samedi 3 juin 2017

Lève-toi et marche.

Lazarus, comic book scénarisé par Greg Rucka et dessiné par Michael Lark, en est déjà à son 5éme tome en VF chez Glénat Comics. L’occasion de pointer l’une des meilleurs séries actuelles,et que l’on pourrait presque qualifier de Game of Thrones de SF.

Greg Rucka est un connu dans le petite mondes des comics pour aimer écrire sur des héroïnes fortes aux personnalité complexes( Batwoman, Renée Montoya également dans le bat-verse, Wonder Woman, Tara Chace de la série Queen & Country ) allant parfois jusqu’à recycler ses recettes ( femmes fortes lesbiennes et fumeuses).

Lazarus se concentre , du moins au début, sur Forever « Eve » Carlyle, jeune femme de 19 ans, véritable machine de guerre qui ferait pisser dans son froc un terminator doté de toutes les options.
C’est que Forever évolue dans un monde futuriste dystopique où les états sont tombés et où les riches entreprises ont pris le relais.
Le monde est désormais entre les mains de plusieurs familles au sommet de la chaîne (de production) alimentaire. Les Carlyle dirigent une bonne partie de l’Amérique du Nord.
Chaque famille a ses alliances et conflits ouverts ou larvés. Mais surtout, chaque famille possède un Lazare, un guerrier boosté à divers technologies et qui sert à la fois d’émissaire, d’ambassadeur, de défenseur à son clan. Il est celui qui se lève et marche vers l’ennemi.
Forever est de ces êtres particuliers. De tous les enfants de son père, elle est la seule à avoir été créée en labo, la famille Carlyle étant spécialisée dans la recherche génétique quand d’autres sont au top de la mécanique, etc…cela a bien entendu un impact sur la façon dont leurs Lazares sont boostés.

Le premier tome de la série commence In Media Res. Pas d’exposition artificielle, en plongeant le lecteur au cœur de l’action, Rucka l’amène à comprendre les tenants et les aboutissants d’un monde plus déréglé socialement que jamais. Métaphore autant que mise en garde sur ce qui nous pend au nez. Même les concepts de SF proposés ne relèvent pas du capilotracté absolu.
Tout est subtilement mis en place pour que le lecteur trouve vite des repères (semi)familiers pour progresser dans ce nouveau monde où l’on ne compte même plus les années depuis JC ( là encore, l’on induit un nouvel événement paradigmatique tout en évitant de citer une date qui pourrait se révéler obsolète quand l’on y arrivera ).



Par le truchement d’une mission somme toute simple en apparence, Rucka va dévoiler comment ce monde fonctionne, établir les liens entre les familles dirigeantes et leurs domaines de compétences ( les Carlyle sont les as de la génétique et vivent plus longtemps, tout en restant jeunes plus longtemps : 60 ans et en paraître 30, c’est pas beau la vie de riches enculés ? Les Morray c’est le (bio) engineering. ) Ils dévoilent aussi comment les populations sont vues et utilisées : outre la famille, les personnes se divisent en serfs ( qui ont une utilité ) ou les déchets. Mais des procédures permettent parfois aux déchets de devenirs des serfs ( car un déchet, par définition, peut parfois se recycler ). Notons que la séparation entre diverses couches de la société peut changer selon le territoire ( citoyens/non-personnes).

Au fil des tomes, bien sûr, Rucka va dévoiler de plus en plus ce monde, mais, contrairement à la célèbre série HBO, le multi-échiquier est peu montré. La série ce centre surtout sur la famille Carlyle et ses opérations, et sur Forever en particulier. Une famille loin d’être parfaite tant les rapports de force et de pouvoirs semblent les lier plus que les liens d’amour. À tel point que l’on se met souvent à douter de l’attachement du père de Forever envers sa fille : est-ce une affection sincère ou un moyen de contrôle de sa créature ? Difficile à dire (et c’est tant mieux ).




Rucka convoque autant l’action pure, l’espionnage de salon et sur le terrain, les relations familiales empruntes de soap opera géré avec doigté que les questionnements éthiques et moraux. Petit à petit, la série s’ouvre à d’autres personnages, enrichissant le casting et offrant un regard hors-famille sur le monde du futur.

Politic fiction de haute volée, Lazarus est aussi une œuvre plaisante à lire de par son rythme soutenu sans être précipité.




Aux dessins, on retrouve Michael Lark qui avait déjà travaillé avec Rucka sur Gotham Central avant de suivre Ed Brubaker sur Daredevil. Lark possède un trait réaliste et détaillé. Son découpage des cases en fait un as du story-telling ( c’est agréable à regarder et à suivre ). Bref, l’artiste est au diapason de son scénariste et nos deux larrons nous livrent une série où absolument rien n’est à jeter.

Notons que la traduction en VF est assurée par Alex Nikolavitch, un vieux briscard de l’exercice qui possède en outre une énorme culture générale et scientifique. Ce qui lui évite de tomber dans les pièges des faux-amis sur les termes techniques pointus employés ici. Glénat Comics propose la série dans un format un peu plus grand que le format comics et cela est fort appréciable pour profiter des dessins de Lark.

Un sans faute.  Si ce n’est le délai assez lent de parution des numéros outre-atlantique : de deux tomes en VF l’année de son lancement, Lazarus est retombée à un tome par an. L’occasion de relire la saga avant chaque tome histoire de se faire plaisir et de se remettre en ordre les pièces du jeu dans sa tête.

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