vendredi 28 avril 2017

Indien vaut mieux que deux tu l'auras.

Nous connaissons tous son nom. Mais connaissons-nous son histoire ?
Peu la connaissent , un conflit sur un continent séparé de l’Europe par un océan, une mythologie hollywoodienne remplie de foutaise et qui commence seulement petit à petit par faire sauter sa couche romancée et raciste. Et oui, les Westerns (et avant eux les cirques ambulants sur le thème du Far West ) sont essentiellement des inepties. Qu’ils parlent des Indiens ou des héros de l’Ouest.


Bref, avant d’être un cri de guerre tout aussi usité que Banzaï ou Allahu Akbar ( point de cri de guerre français. Il faut rappeler que l’examen final des officiers de St Cyr consiste à dire «  Je me rends » en 18 langues différentes), Geronimo était un homme. Un apache dont le nom de naissance était Go Klah Yeh…comment donc en est-il arrivé à porter le nom sous lequel il est entré dans la légende ?

C’est en partie l’une des questions qui seront abordées dans cette biographie sous forme de bande-dessinée du guerrier apache et ancien homme-médecine de sa tribu. Une biographie conçue par Matz et Jef, qui se retrouvent une fois de plus après leurs deux polars musclés ( critique ici et ici ) basées sur des idées du scénariste et cinéaste Walter Hill.

Point de Walter Hill ce coup-ci, juste la documentation et un scénariste qui se plaît bien chez l’éditeur adepte des one-shots volumineux.
Fin des années 1860, une tribu apache fait halte non loin d’une ville mexicaine. Alors qu’une délégation s’en va faire commerce avec les mexicains, la tribu est attaquée. Le futur Geronimo jure de se venger, ainsi débute l’épopée guerrière d’un homme qui voulait rester libre, poussé à la guerre par des envahisseurs sans scrupules. Une histoire qui se répète encore et encore depuis l’aube des temps (et souvent entamée par l’homme blanc d’ailleurs).
Mais est-ce que 108 pages est un terrain de jeu suffisant pour compter LA vie d’un homme et laisser le dessinateur s’amuser sans surcharger ses planches ?
La réponse est non. Il était inutile de faire durer le suspense.
Voila, merci de m’avoir lu…Ah, vous êtes encore là.
Bien voyons donc ce qui ne fonctionne pas des masses dans ce Geronimo.




LE problème principal, c’est le rythme. En voulant raconter la naissance de Geronimo, c'est-à-dire le passage de Go Klah Yeh au personne mythique qui a marqué l’histoire, jusque sa reddition près de 30 ans plus tard, Matz s’attaque à un sujet vaste. Trop vaste pour un tome , fut-ce-t-il aussi gros que 108 pages. Les ellipses sont nombreuses, et n’aident pas à poser une ambiance ou une implication du lecteur. On ne s’attache pas aux personnages, peut développés et restant dans le domaine de la fonction, et encore.  Les dialogues sont bateaux et, comble de l’ironie pour une histoire centrée - et surtout contée – du point de vue des amérindiens , font passer les indigènes des Amériques pour un peuple assez naïf. Plus habitué à écrire des salopards, Matz semble plus à l’aise dès qu’il s’agit d’écrire les dialogues des mexicains et des américains.

Néanmoins, l’histoire se focalise aussi sur les mécanismes qui poussent des minorités à se rebeller, se révolter et se défendre par la violence. Matz n’est pas inconscient des exactions de son personnage principal ,et puisque expliquer et comprendre n’est pas pardonner, Geronimo est présenté tant en leader d’une révolte basée sur les violences subies mais aussi comme un être perdu dans une quête où la violence aveugle se dispute aux exactions immorales.

Les dessins de Jef sont de toutes beautés, certaines planches tenant plus de la peinture que du simple dessin. Le story-telling est fluide et ce que le scénario foire, le dessinateur ne le loupe pas. On regrettera fortement que beaucoup de visages se ressemblent de personnages en personnages.

Geronimo n’est pas la Bande-dessinée de l’année mais elle offre une évocation visuelle agréable à l’œil et un point d’entrée dans la vie d’une légende de l’Ouest dont presque tout le monde ignore vraiment l’histoire. Un album en demi-teinte qui donne cependant envie d’en apprendre plus sur la vie de cette icône et sur les guerres menées par les Apaches.