mardi 19 juin 2012

Un chevalier clair-obscur : 2me partie,point 2.


II.La symbolique de la chauve souris.

Pour frapper le crime en plein cœur, Bruce Wayne devient Batman. Pourquoi une chauve-souris ? Après tout, il existe tout un tas d'autres héros qui n'ont pas pour autant un animal "néfaste " pour totem.

Dans "Year One" ( 1988), il est expliqué que Bruce Wayne a besoin d'un avatar pour marquer les esprits des criminels qui ne sont que " des couards superstitieux ". 
Il choisit ce symbole après une patrouille en ville qui failli le tuer. Alors qu'il se vide de son sang dans sa bibliothèque, une chauve-souris d'une taille imposante fracasse la vitre et se pose en face de lui, sur un buste en  pierre. 
L'animal est représenté dans toute sa laideur et pourtant le spécimen est splendide. Les dés sont jetés.



Dans le film "Batman Begins" (2005) de Christopher Nolan, la chauve-souris est toujours représentée comme source d'effroi mais pas seulement pour le monde criminel. Non, elle est la source d'une peur enfantine ressentie par Bruce. Bien que toujours effrayé par elles en étant devenu adulte, Bruce a appris à contrôler sa peur. Le symbole de la chauve-souris est donc une évidence absolue pour lui.

La peur de la chauve-souris, sa représentation négative ,etc…sont autant de concepts judéo-chrétiens qui la rendent pertinente comme choix totémique dans une société qui baigne dans le religieux comme l'est la société américaine. Mais aussi dans des sociétés européennes peut-être moins soumises (ou du moins de manières moins extrêmes) au christianisme : car la base culturelle chrétienne est un facteur à prendre en compte même dans la vision athéiste d'un européen.



Et dans cette tradition chrétienne, la chauve-souris est décrite comme un être impur, un objet d'idolâtrie et de frayeur ! Dans une logique tordue, cette frayeur que Batman distille le rend soudainement idolâtré comme une force positive par le public et négative pour ceux qui s'adonnent au crime. Mais l'animal reste impur même si l'idolâtrie résulte d'un résultat positif car les idoles sont proscrites ( dans l'optique religieuse).

Aux alentour de la Renaissance, le concept de chauve-souris évolue tant biologiquement que métaphoriquement. Le naturaliste Buffon y voit un être hybride mi-oiseau mi-rat. Un animal qui n'aurait pas atteint son plein potentiel. La vision de la bête bifurque alors non plus tant sur un être impur (et donc maléfique associée aux vampires, une créature de l'ombre tout comme Batman) mais comme un être dont l'évolution de l'esprit aurait été entravée, voire ratée. Hors, le meurtre des parents de Bruce Wayne n'a-t-il pas biaisé l'évolution de ce petit garçon ? En passant en un instant du statut d'enfant à celui d'adulte, son esprit a été coupé de certaines phases essentielles du développement. La chauve-souris était donc toute désignée pour prêter sa peau à un homme brisé tentant de se persuader qu'il s'est reconstruit. 
Et le plus beau dans l'histoire, c'est que toutes ces conceptions méta-textuelles autour du chevalier noir ne pouvaient qu'être inconscientes au moment où les auteurs ont bâti le mythe, comme si les relents culturels de nôtre civilisation flottaient dans l'air quand il s'agit de poser les bases du personnage. Faut-il y voir hasard ou métempsychose ? 

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