De plus en plus rarement attaquée de front, son approche de la science-fiction a glissé d'année en année mais ses thèmes et ses obsessions ont toujours été présents , en particulier son questionnement de la réalité ( un bel exemple est son court roman Une femme sans histoires qui raconte l'histoire d'une harcelée et du harceleur. L'un étant un malade mental qui s'ignore victime d'hallucination et l'autre une femme ordinaire. Du moins, c'est ainsi que l'on peut comprendre le roman, le harceleur est peut-être vraiment témoin de choses étranges. Au lecteur de faire un choix.)
Son dernier roman, L'Adjacent, est sorti en VF il y a quelques mois.
Et dieu qu'il fut laborieux à terminer.
Pourtant, rien ne laissait présager une telle désillusion.
Dans un futur proche mais indéterminé, le photographe Tibor Tarent rentre en République Islamiste de Grande-Bretagne après le décès de son épouse, Mélanie. Victime d'une nouvelle arme quantique "à adjacence", Mélanie a tout simplement disparu de la carte, ne laissant qu'un triangle noir calciné sur le sol.
Au départ, les tourments de Tibor sur la mort de sa femme forment le cœur émotionnel récit, celui par lequel le lecteur va entrer dans ce monde fictionnel. Ce n'est pas la première fois que Priest aborde le deuil suite à un drame violent : Teresa Simmons, dans son poignant Les Extrêmes, éprouvait la perte d'un conjoint et se retrouvait déboussolée.
Le reste du roman va donc se lancer dans un passage en revue des thèmes et obsessions de l'auteur : les jumeaux, les doubles, la magie ( Le Prestige, brillamment trahi par Christopher Nolan, c'est lui) , les variantes d'une histoire ( La séparation ). On croisera même H.G Wells dont Priest avait pastiché des romans dans La machine à explorer l'espace ! Le fan du romancier est en terrain connu. Mais…
Mais malgré une plume qui arrive encore, par fulgurance, à faire s'envoler l'esprit, le roman , lui, plombe les attentes et enchaîne les mauvaises passes.
Tout d'abord, les relations entre les personnages sont mal foutues : maladroites est le mot le plus poli pour décrire la façon dont elles sont souvent décrites. Le monde intérieur des divers personnages est souvent bien rendu mais reste fort froid. Et dès lors que l'auteur fait interagir deux protagonistes, le tout semble artificiel et écrit rapidement pour arriver à un point précis de l'intrigue.
Ensuite, il y a la construction littéraire. Si elle se voulait ambitieuse ( le roman est éclaté entre passé, futur, passé qui aurait pû être, réalités parallèles) , elle se révèle au final tout bonnement imbitable.
L'auteur a-t-il été submergé par l'ampleur de la tâche ? S'est-il complètement perdu ? (et nous avec ?). Certaines parties du roman semblent connectées par un détail bien trop mince pour servir de ligne conductrice et si les noms propres aux sonorités similaires fleurissent dans le roman, donnant sans doute une indication de la nature de l'histoire, tout cela est également trop mince pour tirer une conclusion ou même poser des hypothèses qui ne soient pas bien trop floues.
Priest est capable de bien mieux, de bien plus fin, de plus profond, de plus accessible ( tout en restant exigeant, attention ! ) mais ici, seuls les connaisseurs hardcore de ses écrits ont une chance de saisir l'intérêt du livre grâce à ses renvois vers d'autres de ses œuvres. Mais c'est bien là le seul intérêt d'un roman qui en manque terriblement. Si ce n'est de rappeler aux fans les meilleurs romans de l'écrivain, plaisir, léger, nié au lecteur qui attaquerait Priest pour la première fois par le biais et le prisme de ce roman.
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