambré. Son style dénotte immédiatement avec l'aspect habituel de nos jeunes héros mais ceux-ci ont grandi et ces nouvelles aventures ne s'adressent plus au même public. Le dessin est plus détaillé et dans le même temps plus caricatural, certains personnage, je pense à Lambique, étant des caricatures visuelles d'eux-mêmes dans un style qui se veut pourtant plus réaliste. Passage des ans oblige, le côté sexy de Bobette et de Jérusalem ne sera pas gommé et la nudité et la sexualité seront fortement suggérées. Les enfants n'en sont plus, les lecteurs non plus : ils s'attendent à des réactions plus matures de la part des personnages.





Malgré quelques fautes de goûts en matière de caractérisation des personnages antagonistes ou très secondaires, et une incongruité scénaristique aberrante ( Jérusalem est sourde mais semble réagir aux sons, déroutant et faisant tiquer ) , ce retour de Bob et Bobette sur le devant de la scène est vraiment réussi et devrait plaire à ceux qui, comme moi, ont abandonné l'affaire un peu avant leurs 15 ans, devenant clairement trop vieux pour des histoires certes toujours teintée d'un humour à plusieurs niveaux mais qui avaient encore un goût trop prononcé de gamineries.

samedi 24 septembre 2016

Une sacrée putain de fête à la saucisse.

Le projet théâtral ClicKlick est une expérience basée sur le fait de faire jouer acteurs wallons et flamands sur des textes bilingues, les traductions nécessaires étant  projetées sur un écran noir au fond de la scène pour que le public suive.


Une sacrée putain de fête est donc un projet bilingue, joué à Bruxelles en Mai, au PBA de Charerloi en cette fin Septembre et sera encore programmée à Mouscron en Décembre.
Si l'initiative de proposer une pièce loin des clivages linguistiques du pays est louable et mérite plus que du soutien , il en va autrement de la pièce en elle-même.

Décryptage d'un désastre.

Une petite discothèque, la fête est finie, quelques invités sont encore là.Des piques-assiettes aussi.
Des amis, des ennemis, des couples et des anciens couples au bord de l'explosion. Ça discute, ça danse, ça se pelote, ça baise (et pas dans un coin, non , devant tout le monde : âge de pierre t'avons-nous quitté un jour ? ) , ça branle des queues de billard devant une danseuse (et on est loin du Showgirls de Paul Verhoeven et c'est encore moins drôle involontairement que le navet avec Demi Moore). Malaise.

Ça se menace aussi entre amis, ça se reluque et ça cause pédophilie l'air de rien parce que bon, ça serait moche de dénoncer un voisin , ça casserait l'ambiance pas vrai ? (je ne veux plus que ma fille joue chez toi.Voila ce qui sera dit. Les filles des autres voisin, ça ne compte sans doute pas. Chacun sa merde, sauvons MA gueule et les autres on s'en fout). Ça file la gerbe, tout simplement..
C'est un peu comme si les frères Dardenne écrivaient Strip-tease (ah, on me dit dans l'oreillette que c'est pourtant typiquement leur niveau ça ), sauf qu'eux sont plus méchants et condescendants (dans leurs œuvres, je ne les connais pas personnellement ) que la défunte émission de télévision dont personne ne pleure la mort. Pas même les sous-humains qui en furent les "héros" .

Tirons notre chapeau à la majorité des acteurs qui ont su trouver  en eux de quoi interpréter le néant de personnage aux existences plébéiennes crasseuses, des barakis de bas-étages pour la plupart, rappelant plus des insectes grouillant que des êtres humains ( revoyez le début du film Idiocracy , un baraki c'est pire encore, pour situer le niveau à mes lecteurs français).
Polanski avait le Bal des Vampires, nous voila dans le bal des dégénérés. Des personnages ayant en eux l'ADN de donner en deux générations la famille de la série de films La colline a des yeux et pour qui le summum de l'éducation et de la fierté doit être de savoir épeler "chômage" sans faute d'orthographe.


Tranche de vie, tranche de vide,art comptant pour rien, la pièce n'a pas vraiment de début et la fin arrive sans prévenir car elle ne possède aucune progression dramatique, aucune. Plongé in media res,le spectateur devient le témoin-voyeur de cette heure dans la vie de protagonistes dont Hannibal Lecter ne voudrait même pas comme victimes au rabais alors qu'il crèverait la dalle.
Telle Elsa de La Reine des Neiges, les tracas des personnes nous laissent plus que froids, carrément congelés. L'autre point commun avec ce classique récent du studio Disney, c'est qu'on ressort de là libéré, délivré...et délesté du  prix d'un billet que l'on pouvait investir dans quelque chose de plus consistant et intéressant, comme une saloperie de burger de fast-food en passe d'être fermé par l'inspection alimentaire par exemple.

Une sacrée putain de merde à qui il ne faut nier le mérite de nous rappeler que ces gens-là, comme disait Brel, sont la majorité de la population et que c'est probablement cette image de l'humanité qui sera la dernière que le cosmos contemplera. Une pièce qui me donne envie de voter à droite, voire à l'extrême, personnellement ça me fait vomir. Je préfère encore croire naïvement, comme un beau con, que nous avons de l'avenir. Je me trompe, mais je m'en fous, voila mon opium.

C'était la dernière représentation, la brasserie du PBA était ouverte, la soirée post-sacrée putain de fête était bien plus sympa. Pas préparée et pourtant d'un tel autre niveau.


https://vimeo.com/166420477 (pour un aperçu et quelques infos en plus).

mercredi 14 septembre 2016

Exo-Politics

Éditée sous la bannière Glénat Comics, la série de SF Orphelins est en réalité un fumetti, soit l'équivalent italien des bandes-dessinées anglo-saxonnes. Il faut croire que le terme n'est pas assez connu du grand public que pour attirer l’œil (mais Glénat comics, récemment , a fait paraître sous ce label des bandes-dessinées tout ce qu'il y a de plus françaises : appât facile quand tu nous tiens).

Passons outre ces quelques considérations et entrons dans le vif du sujet, la nationalité d'une œuvre n'étant pas un critère qualitatif.


Le futur plus ou moins proche. Une explosion gigantesque ravage presque toute la planète. Très vite, les coupables sont désignés : la rencontre du 3éme type a eu lieu sous forme d'une immense attaque. Les orphelins survivants deviennent pupilles de l'état et sont formés militairement à une guerre future. Plus qu'un simple entraînement « spartiate » , des expériences sont conduites sur leurs corps pour leur donner des aptitudes au combat inédites.
Des années plus tard, nos orphelins débarquent sur une planète alien prêts à en découdre.

Orphelins fleure bon le parfum des productions cinéma du producteur Roger Corman qui produisait essentiellement des petits budgets surfant sur les vagues produites par les succès des autres studios ( Forbidden World étant un resucée du Alien de Ridley Scott par exemple). L'avantage de la bande-dessinée, c'est que les images ne sont pas limitées par les moyens techniques ou le budget alloué aux effets spéciaux. Pour le reste, Orphelins emprunte dans son ouverte aux explosions d'Akira, ses batailles et son mode militaire à Starship Troopers ( autant le film de Verhoeven que le roman de Robert Heinlein, traduit sous le titre Étoiles, garde-à-vous!) ou encore La stratégie Ender. Les filiations sont flagrantes mais l'ensemble arrive à tirer son épingle du jeu, jusqu'à faire oublier ses illustres modèles le temps de la lecture.




Chaque chapitre se suit en deux temps : la formation militaire et l'opération sur le terrain. Les récits se suivent donc en parallèle et se répondent l'un l'autre bien entendu. Si l'action, le suspens et les rebondissements sont légions, ils fonctionnent à plein régime grâce au soin que les auteurs ont à écrire leurs personnages principaux. Les liens que forment entre eux les orphelins, on y croit. Leurs psychologies,leurs forces, leurs doutes et leurs faiblesses ? Aussi.

Les thèmes abordés par la série sont nombreux : se reconstruire après un attentat, l''es liens que l'on sécrètent et qui joignent les êtres'' dans l'adversité, l'expérimentation humaine, les enfants soldats, la manipulation de masse, etc...autant de sujets graves et d'actualité ( j'aime rappeler que la SF est souvent un moyen d'aborder des sujets de société sans passer pour un emmerdeur aux yeux du public) qui sont ici abordés dans le cadre d'une aventure haletante et prenante.

Le petit bémol viendrait du côté des dessins. Si ceux-ci sont agréables à l’œil (certaines parties de fin de saga frôlent même la poésie visuelle de toute bôôté ) et que le story-telling est un sans faute, il manque d'originalité, surtout dans le design des aliens et de leur planète natale. Dommage.





Bref, Orphelins est un space-opera de très bonne facture, une série B de bande-dessinée qui ne rivalisera sans doute pas avec ce que Les Humanoïdes associés nous sortent en ce moment avec la série Méta-Baron mais cracher dans la soupe serait mesquin.

Série en 6 tomes terminée.

dimanche 11 septembre 2016

Une saison en enfer.

Premier sang, roman de David Morell écrit en 1972, est ressorti il y a quelques petites années dans nos vertes contrées. L’occasion de revenir sur un roman qui aura marqué les esprits de tous, même ceux qui ne l’ont pas lu.

Années 70. Un jeune homme, cheveux longs, l’air étrange, erre dans l’Amérique profonde et rurale. Le shérif du coin, Teasle , ne voulant pas d’un « hippie » dans son patelin,  lui offre un burger et un aller simple en voiture vers la sortie de la ville. Mais le gamin décide de revenir et le shérif l’embarque, le fait coffrer pour vagabondage et l’enferme dans la petite prison de la ville, espérant que le traitement le fera partir une fois remis dehors. Mais le gamin n’est pas n’importe qui. Il est revenu du Vietnam avec ce que l’on appellerait de nos jours un stress post-traumatique…Et lorsque Teasle décide de lui couper les cheveux pour éviter des soucis sanitaires, la vue des ciseaux rend le môme complètement fou. Il s’échappe en tuant un des adjoints et se lance dans une fuite vers les montagnes et la forêt. Une traque sanglante se met en place.
Mais qui est le chasseur, qui est le gibier ?

David Morell est canadien. Il fait des études de lettres américaines et décide d’écrire son premier roman en se basant sur un traumatisme qui aujourd’hui encore est peut-être la raison de la folie totale des USA : la perte de la guerre du Vietnam. Un sujet toujours sensible au pays de l’Oncle Sam, alors imaginez lors des années ayant directement suivi la débâcle.

Morell livre un récit tenant autant du duel psychologique que physique. Le gamin est un ancien béret vert, Teasle un vétéran de la Guerre de Corée. Tous les deux sont décorés de prestigieuses décorations mais chacun représente un type de soldats revenus à la vie civile de manière différente. Si les troupes qui ont servi en Corée ont vite retrouvé un emploi (économie plus douce à cette époque ), il en va du contraire pour les soldats revenus du Nam , dont beaucoup étaient mal vus en raison du caractère impopulaire qu’a pris le conflit en cours de route. Ils sont revenus non pas en héros mais souvent comme des « collabos » du gouvernement va-t-en-guerre.

Pour éviter tout manichéisme, Morell alterne les chapitres selon le point de vue du gamin et celui du Shérif. Plus le temps passe et plus le lecteur est immergé dans leurs psychologies respectives, floutant la barrière entre le tort et la raison. Difficile de ne pas comprendre les raisons de l’un et de l’autre, de sympathiser avec leurs vies cassées. En filigranes, on pourra y voir un affrontement entre les partisans de la guerre et les autres, mais plus profondément, c’est presque une dispute familiale terrible que se joue : Teasle pouvant être une figure paternelle pour le petit, lui dont la femme l’a quitté car elle ne voulait pas d’enfants.

Dans cette traque sauvage et furieuse, le lecteur devient prisonnier d’une écriture sèche, sans fioriture et terriblement prenante.Plus le duel avance, et plus la certitude que rien ne se terminera bien s’impose. Mais impossible de ne pas aller jusqu’au bout de la nuit , jusqu’au bout de l’horreur de voir ce qui se passe quand le produit d’exportation number one des USA, la guerre, revient au pays sans être capable de changer sa nature. Un roman prenant, peut-être pas aussi dur qu’il aurait pû/dû être ( c’est un premier roman après tout, mais des premiers comme ça, je veux bien en lire des dizaines) mais qui hante l’esprit après la dernière page.

Je me rends compte que je n’ai pas nommé le gamin le long de cette critique. Son nom, vous le connaissez mais vous l’associez à une image d’Epinal : Rambo.

mardi 23 août 2016

L'étoile stellaire de la loi et l'ordre.

Le western et la SF, ça se marie bien. On ne compte plus les exemples : Star Wars, Firefly, Outland (pour la section « cinémaaaa »).

Copperhead, chez Urban Comics, est , vous l’aurez compris en lisant l’incipit, un western de science-fiction. Sur une planète désertique, le Shérif Clara Bronson débarque avec son fils pour reprendre le poste de son prédécesseur, décédé. Très vite, elle doit faire face aux clichés du genre : magnat industriel qui pense que le monde est à sa botte, adjoint acariâtre dont l’espèce a perdu la guerre contre les humains (une sorte de Chewbacca cynique et habillé) et…sa première enquête sera un bel homicide.
La ficelle est connue : commencer une série par un meurtre est une bonne manière de passer en revue l’univers de la-dite série ( ses personnages réguliers, les coutumes, etc…) et utiliser un tel procédé n’est pas honteux, la très bonne série « Fables » avait elle aussi débuté comme cela et on a bien vu/lu ce que ça donnait.

Mais Copperhead n’est pas Fables, œuvre littéraire érudite et jamais prétentieuse (cela dit en passsant).
Copperhead est un western classique dans un environnement de space opera. Comme le dit le scénariste Jae Farber dans son introduction, il écrit chaque épisode en gardant en tête qu’il s’agit d’un western, genre codifié à l’extrême dont le renouveau ne passe pas par une refonte de ses formules mais pas le talent des personnes attachées à l’histoire ( revoir le formidable True Grit des frères Coen pour s’en rendre compte : non seulement le film ne renie pas les codes, mais il s’agit qui plus est d’un remake ! ).

Farber livre une copie agréable mais jamais surprenante. Les clichés sont là jusque dans les vêtements de villes des habitants. Seules les tenues de travail et l’équipement viennent nous rappeler que nous sommes dans une galaxie lointaine, très lointaine…(ou juste un système solaire, le background est encore assez sommaire à ce niveau, sans doute pour laisser de la marge au scénariste). On se doute bien que l’enquête et les rebondissements sont là pour nous mener en bateau jusque la résolution finale qui n’a rien du génie d’un Se7en. Mais on se laisse prendre au jeu de la lecture car : c’est cliché mais pas con, le rythme et le suspens sont bien dosés et donnent envie de continuer à tourner les pages après chaque cliffhanger et enfin : il fait bon, c’est l’été, pas la peine de prendre un coup de chaleur sous le soleil parce le cerveau chauffe trop sous l’astre de nos jours. Inutile donc de se demander pourquoi un shérif est engagé alors qu'ils sont des élus locaux, à la base...





Le dynamisme est également assuré par les dessins (et le découpage des cases, détail toujours très important ) de Scott Godlewski. Son trait est fin et léger. Si il ne finira sans doute jamais dans une galerie d’art ou dans un art-book à sa gloire, force est de constater qu’il mène sa barque correctement et assure le boulot qu’on lui demande : être efficace dans l’exercice de la série B fun et plaisante. Dommage, car son style, proche d'un Sean Murphy du pauvre, aurait peut-être un potentiel plus élevé.





Enfin, puisqu’il s’agit du premier tome d’une série qui doit faire son trou, Urban propose ce livre au prix de 10€. Ne vous privez pas d’une petite lecture d’été pour ce prix-là.
Reste un détail : une fois la belle saison et les vacances « sans prise de tête » terminées, le second tome se lira-t-il aussi aisément ? Nous verrons en temps voulu !

mardi 16 août 2016

Huis - clos.

Michelle quitte son appartement précipitamment et roule toute la nuit. Malheureusement, un
chauffard la percute et sa voiture termine sa course dans un ravin. Elle se réveille sur un matelas, une attelle au genou et enchaînée au mur. Son «  geôlier » , Howard, lui affirme qu’il l’a récupérée dans l’épave du véhicule et qu’elle est maintenant enfermée dans un bunker de survie, une attaque de nature indéterminée ayant frappé le monde. L’autre homme habitant cet endroit enterré se nomme Emmet et confirme à Michelle l’histoire d’Howard. Ne croyant absolument pas ce qu’on lui raconte, Michelle décide de s’échapper…

10 Cloverfield Lane n’est pas à proprement parler une suite de Cloverfield, mais il en partage une partie de l’ADN selon son producteur J.J Abrams.
Il partage aussi une partie de son pitch avec l’histoire de bande-dessinée « Protège-moi (Shelter Me) » parue dans le magazine Métal Hurlant.
Mais le traitement sera tout autre.
Tourné dans le pus grand secret pour surprendre le public , 10 Cloverfiel Lane débarque donc presque à l’improviste dans une année cinéma assez molle. En grande partie pour nous secouer !

Le réalisateur Dan Trachtenberg signe ici son premier long-métrage après avoir réalisé quelques épisodes de séries télévisées ( comme le producteur J.J Abrams avant lui…ou encore un certain Steven Spielberg, grande influence de Abrams himself).
Trachtenberg ne révolutionne pas la façon de filmer mais jamais il ne lasse le spectateur malgré l’unité unique de lieu, un bunker sous terre à peine plus grand qu’un appartement moyen et un casting très réduit , 3 acteurs plus la voix de Bradley Cooper ( l'acteur ayant travaillé un moment avec J.J Abrams quand ce dernier se consacrait à sa série Alias).
Le montage est nerveux, énergique mais sans effet de style clipesque ou facile. Le scénario relance d’ailleurs la machine toutes les 10 minutes sur les 100 minutes que dure le film. Impossible de s’ennuyer : la tension, le suspense et un peu d’action font monter crescendo le stress du spectateur jusqu’au final qui , s’il ne lie pas le film à Cloverfield, a bel et bien un lien de sang avec le genre auquel le film de Matt Reeves appartenait.




Howard est incarné par la légende John Goodman. Cet immense acteur ( dans plusieurs sens du terme ) passe en quelques secondes d’un personnage flippant à une personne attentionnée mais dérangée. Le public ne sait sur quel pied danser avec lui, ce qui le force à rester en alerte durant toute la projection. Quand écriture et interprétation sont au diapason, le résultat est toujours brillant.
Mary Elizabeth Winstead incarne une Michelle volontaire et prête à tout pour se sortir de la gueule du loup. Son personnage, pourtant vite catalogué comme une lâche qui fuit au premier petit pépin va devoir trouver une nouvelle force en elle jusqu’à se transformer entièrement. Winstead se hisse alors sans soucis au niveau des Ellen Ripley et autres Sarah Connor. Tout le film se déroule de son point de vue, on ne la quitte jamais et on s’attache à elle autant que l’on s’interroge : aurait-on le cran que montre son personnage pour s’en sortir ?






Série B de luxe qui démontre, par son sens du rythme et sa réalisation faisant monter la tension minute par minute, que le temps est effectivement relatif (le film file à une vitesse folle ), 10 Cloverfield Lane est assurément un spectacle ébouriffant plus que conseillé.