Et en cette rentrée tant scolaire que littéraire, les éditions Mnémos misent sur le roman de Vincent Mondiot & Raphaël Lafarge, Les mondes-miroirs.
Elsy et Elo ont grandi ensemble dans les rues malfamées de la grande cité-état de Mirinèce. Mais leurs chemins ont pris des tournures différentes. Elsy est devenue une mercenaire à la tête de sa propre (petite) agence tandis qu’Elodianne a gravi les échelons sociaux en accédant à l’une des castes les plus respectées , elle est devenue magicienne au service de l’état. Tentant vaille que vaille de se croiser au minimum une fois l’an, Elo et Elsy vont être amenées à travailler ensemble lorsque les blasphèmes, des créatures hideuses et cauchemardesques commencent à servir de vecteur pour de sanglants attentats.
Mondiot & Lafarge attrape le lecteur dès le début en les plongeant eux et deux des personnages principaux dans une course folle entre une calèche et des créatures contagieuses. Très cinématographiques, l’écriture ne s’encombre pas de longues phrases pompeuses qui auraient pu certes faire frémir les neurones mais également faire décrocher le lecteur de l’action. Il faudra attendre presque 150 pages pour que le roman retrouve alors ce même souffle. Dommage ? Oui, un peu bien entendu. Mais les auteurs vont poser, non sans talent, et dérouler leur univers foisonnant et particulier.
Ne cédant pas aux sirènes d’une fantasy classique ( à la Tolkien et ses innombrables suiveurs ) en refusant de placer les pièces de leur jeu sur un échiquier rappelant le Moyen-âge central. Nous sommes dans une sorte de reflet de la révolution industrielle : l’état n’est pas aux mains d’un monarque tout puissant mais d’un ancien révolutionnaire, le progrès a creusé les inégalités, les castes sont plus visibles, les presses impriment journaux , illustrés et romans rappelant l’âge d’or des comics, des pulps et des penny dreadfulls. Le monde n’est pas manichéen, les zones de gris sont presque aussi nombreuses que dans Game of thrones.
Œuvre de notre temps, des mots comme terrorisme ou attentat viennent ponctuer les phrases et les raisons comme les personnes derrière ces attaques sont impossibles à ne pas comparer en partie à ce qui se passe dans le monde réel.
Les auteurs se montrent également originaux et imaginatifs pour décrire la magie de leur univers. Oubliez les Merlin, Gandalf et autres Harry Potter, le système magique en place est bien plus complexe et spécialisé. La magie est divisée en plusieurs branches et rares sont les élus à cumuler plus d’une spécialité. Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher le plaisir mais je n'avais pas trouvé de mécaniques magiques si originales depuis Sabriël de l'australien Garth Nix ( mangez-en, c'est de la bonne).
Et non, Elo, l’héroïne , ne souffrira pas du cliché d’être l’une des seules à à avoir multiplier les talents. Elle n'est pas une nouvelle Hermione Granger,et c'est tant mieux tant la saga de Rowling a fait du mal au fantastique sur le long terme.
Les personnages sont fouillés, ont des qualités, des défauts , des rêves et des regrets. Tous ne sont pas aussi incarnés que d’autres mais tous ont une personnalité bien définie qui les rend attachants, détestables, intrigants mais aucun ne laissera indifférent.
Plusieurs scènes de flash-backs viennent nous éclairer sur le passé de plusieurs protagonistes et offrent de creuser les regrets, les attentes déçues et les espoirs de certains personnages, venant expliquer sans lourdeurs leurs actes sans pour autant les excuser. Mondiot et Lafarge nous offre de comprendre aussi bien les héros que les vilains. Comprendre, après tout, n’est-ce pas la meilleure façon de saisir le problème et d’ensuite tenter de lui trouver des solutions ?
On regrettera peut-être quelques facilités narratives qui fleurent bon l’écriture pour la jeunesse dont provient Vincent Mondiot ou quelques ellipses alors que les personnages allaient entamer des scènes chargées émotionnellement. Gageons que ces petites scories disparaîtront de la plume des auteurs dans l’avenir. Un avenir qui pourrait se dérouler dans le même univers tant l’ont sent que malgré sa nature d’aventure isolée, cet univers est trop vaste et intéressant pour ne donner naissance qu’à un one-shot.
Après La Crécerelle de Patrick Moran ( qui employait lui aussi une magie des plus originale) , encore un nouvel univers que l'on attend de retrouver au plus vite !
Allez, s'il fallait vraiment trouver un gros défaut à ce livre, ça serait dans la peste éditoriale transformant " ça a " en "ç'a" , idiotie impie qui nie la double prononciation de la noble et vénérable première lettre de l'alphabet. Pire qu'une faute d'orthographe, une faute de langage qui ne cesse de se répandre dans l'édition française et qui ne reflète même pas un usage vocal. De quoi faire suffisamment tiquer pour décrocher de la lecture en pestant devant une manie au mieux ubuesque.
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