Suite aux événements du précédent tome, Batman était sur la piste de Hugo Strange (dont le cas a été réglé dans l’affreux récite dont je parle quelques plus haut ) et du Psycho-Pirate, un félon dont le pouvoir est particulièrement retors: il peut vous faire ressentir ce qu’il veut (ou ce que vous voulez si vous y mettez le prix ) .
Ce dernier est détenu par Bane, le seul homme à avoir brisé Batman ( voir Knightfall ou le film The Dark Knight Rises ) , sur l’île de Santa Prisca, un micro-état insulaire ,qui n’est autre que la prison où il a vu le jour et qui l’a retenu avant qu’il ne s’évade, et dont il a pris les commandes. Si retrouver le Psycho-Pirate est à ce point vital à Batman, c’est qu’il a , avant de disparaître, inoculé une peur panique permanente à Claire, sa nouvelle alliée.
Pas folle la chauve-souris, Batman accepte la proposition de Amanda Waller, la chef de la Suicide Squad : Bruce aura l’autorisation de constituer son propre escadron suicide pour infiltrer Santa Prisca… à partir des prisonniers de l’asile d’Arkham s’il lui livre le pirate ( après qu’il ait soigné Claire, cela va sans dire ). Mais peut-il se fier à des hommes et des femmes seulement appâtés par l’envie d’écourter leur peine d’emprisonnement ? Et surtout, Batman est-il vraiment prêt à dirigé un escadron suicide, dont la définition même est d’être constitué de pions à la vie sacrifiable ? Et qu’en est-il de son jugement dès lors que Selina Kyle, Catwoman, se retrouve dans cette équation ?
Tom King est un petit malin et un petit roublard. Le premier chapitre pose les personnages ( connus ou non ) qui formeront l’équipe de choc de Batman ainsi que certains enjeux et offre même des informations qui laisse songeur ( attendez un peu de lire la dernière page consacrée à la dernière recrue du groupe ). Ensuite seulement, Batman se lance à l’assaut de l’île prison. En bon stratège, il a placé ses « co-équipiers » à des postes clés. Batman, l’homme qui ne fait rien ( faits, gestes, paroles) sans but stratégique a-t-il vraiment cette fois-ci les moyens de réussir ? Tom King livre un récit d’infiltration et d’action assez balisé. On se doute trop facilement de certains retournements de veste ou de situation. Mais le véritable enjeu du récit n’est pas là. Il est dans la voix-off.
Le récit de Bruce nous rappelle si besoin était que sous son masque, il reste un enfant traumatisé à la recherche d’une personne qui comprenne pourquoi il porte un costume d’Halloween chaque nuit. Plusieurs scénaristes, dont Grant Morrison dans son énorme passage sur le chevalier noir, avaient pointé du doigt que Batman était la réponse enfantine à un trauma porté par un homme adulte.
King va plus loin en rajoutant une petite phrase, qui donne son titre à l’album , lorgnant vers une sorte d’instinct de mort. Finement écrit ,le récit qu’écrit King fait que Bruce ouvre tout : son cœur , sa psyché, ses aspirations.
Et accessoirement, ouvre nos vannes. Les mots sonnent juste, les phrases touchent leur cible, les larmes coulent sur nos joues. Ce qui se joue sur Santa Prisca, c’est une partie d’échecs que tout le monde chez les lecteurs sait gagnée d’avance, ce qui se joue entre Bruce et Selina, c’est une nouvelle étape dans leur relation, c’est le cœur du récit, un cœur battant et se débattant entre ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent être et avoir.
Cet aspect est exploré plus avant dans les derniers chapitres de ce tome, centré entièrement sur eux deux. Rien qu’eux deux. Tom King nous montre Bruce et Selina « en rendez-vous » , loin des clichés des comédies romantiques à deux balles mais proches des sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Jamais, depuis, Cœur de Silence ( disponible dans "Paul Dini présente Batman, tome 2, chez Urban Comics ) le lien qui unit nos deux amants maudits n’aura été aussi bien écrit, décrit…
Tenez-le vous pour dit, Batman n’aura jamais été aussi tragique et romantique, il y a dans ce recueil les ingrédients d’un grand et beau drame humain, de ceux qui peuvent entrer dans la légende, si vous acceptez de les laisser entrer dans votre bibliothèque. C’est beau, c’est fort, et si j’en crois les previews outre-atlantique, ça ne peut qu’aller cresendo. King fait bouger les lignes du bat-verse et on peut qu’espère qu’une chose, que DC ne fasse pas machine arrière d’ici quelques années. Parce que ces deux-là sont faits l’un pour l’autre et il est grand temps que les éditeurs et les auteurs sortent de la zone de confort inhérente au concept batmanien (batmanesque) et se décarcassent pour faire avec de nouvelles donnes.
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