assez lent sur sa table à dessin et reste , si pas rare, souvent absent des étals.
Alternant entre un passage chez Marvel (pour remplir aisément le compte en banque ) et des projets indépendants ( qui se vendront moins et ce malgré la renommée de l’homme ) , Cho nous revient en VF, chez Delcourt, avec Skybourne, délire fantasy moderne.
Le 4éme de couverture nous apprend qu’après avoir été relevé des morts par Jésus, Lazare a eu 3 enfants : l’invisible Abraham ( on ne le voit pas dans ce tome et son existence n’est évoquée que dans le résumé ), le dépressif Thomas et l’amazing Grace ( how sweet she sounds).
Dotés de dons surnaturels.
Et qu’ils vivent encore de nos jours, chassant et pourchassant les monstres démoniaques et les artefacts dangereux, sous le couvert des deux organisations les plus humanistes du monde : L’armée et le Vatican.
Sachez que tout cela n’est pas nécessairement tiré par les cheveux : des tas de Lazare peuplent les annuaires téléphoniques, et les appeler à 3h du matin pour leur dire « Allo Lazare ? Lève-toi et marche » reste répréhensible devant la loi.
Après l’échec cuisant d’une mission de Grace, Thomas est sorti de la retraite qu’il s’est imposé presque 30 ans plus tôt. Mais tout aussi immortel et brillant soit-il, 30 ans sans entraînement, ça laisse des traces. Des traces qu’il devra vite faire disparaître s’il ne veut pas voir le monde anéanti par Merlin en personne.
Côté dessin, les connaisseurs de Cho savent à quoi s’attendre : des hommes musclés, des armes stylisées, des femmes en formes. Il colle à un schéma reconnaissable. Malheureusement, ce schéma est aussi celui des décors assez peu remplis et de textures lisses. Cela flatte la rétine mais sans jamais lui décrocher l’iris.
Niveau scénario, c’est à peu près la même chose. Les lecteurs se souvenant de son passage sur Savage Wolverine l’avaient remarqué, les concepts et les idées cool ne sont là que pour permettre à Cho de dessiner ses personnages dans des scènes d’action léchées. Tout est un peu prétexte à mettre en image de quoi flatter dans le sens du poil le lecteur sans lui demander d’allumer son cerveau.
Ainsi, tout le rapport à l’immortalité est à peine évoqué à travers une sévère dépression de Thomas (et clichée au possible ) et tous les aspects mythologiques païens et chrétiens (voire lovecraftiens ) semblent avoir été sortis de la naphtaline pour en mettre plein les mirettes. Et de ce côté-là, oui, ça foisonne. Cho convoque un bestiaire connu mais dense : il est bloqué par sa narration rythmée qui l’empêcherait de proposer et de présenter des créatures plus obscures venues de bestiaires moins utilisés devant le grand public.
Et c’est là que ça devient intéressant à analyser. Car à trop travailler l’attitude cool et fun, on en vient parfois à vendre un discours assez limite.
Car, que voit-on dans les images ?
On voit des avatars messianiques issus d’une idée de prolongement d’une aventure biblique combattre des concepts païens. Merlin, présenté comme un antagoniste dans un contexte chrétien n’est pas bête : au Moyen-Âge, la figure de ce mage pose problème à l’Église et il survit dans le folklore mais plus tellement dans les textes de la matière de Bretagne. L’homme est le fils d’un démon, alors vous pensez-bien, ils n’allaient pas le garder. En faire un radicalisé cliché accro à la fin du monde et de l’humanité aide le lecteur à ne pas trop se poser de questions et à éprouver de l’empathie pour la quête des héros mais au-delà du vilain Merlin, le QG de l’organisation regorge de « monstres » en cage, des monstres venus de mythologies concurrentes au christianisme.
Et l’apparition semi-lovecraftienne de rigueur dans ce genre d’exercice de fan service place le récit dans une mouvance de Dieu contre Dieu, une religion saine face à toutes les autres, forcément dévoyées, pourries et menant à l’anéantissement du monde. Difficile de dire si Cho se place vraiment dans un prosélytisme plein d’entrain ou s’il n’a pas vu plus loin que le bout de son nez dans son envie de trouver un concept et de tout défoncer mais un constat reste toujours sans appel : un média visuel fait passer ses messages par l’image. Et l’image est ici à questionner.
En dehors de cela, Skybourne ( dont on ignore s’il y aura une suite alors que certaines portes restent ouvertes ) est aussi bourrins qu’érudits, aussi jouissif que questionnant, aussi léger que lourd et aussi oubliable qu’obligatoire.
Un grand numéro de What the fuck qui assurera au moins 30 minutes loin de tout.
Ou pas.
(in)dispensable.
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