Alors que les deux tomes de la série Inhumain chez Dupuis-Air Libre m’avaient laissé…dubitatif , Valérie Mangin (scénariste derrière Le Fléau des Dieux ) et son époux Denis Bajram (auteur de Universal War One ) remettent le couvert à deux pour écrire une nouvelle série, cette fois-ci prévue au long cours. TANIS ! (oui, comme la cité antique – où un certain Dr Jones aurait découvert l’arche d’alliance ).
Nous sommes en 10.000 avant Jésus Christ, toute la Gaule est occupée…euh attendez, non. Nous sommes en 10.000 avant Jésus Christ : ce qui deviendra le royaume d’Égypte n’est encore qu’un village sans nom, composé de huttes rudimentaires plongées dans l’ombre du Sphinx et des pyramides. La nuit, l’anneau d’astéroides autour de la Terre est éclairé par la lune.
Les peuplades éparpillées près du Nil et du delta de ses embranchements sont régulièrement rapinés par les Aryanas, un peuple sanguinaire et pilleur. C’est au milieu d’un carnage que « l’ancien » d’un village retrouve un bébé, survivante miraculeuse d’une attaque. Ce petit être fragile a la particularité, dans un pays où les habitants ont les cheveux noirs, d’avoir les cheveux blancs. Pour lui éviter d’être considérée comme une aberration ayant attiré le mauvais œil, l’ancien décide de faire croire aux villageois que la petite Tanis est taboue et envoyée des Dieux, destinée à prendre sa place à sa mort.
Mais être une jeune femme taboue que personne ne peut touche ou approcher de trop près est un fardeau lourd à porter et avec son ami Sépi, qu’elle force à transgresser tabou sur tabou , Tanis va découvrir qu’il existe en elle des choses étranges. Après avoir ouvert par sa seule volonté la pyramide contenant le tombeau d’Osiris, Tanis et Sépi vont découvrir le tombeau du Dieu et lui voler son masque. Masque qui donnera à Sépi des capacités surhumaines. Capables de renverser le cours des choses.
Pour le meilleur ? La première case de l’album nous montre Tanis, adulte, seule sur un trône surélevée, la foule prosternée devant elle. Toute la série (ou une partie d’icelle) est donc destinée à nous narrer comment une jeune fille naïve mais idéaliste arrive dans une position de pouvoir semi-divin. Le texte en fait une sauveuse, l'imagerie nous raconte autre chose. Le narrateur, comme dans L'homme qui tue Liberty Valance, a-t-il décidé d'imprimer la légende, plus jolie ?
De l’aveu même des auteurs, TANIS est une série à la fois hommage à leur lectures de jeunesse ( comme Papyrus, également chez Dupuis mais on sent l’influence que les comics des années 70 et 80 ont pu avoir également) et à l’envie de transmettre à une nouvelle génération le goût de la BD d’aventures à une époque où le manga est roi. Ce n’est sans doute pas un hasard si la série est d’ailleurs pré-publiée dans le magazine Spirou. À voir si cette noble ambition sera couronnée de succès. Peut-être via leurs parents qui achèteraient l’album.
Comme je le disais en introduction, leur précédente double collaboration scénaristique m’avait refroidi ( du scénario assez plat aux dessins peu inspirants ). D’un point de vue de l’écriture, le résultat étant inférieur à la somme des parties.
C’est donc à reculons que j’entrais dans TANIS ( non, c’est pas sale ). Et là, la mayonnaise a pris, la génoise est montée. Peut-être nos deux auteurs avaient-ils besoin de se lancer dans un projet plus axé jeunesse ?
Dès le départ, Mangin et Bajram jouent avec le lecteur ( et le jeune lecteur risque de louper des références ). Historienne de formations, Mangin sait où elle met les pieds. Et Bajram avait entamé des études en sciences dures avant de bifurquer vers les beaux arts. Les voila pourtant tous deux en pleine histoire dignes des conspirations les plus folles : Dieux et Géants ayant marché sur Terre , Atlantide ayant coulé , technologie trop avancée pour l’époque. Etc…
Le tout agrémenté des classiques adolescences maussades et contrariées, animaux de compagnie accolés aux héros ( Spip chez Spirou, Milou chez Tintin , les daemon chez Philip Pullman...).
Les thèmes ne sont pas nouveaux mais comme le disait Salvatore Dali : tout a déja été raconté, mais pas par vous ! Défi relevé par Mangin et Bajram donc.
Les auteurs jouent, donc, avec des mythologies anciennes ( Osiris ) et modernes. ( difficile de ne pas penser à Stargate par exemple , œuvre qui , elle , vendait ses théories de façons un peu trop premier degré dans le domaine du « On nous cache tout ! » et les théories du complot comme on en trouve sur les chaînes télés poubelles après 1h du matin ).
Jouent avec les mots aussi : les aryanas sonnent comme les aryens, ce peuple mythifié par les Nazis comme venu du Nord. Et puisque il y a plus ou moins 4000 ans, les peuples de la mer ( des peuples que l’on tente encore d’identifier formellement ) ont attaqué plusieurs civilisations ( Hittite, Égyptienne,…) , il était tentant de mixer les deux et de leur donner un look de viking, avec l’imagerie qui va avec ( muscles saillants, commerces peu équitables , esclavagisme ).
Le look, parlons-en. C’est Stéphane Perger qui met en images les écrits du couple Mangin/Bajram et ce dernier a un coup de crayon qui ne laisse pas indifférent. Son trait fin et élégant recèle assez de détails pour que personne ne puisse lui reprocher de bâcler quoique ce soit mais il laisse aussi des détails en suspend , lissant un peu l’image, rendant le tout digeste pour le lecteur plus jeune.
Si l’on devait vraiment reprocher quelque chose à cet album c’est son rythme. Il doit poser une situation et une mythologie interne que l’on devine déjà bien plus grande que ce qui nous est montré ici et les péripéties s'enchaînent vite, au point que le tout semble « facile » et par conséquent cela limite l’implication émotionnelle du lecteur.
Mais maintenant que les bases sont posées, il ne tient qu’à notre trio de passer la seconde. Et cela tombe bien, l’ambition de faire vivre la série sans devoir attendre 4 ans entre chaque album semble être ancrée dans le projet.
Comme je le notais plus haut, TANIS est pré-publiée dans SPIROU Magazine et la grande tradition de la belle époque du mag était de retrouver de manière fréquente les héros qui le faisaient vivre. Ainsi, alors que cet album est paru en Janvier ( avec une pré-publi ayant débuté en Novembre ) , TANIS revient déjà dans un album numéro 2…dès ce mois d’Octobre. Un rythme soutenu donc qui semble marquer que l’héroïne est là pour squatter le magazine du groom en rouge régulièrement.
Notons que pour éviter que la série ne serve de base aux idées les plus folles sur l’histoire du monde, un dossier faisant la part entre fiction et réalité est proposé en fin d’album et que cela devrait être la norme dans chaque tome de la série.
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