dimanche 5 juillet 2015

Déjima, mon amour !

David Mitchell est un auteur britannique relativement inconnu de par chez nous. Et ce même si son roman Cartographie des nuages a été adapté au cinéma, avec brio, il y a quelques années sous le titre Cloud Atlas (le titre original du roman d'ailleurs). Il gagnerait pourtant à être connu !

Été 1799, Jacob De Zoet, jeune clerc, débarque à Déjima, au Japon.
Cette île artificielle située dans la baie de Nagasaki est le seul point d'accès au Pays du soleil levant, l'archipel étant encore fermé aux étrangers (et aux autochtones a qui il était interdit de quitter le territoire ! ).
Jacob travaille pour la compagnie des indes néerlandaise et est amené à se plonger dans les comptes de l'entreprise. Il fait la rencontre de divers personnages dont Mlle Aibagawa, sage-femme au visage brûlé dont il tombe amoureux.

Un papillon de nuit fonce dans la flamme d'une bougie. Il tombe sur la table, agitant les ailes. 
"Pauvre Icare." Ouwehand l'écrase d'un coup de chope. "N'apprendras-tu donc jamais?".

Certains romans sont conçus comme des poupées gigognes. Celui-ci est conçu comme un éventail : l'éventail se déplie comme l'auteur déplie son intrigue. Ensuite, chaque partie de l'éventail se déplie également pour venir approfondir les relations entre les personnages et leur background, pour multiplier les points de vue et les rebondissements et ce faisant, part dans énormément de directions sans jamais perdre de sa cohérence.  Des histoires dans l'histoire qui viennent nourrir l'histoire. Un ensemble qui aurait pu être totalement foutraque et qui ne l'est pas, jamais.

"Imprimés, les mots sont nourriciers, déclare Marrinus, et vous me semblez affamés, Dombourgeois."

Car au-delà de la rigueur chirurgicale de l'intrigue, il faut y ajouter celle des mots. Tout , absolument tout, est choisi avec soin, faisant couler la lecture comme une douce liqueur dans la gorge.  Rigueur de la recherche historique et culturelle également : Mitchell a vécu 8 ans au Japon et a épousé une fille du pays. Impensable qu'il puisse se planter, il mettra  4 ans à écrire le livre, souhaitant l'achever avant que le livre ne l'achève lui !



Jouant avec les genres (sommes nous face à un roman historique, une romance contrariée, un livre au fantastique diffus ou un récit exotique, etc…?) , Mitchell nous entraîne dans un aventure où les temps morts n'en sont pas tant l'envie de tourner les pages se saisit du lecteur une fois le roman ouvert. Un vrai piège dans lequel il fait bon tomber !

Pour finir, un petit mot pour mes lecteurs français : les belges sont habitués à lire le néerlandais (et ce même si les francophones ne le comprennent pas toujours ) mais pour le lecteur situé en dehors des frontières du plat pays, les patronymes des héros Néerlandais pourraient être sujets à certaines difficultés ( non, Kim Clijsters ne se prononce pas comme vous le faisiez à Rolland Garros, désolé). Mais il est vrai que, comme Mitchell le fait dire plusieurs fois dans son roman, cette langue est une vacherie rude à l'oreille. C'est pourquoi je ne résiste pas à livrer ces doux écrits qui résument parfaitement cette langue :

"Quelle drôle de langue que le néerlandais, songe Penhaligon. On croirait entendre quelqu'un s'étrangler en lapant de la boue."
"Les sonorités de la langue néerlandaise font penser à un porc montant une truie."

Cruel, mais terriblement vrai !

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