dimanche 2 mars 2014

Gravité de la situation.

Je brûle mon oxygène à vitesse grand V.
Mon palpitant bat la chamade et mes mains viennent juste de s'arrêter de trembler.
Si j'avais vu ce film au cinéma, je ne m'en serais pas relevé.

Non, ce n'est pas une tentative ratée de haïku que vous venez de lire.
C'est mon ressentit profond et viscéral envers Gravity qui vient de sortir en blu-ray et dvd.

Souvenez-vous; dans Avatar, le personnage de Sigourney Weaver nous disait que Pandora était l’environnement le plus hostile à l’homme.

2 ans plus tard, Ridley Scott semblait nous dire que « Pas du tout, l’environnement le plus hostile c’est la lune découverte par l’équipage du Prometheus ».

Alfonso Cuarôn nous dit d’emblée dans le texte d’introduction de son film qu’il ne faut pas aller si loin : l’espace, cette ultime frontière, est le plus hostile des environnements. Et il va vous le démonter en 90 minutes montre en main !


Pour sa première mission spatiale, le Dr Ryan Stone ( Sandra Bullock ) aurait pu s’emmerder. Mais parce que les russes ont foiré la destruction d’un de leur vieux satellite, tout va s’animer. Et la propulser dans une lutte pour la survie dans un milieu froid, coupé de tout et où la technologie humaine ne demande qu’une chose : défaillir !

Avant d’aller plus avant, mettons à jour nos connaissances et concepts scientifiques. Et comme le rédacteur de cet article est mauvais en vulgarisation scientifique, ne lui en veuillez pas de nous faire un petit copier-coller pour vous expliquer le syndrome de Kessler et la gravité un peu plus loin.





Le syndrome de Kessler est « un scénario envisagé en 1978 par le consultant de la NASA Donald J. Kessler , dans lequel le volume des débris spatiaux en orbite basse atteint un seuil au-dessus duquel les objets en orbite sont fréquemment heurtés par des débris, augmentant du même coup et de façon exponentielle le nombre des débris et la probabilité des impacts. Au delà d'un certain seuil, un tel scénario rendrait quasi-impossible l'exploration spatiale et même l'utilisation des satellites artificiels pour plusieurs générations.
Le syndrome de Kessler est un exemple de réaction en chaîne. Les vitesses relatives des objets en orbite peuvent dépasser 10 km/s. Tout impact à de telles vitesses entre deux objets de taille appréciable (de quelques centimètres ou décimètres) crée un nuage de débris à trajectoires aléatoires, dispersant l'énergie cinétique de la collision, qui sont autant de projectiles susceptibles de provoquer d'autres collisions. Lors d'une collision majeure mettant en cause un gros satellite comme la station orbitale, la quantité de débris pourrait rendre les orbites basses totalement impraticables. » (merci à mes amis Wik et Pédia pour le coup de main).

On l’aura compris, cet effet est exponentiel, il grossit à chaque impact. Le premier impact envoie Ryan loin du vaisseau pouvant la ramener sur Terre (et détruit celui-ci) : dès lors, ses tentatives pour rentrer seront soumises à cet effet : le nuage de débris repasse toutes les 90 minutes, toujours plus gros s’il chope des objets au passage. Bien que pensé pour le cinéma dans sa représentation filmique, cette base de travail est réelle et pose bien les enjeux dramatiques que pourrait avoir une telle chose sur des missions spatiales.

Mais il ne faut pas attendre que les débris entrent en scène pour que le réalisateur démontre un savoir faire certain. Dès la scène d’ouverture, Cuarôn met en place l’étendue immense de son terrain de jeu , lentement d’abord avant de commencer à jouer avec sa caméra virtuelle. Ses mouvements sont gracieux et l’impression d’avoir une caméra en apesanteur au moment du tournage est bien présente.
Mais Cuarôn n’explore pas que l’extérieur : sa caméra s’autorise des entrées et des sorties dans les scaphandres au gré des respirations saccadées ou explore les couloirs exigus des stations spatiales en orbite. Le mélange est quasi parfait entre prise de vue et performance capture.
On retrouve dans les remerciements des grands noms comme Guillermo del Toro, David Fincher ou encore James Cameron, des réalisateurs ultra techniques peu avares en conseils ou anecdotes de tournages avec les collègues.





Composé en majorité de plans séquences pour appuyer l’immersion en apesanteur du spectateur, le film n’en reste pas moins scotchant et ne donne jamais la nausée comme pourrait le faire une caméra à l’épaule mal gérée par exemple.

L’immersion est aussi sonore : les seuls son que l’on percevra seront ceux perçus par les astronautes. Il n’y a pas de bruit dans l’espace : ils n’entendent que la radio dans leur casque et les coups transmis dans leur combinaison. Ainsi, le spectateur peut voir arriver certains dangers avant le personnage privé d’alerte sonore. Suspens garanti !

"Plutôt que Gravité, le film devrait s’appeler Zéro-Gravité" , a ricané sur Twitter l’astrophysicien américain Neil deGrasse Tyson, directeur du planétarium Hayden à New York. Il n’a pas tort, le film se déroule loin de la gravité terrestre. Mais alors, pourquoi ce titre ?
Et bien les scientifiques n’ont pas compris que le film ne parle pas de la zéro-gravité du tout, il s’y déroule, nuance!
La gravité, c’est la force de pesanteur. La force avec laquelle la Terre vous attire vers son centre (Newton, la pomme, tout ça...le tout est de ne pas finir en compote).
Et c’est ça le sujet du film : l’attirance du personnage pour la Terre, cette lutte pour retrouver la terre ferme de sa planète natale!

Une lutte âpre et difficile, presque une quête initiatique ultime où le doute et le renoncement côtoient l’instinct de survie poussé à son paroxysme. Le danger est là, pouvant venir de toutes parts et le spectacle offre donc peu de place pour que le spectateur respire entre deux menaces : on s’accroche à son siège pour ce tour de manège qui fait passer Space Mountain pour un carrousel rouillé et fatigué.

Pas très étonnant de voir que le personnage principal est féminin. L’imaginaire collectif associe la femme à la vie et cette vie incarnée par Sandra Bullock (étonnante dans le registre : nomination méritée aux Oscars) est entourée par la mort.



La mort qui la guette mais aussi la mort de ses compagnons de voyages, la mort d’un être cher sur Terre. Dès lors, les rares passages où elle peut encore parler sont des conversations éthérées : vers un signal radio désincarné, vers le vide en espérant qu’on la capte…
La mort est partout autour d’elle et le film se teinte d’une métaphore sur le combat éternel que l’humain mène face à cet adversaire redoutable qui finira toujours par nous rattraper mais que nous tentons de tenir à distance le plus longtemps possible.
Et dans l’espace, la course est truquée, l’adversaire est plus dopé qu’un russe à Sotchi : c’est donc le moment de démontrer l’astuce humaine et ses possibilités face aux éléments.

Un très très grand film.



[edit] le film vient de faire une razzia aux Oscars et va ressortir dans de nombreuses salles de cinéma. Je l'ai loupé à la sortie, je ne vais pas le manquer là.





1 commentaire:

tacnetlaurent a dit…

effectivement
je confirme
au cinéma en 3d
au premier rang
c' est totalement immersif
j' avais meme les jambes
qui flageolaient en sortant
du cinéma comme si j' avait été
moi meme privé de gravité

par contre ya plusieurs personnes
qui comprennent pas que le film
est génial
avec le bon vieil argument
du scénario simpliste
veinard
tu vas le re-découvrir
au ciné