jeudi 22 juillet 2010

Your Mind Is The Scene Of The Crime

Je vais être totalement honnête avec vous : Christopher Nolan est en passe de détrôner mon réalisateur préféré( à savoir Steven Spielberg) dans mon petit cœur de cinéphile.Lorsque j’ai découvert Memento à la fin de mon adolescence j’ai pris ma première vraie claque capable d’envoyer dans les vapes par un film. Et depuis qu’il a ressuscité, avec brio, Batman au cinéma, je lui voue une admiration sans borne. Cela étant clair,je tenterais néanmoins de rester objectif lors de cette critique de son dernier film : Inception ! Un thriller d’action et de science-fiction. Une fiction des plus originale, surtout en ces temps d’adaptations et de remakes divers et variés.

Dom Cobb est un extracteur. Il parvient à arracher des informations en passant par le monde du rêve partagé, un monde rendu possible grâce à un étrange appareil relié à tous les partageurs de rêves. Son talent en a fait un agent de choix pour les multinationales qui s’affrontent dans le jeu dangereux de l’espionnage industriel. Mais après que son dernier job ait fini en échec,on lui offre de réussir l’impossible. En échange, il pourra abandonner le métier et enfin retrouver une vie normale. Mais pour cela il va devoir réaliser une inception : implanter une idée dans un esprit sans que celui-ci la rejette ! Cobb accepte et monte une équipe de choc pour réussir. Mais quelque part,un étrange adversaire semble bien décidé à lui mettre des bâtons dans les roues.

Nolan est un petit malin. Plutôt que de nous expliquer en début de film de quoi il retourne,il préfère nous plonger directement dans le feu de l’action d’une extraction nous obligeant à comprendre d’abord instinctivement ce qui sera expliqué à une des recrues un peu plus tard. Et il ne nous perd pas en chemin : son sens du rythme et du montage nous font nous accrocher à notre siège malgré le fait que l’on n’avait pas eu accès à toutes les données du problèmes en train de se jouer devant nos yeux. Toutes les bases sont posées et Nolan va les explorer et les exploiter durant 2h30 qui vous sembleront bien plus courtes que cela.


Autant film de braquage que film d’espionnage ,Inception respecte les règles des genres qu’il aborde : recrutement des agents, mise en place du plan d’action, retournements de situation, faux semblants et surtout le plan qui ne se passe pas comme prévu. Derrière ces clichés du genre, se cache un habile tour de magie. La magie du cinéma.

Inception est peut-être un film somme des obsessions de Nolan. Le héros solitaire de Memento qui avait perdu sa femme renvoie à celui de Robert Angier dans "Le Prestige" et ainsi directement à celui de Cobb (et dans une moindre mesure même à Bruce Wayne dans Batman Begins et The Dark knight qui a perdu ses parents très jeune et qui étaient pour lui les personnes les plus importantes de sa vie). La perte d’un être cher devient le moteur,le point de départ d’une vie qui ne se fera pas sans mal pour tenter de retrouver un sens à celle-ci (la recherche d'un assassin dans Memento,une guerre contre le crime dans les Batman,un moyen de ridiculiser son rival dans Le Prestige).

Chez Nolan,la perte de l’amour (romantique ou parentale) semble être une composante dramatique essentielle pour que le héros se mette en marche. Et loin des habituels clichés qui font que la dite perte n’est en général qu’une péripétie de départ, elle forme ici un élément crucial de l’intrigue, pouvant empoisonné (aveuglé même !) le héros principal jusqu’à un point dangereux pour lui et les autres. Les sentiments sont au cœur de son cinéma,et il n’est pas étonnant qu’il face passer son héros par un climax sentimental ni qu’il joue avec nos sentiments jusque la fin du film et au-delà ,la fin laissant sans voix, bouche bée et le cerveau en panne pour nous permettre de mieux le redémarrer et de nous poser des questions. À ce niveau là,Inception est très fort et démontre qu’en 2h30 on peut introduire et exploiter plus de concepts qu’en 6 saisons de Lost !

Ensuite,Christopher Nolan continue d’explorer son rapport à la réalité. Ici au travers de divers niveau de rêves, qui peuvent sembler si réels qu’on en vient à douter de rêver. Mais ce questionnement de la réalité, il le posait déjà dans Memento de par les souvenirs intacts de son héros mais aussi par le jeu des différents indices qu’il se laissait à lui-même pour se souvenir après son accident lui ayant couté sa mémoire immédiate, la réalité et la vérité n’étant alors que des notes et des photos interprétables de manières différentes pour peu qu’un élément ne change : la réalité de l’un devenant le mensonge de l’autre. Il est aussi intéressant de constater qu'entre deux films de la franchise Batman,Nolan s'offre une interlude complexe et poignante où il nous balade (nous manipule) de bout en bout. Le Prestige et Inception ont d'ailleurs la même finalité pour un des héros (rapport aux enfants mais je ne peux rien dire sans révéler trop de chose) et Michael Caine le même rôle,celui de mentor (bien qu'il soit bien moins présent dans Inception ).

Ce questionnement de la réalité (et de ses divers niveaux) n’est pas sans rappeler l’œuvre du romancier britannique Christopher Priest…dont Nolan adapta « Le Prestige »,tout se recoupe. Il semblait donc logique qu’il propose enfin une histoire regroupant ses divers sujets de prédilections et ce tout seul ! Car jusqu’à présent les scénarios de Nolan (à part son tout premier long métrage : Following) n’avait pas vraiment été écrits seuls : Memento était basé sur une nouvelle de son frère Jonathan,Insomnia n’est pas de lui (et il s’agit d’ailleurs d’un remake,le prix à payer pour que la Warner le prenne sous son aile) ,Batman Begins et The dark knight sont des adaptations, certes les scénarios n’adaptent pas un épisode en particulier et son plus des variations sur un même thème,mais il fut secondé par David Goyer sur Begins et par son frère Jonathan sur The Dark Knight comme sur Le Prestige…à tel point qu’on en venait à se demander si le crac de l’écriture n’était pas le second frère Nolan (à qui Spielberg a commandé un scénario de science-fiction ambitieux : Interstellar, mais nous y reviendrons quand il sortira). Et bien le premier frangin n’est en rien un tâcheron quand il doit se démerder tout seul derrière sa machine à écrire (oui je sais,à l’ère de ordinateur c’est désuet, mais laissez-moi avec l’image de l’auteur derrière une machine grinçante et avec une clope collée aux lèvres !) .

Pour ce qui est de son style de réalisation,Nolan est encore monté d’un cran cette fois-ci. Si,comme d’habitude, son directeur photo fait des miracles en nous donnant des images saturées d’informations visuelles,c’est du côté du montage des scènes d’action que Nolan s’est encore amélioré,son sens du rythme et du suspense n’étant plus à démonter,il restait à corriger les petits défauts du côté de l’action pure : c’était bien avec Batman Begins mais un peu brouillon, c’était bien plus travaillé avec The Dark Knight et c’est sans faute avec Inception. Nolan évolue et apprend, ce qui est tout à son honneur. Il offre même des séquences si complexes au niveau de la réalisation qu’on sent une attention de chaque instant. Et une séquence sans chichis ni esbrouffes visuels vient même faire passer les frères Wachowski (les réalisateurs de la trilogie Matrix) pour des très petits joueurs et ce sans utiliser la fameuse technique dite du "fond vert".

Comme la photographie, la musique est saturante, presque aucun moment n’est pas mis en musique (et l’effet est encore plus fort qu’avec le CD que j’avais critiqué il y a peu ici-même dans ses pages). Nos deux sens principaux lors d’une projection d’un film sont alors pleinement sollicités.

Le casting est très bon,même si j’aurai préféré une autre actrice à la place de Marion Cottilard, sa place n’ étant surement pas de jouer des rôles qui requierent de faire passer des émotions dramatiques.Comment a-t-elle remporté un Oscar,je me pose encore la question.

Inception est un film complexe mais dans lequel, pour peu qu’on y mette du sien un minimum, on ne se perd jamais,il suffit de garder son cerveau sur ''on" (ce qui peut être ardu pour certain qui ne l’allume jamais j’en conviens) et dans lequel on veut vite se replonger, histoire d’être certain d’avoir vraiment tout suivi et de vérifier si certaines de nos théories sont fondées ...ou pas.

Si Inception vous a plu,voici une liste de quelques livres de Christopher Priest qui joue plus ou moins dans le même registre : Le Glamour,aux éditions Denoël; Les Extrêmes,chez Folio SF et Futur Intérieur,également chez Folio SF.

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