jeudi 29 septembre 2016

En voila une bonne BD une fois !

Bob et Bobette.
Pour le lecteur belge, cette série est une institution aussi célèbre que Tintin ou Spirou & Fantasio. Traduite en 32 langues, elle reste pourtant peu connue en France.

La  série, d'une longévité énorme rappelant les comics américains ( plus de 300 numéros depuis les années 40 à raison de 2 ou 4 albums par an ), a été créée par Willy Vandersteen ( ouuuuh, mes lecteurs francophones hors Belgique vont lire ça n'importe comment, je le crains ).

Elle raconte les aventures de Bobette, de sa tante Sidonie, de leur voisin Lambique, d'un ancien super-héros nommé Jérôme ( à la grammaire restreinte ) , du bon professeur Barabas et de Bob...

Bob n'est pas le frère de Bobette, c'est un orphelin originaire de l'île d'Amoras/Amphoria ( selon les traductions) que Bobette et Sidonie ramèneront dans leurs bagages dès leur seconde aventure.

Notons que Hergé débauchera le grand Willy pour lui fournir des aventures du duo dans le journal de Tintin, en résultera 8 aventures qui ne sont republiées que sous une couverture bleue. L'histoire veut que le papa de Tintin se fâchera par ego avec Vandersteen qui était capable, lui, de fournir assez de pages chaque semaine, contrairement au créateur du héros dont le journal portait le nom...





La série a aussi historiquement porté un coup au 9éme art puisque la réputation de la Bande-dessinée d'être un nid à fautes d'orthographe peut en partie lui être imputée : en effet, pour suivre le rythme de publication soutenu, les traductions vers le français se faisaient souvent très vite, sans vraie relecture. Aujourd'hui encore, les albums en couvertures souples et bardées de rouge de Bob et Bobette sortent régulièrement. Une institution vous dis-je.

Et les institutions, depuis quelques années et le succès de la collection « XXX présentent Spirou & Fantasio », elles sont revisitées sous formes d'hommage ou de spin-off. On se souviendra du récent « L'homme qui tua Lucky Luke » pour resituer le procédé.

Hors, ce n'est pas un tome mais bien six qui sont ici prévus pour nos héros. Quatre sont parus à ce jour. Abordons ensemble le premier voulez-vous ?


Île d'Amphoria, 2047. Bob court à travers la jungle, seul et épuisé. L'île dont il se souvient a bien changé : poteaux électriques, chars d'assaut abandonnés...il trouve une arme et un briquet dans l'un deux et part chasser de quoi se nourrir. Attirée par la lumière et l'odeur de la nourriture, une jeune femme sort des fourrés : elle s'appelle Jérusalem et en échange de quoi se sustenter, elle accepte d'aider Bob à sortir du merdier dans lequel il se retrouve, et à retrouver Bobette par la même occasion. L'ouverture donne envie et embraye alors sur un flashback expliquant comment nos héros se sont retrouvés si loin dans le temps et l'espace de chez eux...





Premier constat, nos deux gamins sont devenus des adolescents, presque des adultes. La série en devient moins désuète et ce même si elle conserve quelques traits de la naïveté bon enfant qui la caractérisait : les inventions folles du professeur ( qui n'a rien à envie à un Champignac ) sont conservées, les vilains sont très vilains, etc...
Elle gagne aussi en rythme et en violence. Amphoria semble être devenue une dictature avec une armée toute puissante et Jérusalem ne fait pas de prisonnier. Le point fort, c'est que si l'ancien lecteur de la série est en terrain connu et reconnaît très vite les personnages et leurs caractères, le nouveau venu s'y retrouvera très vite également et ce même si certains éléments constituants de la longue histoire de nos héros sont employés dans la structure du récit. Un exercice d'équilibriste dont se sort assez bien le scénariste Marc Legendre qui semble connaître la saga de près ( ce qui n'est pas une mince affaire, plus de 300 albums vous disais-je tout à l'heure).


Les dessins sont signés Charel Cambré. Son style dénotte immédiatement avec l'aspect habituel de nos jeunes héros mais ceux-ci ont grandi et ces nouvelles aventures ne s'adressent plus au même public. Le dessin est plus détaillé et dans le même temps plus caricatural, certains personnage, je pense à Lambique, étant des caricatures visuelles d'eux-mêmes dans un style qui se veut pourtant plus réaliste. Passage des ans oblige, le côté sexy de Bobette et de Jérusalem ne sera pas gommé et la nudité et la sexualité seront fortement suggérées. Les enfants n'en sont plus, les lecteurs non plus : ils s'attendent à des réactions plus matures de la part des personnages.





Malgré quelques fautes de goûts en matière de caractérisation des personnages antagonistes ou très secondaires, et une incongruité scénaristique aberrante ( Jérusalem est sourde mais semble réagir aux sons, déroutant et faisant tiquer ) , ce retour de Bob et Bobette sur le devant de la scène est vraiment réussi et devrait plaire à ceux qui, comme moi, ont abandonné l'affaire un peu avant leurs 15 ans, devenant clairement trop vieux pour des histoires certes toujours teintée d'un humour à plusieurs niveaux mais qui avaient encore un goût trop prononcé de gamineries.

samedi 24 septembre 2016

Une sacrée putain de fête à la saucisse.

Le projet théâtral ClicKlick est une expérience basée sur le fait de faire jouer acteurs wallons et flamands sur des textes bilingues, les traductions nécessaires étant  projetées sur un écran noir au fond de la scène pour que le public suive.


Une sacrée putain de fête est donc un projet bilingue, joué à Bruxelles en Mai, au PBA de Charerloi en cette fin Septembre et sera encore programmée à Mouscron en Décembre.
Si l'initiative de proposer une pièce loin des clivages linguistiques du pays est louable et mérite plus que du soutien , il en va autrement de la pièce en elle-même.

Décryptage d'un désastre.

Une petite discothèque, la fête est finie, quelques invités sont encore là.Des piques-assiettes aussi.
Des amis, des ennemis, des couples et des anciens couples au bord de l'explosion. Ça discute, ça danse, ça se pelote, ça baise (et pas dans un coin, non , devant tout le monde : âge de pierre t'avons-nous quitté un jour ? ) , ça branle des queues de billard devant une danseuse (et on est loin du Showgirls de Paul Verhoeven et c'est encore moins drôle involontairement que le navet avec Demi Moore). Malaise.

Ça se menace aussi entre amis, ça se reluque et ça cause pédophilie l'air de rien parce que bon, ça serait moche de dénoncer un voisin , ça casserait l'ambiance pas vrai ? (je ne veux plus que ma fille joue chez toi.Voila ce qui sera dit. Les filles des autres voisin, ça ne compte sans doute pas. Chacun sa merde, sauvons MA gueule et les autres on s'en fout). Ça file la gerbe, tout simplement..
C'est un peu comme si les frères Dardenne écrivaient Strip-tease (ah, on me dit dans l'oreillette que c'est pourtant typiquement leur niveau ça ), sauf qu'eux sont plus méchants et condescendants (dans leurs œuvres, je ne les connais pas personnellement ) que la défunte émission de télévision dont personne ne pleure la mort. Pas même les sous-humains qui en furent les "héros" .

Tirons notre chapeau à la majorité des acteurs qui ont su trouver  en eux de quoi interpréter le néant de personnage aux existences plébéiennes crasseuses, des barakis de bas-étages pour la plupart, rappelant plus des insectes grouillant que des êtres humains ( revoyez le début du film Idiocracy , un baraki c'est pire encore, pour situer le niveau à mes lecteurs français).
Polanski avait le Bal des Vampires, nous voila dans le bal des dégénérés. Des personnages ayant en eux l'ADN de donner en deux générations la famille de la série de films La colline a des yeux et pour qui le summum de l'éducation et de la fierté doit être de savoir épeler "chômage" sans faute d'orthographe.


Tranche de vie, tranche de vide,art comptant pour rien, la pièce n'a pas vraiment de début et la fin arrive sans prévenir car elle ne possède aucune progression dramatique, aucune. Plongé in media res,le spectateur devient le témoin-voyeur de cette heure dans la vie de protagonistes dont Hannibal Lecter ne voudrait même pas comme victimes au rabais alors qu'il crèverait la dalle.
Telle Elsa de La Reine des Neiges, les tracas des personnes nous laissent plus que froids, carrément congelés. L'autre point commun avec ce classique récent du studio Disney, c'est qu'on ressort de là libéré, délivré...et délesté du  prix d'un billet que l'on pouvait investir dans quelque chose de plus consistant et intéressant, comme une saloperie de burger de fast-food en passe d'être fermé par l'inspection alimentaire par exemple.

Une sacrée putain de merde à qui il ne faut nier le mérite de nous rappeler que ces gens-là, comme disait Brel, sont la majorité de la population et que c'est probablement cette image de l'humanité qui sera la dernière que le cosmos contemplera. Une pièce qui me donne envie de voter à droite, voire à l'extrême, personnellement ça me fait vomir. Je préfère encore croire naïvement, comme un beau con, que nous avons de l'avenir. Je me trompe, mais je m'en fous, voila mon opium.

C'était la dernière représentation, la brasserie du PBA était ouverte, la soirée post-sacrée putain de fête était bien plus sympa. Pas préparée et pourtant d'un tel autre niveau.


https://vimeo.com/166420477 (pour un aperçu et quelques infos en plus).

mercredi 14 septembre 2016

Exo-Politics

Éditée sous la bannière Glénat Comics, la série de SF Orphelins est en réalité un fumetti, soit l'équivalent italien des bandes-dessinées anglo-saxonnes. Il faut croire que le terme n'est pas assez connu du grand public que pour attirer l’œil (mais Glénat comics, récemment , a fait paraître sous ce label des bandes-dessinées tout ce qu'il y a de plus françaises : appât facile quand tu nous tiens).

Passons outre ces quelques considérations et entrons dans le vif du sujet, la nationalité d'une œuvre n'étant pas un critère qualitatif.


Le futur plus ou moins proche. Une explosion gigantesque ravage presque toute la planète. Très vite, les coupables sont désignés : la rencontre du 3éme type a eu lieu sous forme d'une immense attaque. Les orphelins survivants deviennent pupilles de l'état et sont formés militairement à une guerre future. Plus qu'un simple entraînement « spartiate » , des expériences sont conduites sur leurs corps pour leur donner des aptitudes au combat inédites.
Des années plus tard, nos orphelins débarquent sur une planète alien prêts à en découdre.

Orphelins fleure bon le parfum des productions cinéma du producteur Roger Corman qui produisait essentiellement des petits budgets surfant sur les vagues produites par les succès des autres studios ( Forbidden World étant un resucée du Alien de Ridley Scott par exemple). L'avantage de la bande-dessinée, c'est que les images ne sont pas limitées par les moyens techniques ou le budget alloué aux effets spéciaux. Pour le reste, Orphelins emprunte dans son ouverte aux explosions d'Akira, ses batailles et son mode militaire à Starship Troopers ( autant le film de Verhoeven que le roman de Robert Heinlein, traduit sous le titre Étoiles, garde-à-vous!) ou encore La stratégie Ender. Les filiations sont flagrantes mais l'ensemble arrive à tirer son épingle du jeu, jusqu'à faire oublier ses illustres modèles le temps de la lecture.




Chaque chapitre se suit en deux temps : la formation militaire et l'opération sur le terrain. Les récits se suivent donc en parallèle et se répondent l'un l'autre bien entendu. Si l'action, le suspens et les rebondissements sont légions, ils fonctionnent à plein régime grâce au soin que les auteurs ont à écrire leurs personnages principaux. Les liens que forment entre eux les orphelins, on y croit. Leurs psychologies,leurs forces, leurs doutes et leurs faiblesses ? Aussi.

Les thèmes abordés par la série sont nombreux : se reconstruire après un attentat, l''es liens que l'on sécrètent et qui joignent les êtres'' dans l'adversité, l'expérimentation humaine, les enfants soldats, la manipulation de masse, etc...autant de sujets graves et d'actualité ( j'aime rappeler que la SF est souvent un moyen d'aborder des sujets de société sans passer pour un emmerdeur aux yeux du public) qui sont ici abordés dans le cadre d'une aventure haletante et prenante.

Le petit bémol viendrait du côté des dessins. Si ceux-ci sont agréables à l’œil (certaines parties de fin de saga frôlent même la poésie visuelle de toute bôôté ) et que le story-telling est un sans faute, il manque d'originalité, surtout dans le design des aliens et de leur planète natale. Dommage.





Bref, Orphelins est un space-opera de très bonne facture, une série B de bande-dessinée qui ne rivalisera sans doute pas avec ce que Les Humanoïdes associés nous sortent en ce moment avec la série Méta-Baron mais cracher dans la soupe serait mesquin.

Série en 6 tomes terminée.

dimanche 11 septembre 2016

Une saison en enfer.

Premier sang, roman de David Morell écrit en 1972, est ressorti il y a quelques petites années dans nos vertes contrées. L’occasion de revenir sur un roman qui aura marqué les esprits de tous, même ceux qui ne l’ont pas lu.

Années 70. Un jeune homme, cheveux longs, l’air étrange, erre dans l’Amérique profonde et rurale. Le shérif du coin, Teasle , ne voulant pas d’un « hippie » dans son patelin,  lui offre un burger et un aller simple en voiture vers la sortie de la ville. Mais le gamin décide de revenir et le shérif l’embarque, le fait coffrer pour vagabondage et l’enferme dans la petite prison de la ville, espérant que le traitement le fera partir une fois remis dehors. Mais le gamin n’est pas n’importe qui. Il est revenu du Vietnam avec ce que l’on appellerait de nos jours un stress post-traumatique…Et lorsque Teasle décide de lui couper les cheveux pour éviter des soucis sanitaires, la vue des ciseaux rend le môme complètement fou. Il s’échappe en tuant un des adjoints et se lance dans une fuite vers les montagnes et la forêt. Une traque sanglante se met en place.
Mais qui est le chasseur, qui est le gibier ?

David Morell est canadien. Il fait des études de lettres américaines et décide d’écrire son premier roman en se basant sur un traumatisme qui aujourd’hui encore est peut-être la raison de la folie totale des USA : la perte de la guerre du Vietnam. Un sujet toujours sensible au pays de l’Oncle Sam, alors imaginez lors des années ayant directement suivi la débâcle.

Morell livre un récit tenant autant du duel psychologique que physique. Le gamin est un ancien béret vert, Teasle un vétéran de la Guerre de Corée. Tous les deux sont décorés de prestigieuses décorations mais chacun représente un type de soldats revenus à la vie civile de manière différente. Si les troupes qui ont servi en Corée ont vite retrouvé un emploi (économie plus douce à cette époque ), il en va du contraire pour les soldats revenus du Nam , dont beaucoup étaient mal vus en raison du caractère impopulaire qu’a pris le conflit en cours de route. Ils sont revenus non pas en héros mais souvent comme des « collabos » du gouvernement va-t-en-guerre.

Pour éviter tout manichéisme, Morell alterne les chapitres selon le point de vue du gamin et celui du Shérif. Plus le temps passe et plus le lecteur est immergé dans leurs psychologies respectives, floutant la barrière entre le tort et la raison. Difficile de ne pas comprendre les raisons de l’un et de l’autre, de sympathiser avec leurs vies cassées. En filigranes, on pourra y voir un affrontement entre les partisans de la guerre et les autres, mais plus profondément, c’est presque une dispute familiale terrible que se joue : Teasle pouvant être une figure paternelle pour le petit, lui dont la femme l’a quitté car elle ne voulait pas d’enfants.

Dans cette traque sauvage et furieuse, le lecteur devient prisonnier d’une écriture sèche, sans fioriture et terriblement prenante.Plus le duel avance, et plus la certitude que rien ne se terminera bien s’impose. Mais impossible de ne pas aller jusqu’au bout de la nuit , jusqu’au bout de l’horreur de voir ce qui se passe quand le produit d’exportation number one des USA, la guerre, revient au pays sans être capable de changer sa nature. Un roman prenant, peut-être pas aussi dur qu’il aurait pû/dû être ( c’est un premier roman après tout, mais des premiers comme ça, je veux bien en lire des dizaines) mais qui hante l’esprit après la dernière page.

Je me rends compte que je n’ai pas nommé le gamin le long de cette critique. Son nom, vous le connaissez mais vous l’associez à une image d’Epinal : Rambo.