lundi 13 mai 2013

S'il était si bien surveillé, comment ils ont fait pour le laisser filer ?


Si ma génération ( les pré-trentenaires, et oui ma petite dame) ne considère sans doute plus Robert Redford comme LE fantasme absolu ( et son fils spirituel, Brad Pitt, est lui aussi en train de perdre cette aura), il n’en reste pas moins que l’acteur/réalisateur arrive encore à monter des projets sur son simple nom : signe qu’au-délà du sex appeal, il y a aussi une bonne dose de talent, chose qu’il n’a plus à démontrer depuis…Pffiou, sans doute avant ma naissance.

Il revient avec ses deux casquettes principales (acteur ET réalisateur)  avec le thriller The Company You Keep (traduit en français par le quelque peu hors sujet Sous Surveillance ).
À la fin des années 60, un groupe anti-guerre du Vietnam voit une de ses factions se radicaliser violemment. Des bombes sont posées dans des bureaux gouvernementaux. Leur action se terminera lors d’un braquage de banque mortel : les auteurs disparaissant dans la nature, sans laisser de trace. 30 ans plus tard, Sharon Solarz, femme au foyer sans histoire, se fait arrêter par le F.B.I. pour son implication dans le hold-up de la banque.

Son arrestation va lancer un jeune journaliste arrogant et un brin arriviste, Ben Sheppard, sur les traces des autres membres du groupe. Très vite, il va découvrir et publier l’histoire de Jim Grant, un avocat veuf et père d’une fille de 11 ans, qui se trouve être en réalité Nick Sloan, un membre supposé de la bande. Sous le feu des projecteurs, Grant disparaît. Le F.B.I se lance à ses trousses ainsi que Sheppard, seule personne chassant Grant pour trouver plus qu’un fugitif : la vérité !

Si l’on se penche un peu sur la carrière de Redford en tant que simple réalisateur, on distingue vite que ses thèmes de prédilections sont l’histoire américaine et les mythes modernes de son pays. Il n’est donc guère étonnant de retrouver ses deux aspects dans ce film. La période trouble de la guerre du Vietnam est un terreau encore fertile pour lancer une intrigue et la figure emblématique du journaliste lancé dans une quête de vérité et de justice est un archétype qui n’est pas prêt d’être usé, surtout aux USA où le 4me pouvoir jouit de toute une mythologie bien ancrée par des années de fictions cinématographiques, télévisuelles et romanesques sur le sujet !



Ce long-métrage possède en réalité deux rôles principaux :
-Jim Grant, joué par Redford himself (on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ), lancé dans une course poursuite pour échapper aux agents fédéraux à ses trousses. L’acteur a encore de sacrés restes, priez pour être aussi bien conservés à son âge avancé (il va sur ses 77 ans mine de rien).
-Ben Sheppard, journaliste brillant mais en quête de scoop quel qu’en soit le prix, clé du succès pour garder son job même si le prix humain est élevé. Il est interprété par Shia LaBeouf qui démontre que oui, il sait jouer la comédie et même autre chose que les gentils ahuris se frittant avec des robots géants venus de l’espace.

Si tout l’aspect thriller est assez convenu dans son déroulement et dans sa résolution, il n’en reste pas moins très efficace et prenant. Les acteurs sont convaincants et les dialogues suffisamment bien écrits pour couler naturellement. La mise en scène est elle-aussi assez classique ainsi que la réalisation : pas de grandes envolées de caméras ou de mouvements complexes à mettre en œuvres. Et la majorité des dialogues sont présentés en champ/contre-champ, à quelques variations près.



Mais  , dans ce canevas classique, on trouve sans aucun doute ce qui a attiré Robert Redford sur le projet au delà des thèmes de bases qui font son cinéma. Car le film, subtilement, au travers des dialogues et des relations entre les personnages, fait apparaître toute une série de questions pertinentes : peut-on justifier la violence, quelle part de nous-mêmes peut-on perde en laissant derrière soit son identité, que reste-t-il des idéaux de jeunesse quand l’ont devient adulte ? Des questions passionnantes auxquelles Redford ne répondra pas car il n’y a pas de réponses claires et définitives. Et il a le bon goût de ne pas imposer ses pensées.

Pour les cinéphiles, les destins de Grant, pourchassés par le gouvernement et de Sheppard, en quête d’une histoire explosive, renvoient directement à deux films dans lesquels Robert Redfort tenait le premier rôle : Les trois jours du condor et Les hommes du président (ou accessoirement La Classe Américaine. Oui mon petit Lio, j’ai osé !). Ce dernier film explique sans doute pourquoi le personnage de Shia LaBeouf , au départ assez antipathique, acquiert plus de profondeur au fil de l’intrigue. J’imagine en effet très mal Redford cherchant à taper sur un journaliste qui décide de faire son boulot correctement en sortant de ses confortables pantoufles rembourrées !



Plusieurs gueules du cinéma anglo-saxons actuels et passés ont accepté de jouer , parfois 10 minutes, pour Redford. Cela va du très bon Stanley Tucci à des pointures comme Susan Sarandon ou Nick Nolte ( et je ne cite que ceux-là : le nombre de visages connus et assez hallucinant, surtout quand on a pas lu l’affiche avant, ce qui était mon cas : la surprise était totale et très agréable).

Néanmoins, ces questionnements et ces références cinématographiques masquent parfois mal les défauts flagrants du film. Si Robert Redford a encore de très beaux restes, il est à la limite de l’incrédibilité en homme sensé avoir quoi, la soixantaine ? Ensuite, la temporalité du film est étrange. Si les événements du film se situent 30 ans après des faits survenus en 1969 ( ce qui semble être confirmé par l’âge approximatif d’un des personnages nés plus ou moins à cette époque ) alors toutes les références à Google, Facebook et Twitter sont complètements anachroniques. Idem pour les technologies des téléphones portables et tutti quanti !



Au final, The company you keep, est un thriller parfois un peu bancal dont les principales qualités arrivent de justesse à contrebalancer des défauts quelquefois assez flagrants et qui vaut plus pour le questionnement qu’il devrait provoquer chez le spectateur que pour son intrigue à proprement parler. Mais faire penser et réfléchir  son auditoire n'est pas donné à tout le monde et reste l'un des tours de force les plus frappants dont est capable le cinéma avec un grand C ! Et rien que pour ça...

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