mercredi 29 février 2012

Hélas pauvre Yorick.


Il y a de mauvaises histoires. Des bonnes. Des passables. Des excellentes. Et il y a celles qui vous transcendent et vous marquent plus que les autres. Celles qui graviteront toujours autour de votre astre cérébral. L'histoire de Yorrick Brown, et des personnes qu'il a croisées quand son voyage a commencé, fait partie de ces histoires.

Brian K.Vaughan est un des scénaristes que je préfère dans le milieu des comic books. Il allie réflexions et divertissement d'une manière si homogène qu'aucun élément ne semble jamais être de trop : tout se marie parfaitement sans lourdeur. Que cela soit dans le cadre d'un univers super-héroïque classique (comme ses travaux pour Marvel comme Runaways ou Ultimate X-men) ou des comics plus personnels comme Ex Machina qui alliait autant politique-fiction que péripéties dignes des super-héros Marvel ou DC ( et qui bien entendu ne trouva pas son public dans nos vertes contrées…).

En Juillet 2002, un fléau mondial éradiqua tout les mammifères porteurs d'un chromosome Y. Tous ? Non, Yorick Brown jeune magicien maitre de l'évasion  (comme Houdini) au chômage et son capucin Esperluette ( c'est-à-dire le nom de ce signe " & " ) ont survécu. Pourquoi ? Mystère. Comment le fléau est-il arrivé ? Mystère. S'agit-il d'un effet papillon d'envergure apocalyptique alors que Yorrick allait demander la main de Beth, sa fiancée partie en expédition d'anthropologie en Australie ? Ou bien d'une malédiction antique interdisant au " Médaillon d'Hélène " de quitter le territoire Jordanien? Médaillon que l'agent 355 était chargée de récupérer Ou encore d'une vengeance de mère nature pour punir l'orgueil humain alors qu'un clone humain est sur le point de naître, et dont la mère, brillante scientifique, semble cacher quelque chose ? Qui sait pourquoi ? Ces trois évènements se sont déroulés en même temps. Autant de portes à ouvrir pour trouver la vérité…Autant de chemin que ces 3 personnes devront suivre et explorer ensemble.



Si le titre " Y The last man " cristallise autant les enjeux liés à la génétique ( le chromosome Y) que  ceux liés au questionnement ( Y se prononce " why " en anglais, qui veut dire " pourquoi " ). Le titre français lui renvoie carrément au registre de la tragédie grecque. Et le mélange des genres ne s'arrête pas à ces simples considérations linguistiques sur le titre de l'œuvre !

Vaughan mixe le drame, la science-fiction, le fantastique, l'aventure, l'action, la comédie, le suspense, l'étude sociologique, etc…sans jamais s'égarer, sans jamais provoquer l'indigestion. Car les genres que je cite ne servent que de décorations à un sapin de Noël bien plus vaste : la vie de ces quelques personnes jetées sur les routes dans une quête folle. L'humain et ses réactions prévalent dans l'écriture de Vaughan; les tourments, les joies, les peines, les amours traversent les cases pour former une mosaïque cohérente et évolutive  tout au long des 60 numéros américains  soit 10 tomes en VF.

Le statu quo ? La série ne connait pas ce concept ! Contrairement à l'autre grande série de comic actuelle qui utilise le thème de la fin du monde, Walking Dead, Y the last man ne s'encombre pas de poser un statu quo ,par nature éphémère dans le genre feuilletonnant , pour le renverser après 12 numéros. Le procédé est tellement éculé et prévisible que le réutiliser est presque une insulte aux lecteurs qui le voit venir à l'avance. C'est une quête, et dans un lutte en avant il n'y pas de place pour une ambiance où les héros feraient du sur-place !

Il faut dire qu'en 60 numéros, la série n'a pas le temps ni le droit au statu quo. Vaughan, dés le départ, sait où il va et comment y aller (c'est d'ailleurs pour ça qu'il sera engagé sur 3 saisons de Lost, réussissant à sauver plus que les meubles et à redynamiser cette série télé). Là encore, c'est une qualité d'écriture que l'on ne retrouve pas sur Walking dead.  Outre son scénario implacable, Brian Vaughan apporte et distille un maximum de références à la culture populaire (enfin, jusque 2002, il est évident que Yorick ne connaîtra jamais La revanche des Sith, par exemple), souvent par le biais de remarques sarcastiques de la part du héros, mais aussi à la culture américaine ( obligeant parfois le traducteur à recourir aux notes de bas de pages, mais pas toujours, ce qui est un poil gênant quant on ne saisit pas l'allusion) sans compter bien entendu la fameuse référence shakespearienne, Yorick et sa sœur Hero portant des noms d'obscurs héros du grand William puisque le père de ceux-ci était professeur de littérature.

Yorick va-t-il succomber à la tentation de tromper sa fiancée avec une diplômée en histoire de la religion ?

Les 5 premiers volumes sont une sorte d'états des lieux de l'Amérique  de l'époque. Placés dans une situation exceptionnelle, les travers du pays en ressortent d'autant plus : la politique à-la-va-comme-je-te-pousse au travers des épouses voulant succéder à leur mari sans passer par des élections ( ça se dit républicaine et ça ignore les principes de la république) , l'extrémisme religieux et sectaire ( dès le début , l'on fait la connaissance d'un groupe nommé Les filles des Amazones. Les membres sont convaincus que le fléau est la manifestation que mère nature privilégie la femme et cette certitude les pousse aux excès les plus variés : tagué les monuments phalliques, brûler les banques de sperme, se couper un sein…et bien entendu tenter d'occire notre pauvre Yorick une fois son existence connue) ou encore la conviction de l'Amérique profonde que le gouvernement ne veut que leur mal. Vaughan explore aussi la sexualité, comment continuer à prendre du plaisir si l'on est hétéro et que les hommes sont morts ? Le lesbianisme est-elle la seule échappatoire ? Mais aussi : Yorick peut-il résister et rester fidèle ? Etc...tout cela est posé avec beaucoup de doigté ( si si j'ai osé) et d'intelligence de la part du scénariste.




Les 5 autres volumes sont un tour du monde où l'on voit que la situation est vécue différemment selon les endroits et les cultures. Bien que parti d'un postulant capilotracté, Vaughan décrit sans doute de manière réaliste ce qu'il adviendrait en cas de disparition de tous les mâles de la planète. Et à part quelques délires de geeks (voir les aventures au Japon), le tout est quelque peu flippant, à l'image d'Israël qui voit dans le dernier homme le moyen de pression ultime, un peu comme leur accès à la bombe atomique l'a été en son temps ( c'est surtout pour ça que l'accès de l'Iran au pouvoir atomique les emmerde) et franchement, depuis quand Israël n'avait plus été considéré sans complaisance par une oeuvre américaine( cela change de l'habituelle complaisance envers l'état Hebreux qui se fait caresser dans le sens du poil plus souvent qu'à son tour)  ?  


Le tout nous renseigne sur la place de la femme dans le monde et surtout dans nos sociétés ou, malgré l'égalité entre les sexes, il y a encore beaucoup de jobs majoritairement dédiés aux hommes : ainsi, après le fléau, les urgences sont une vraie calamité car seule 1 femmes sur 10 est flic ou pompière, très peu travaillent dans des centrales électriques ou pilotent des avions…bref, un homme vient d'écrire un grand plaidoyer en faveurs de la femme.

Les dessins de Pia Guerra sont lisses, sans fioritures mais très classiques. Parfois un peu vides au niveau des décors. Mais en certaines occasions, lorsque deux personnages se rapprochent vraiment, il émane de son trait une grâce incroyable. Et même si cela est rare, c'est si beau qu'on pardonne tout à la dessinatrice. Les couvertures par contre ne sont pas d'elle.

Vous l'aurez compris, Y le dernier homme est une bombe totale qu'il serait malheureux de rater, surtout que la série profite d'une (bonne) traduction par Jérémy Manesse, l'un des seuls à savoir manœuvrer une barque dans ce navire en perdition que sont les éditions Panini. 

mardi 21 février 2012

Masqués.


Vous pensez que Peter Parker est une marque de stylo ? Comme beaucoup vous passez pour un blaireau dès que les gens se mettent à parler super-héros. Vous voulez briller en société? Alors cet ouvrage est fait pour vous !*

Les éditions " Les moutons électriques " ( nom ô combien Philip K.Dickien ) proposent depuis un petit temps déjà différents ouvrages consacrés aux comic books. Souvent consacrés à des artistes et/où scénaristes ( Frank Miller, Alan Moore, Steve Ditko, et j'en passe), on note aussi la présence d'ouvrages se consacrant à un champ plus large ! 

Après le très bon Mythes et Super-héros, voici LE livre qui fait le tour de la question : Super-héros, la puissance des masques, de Jean-Marc Lainé, qui, peu de temps auparavant, avait signé un essai passionnant sur le travail scénaristique et visuel de Frank Miller !

Doté d'un savoir qui semble encyclopédique sur le sujet et d'une plume agréable,n'hésitant jamais à placer un bon mot, Lainé nous prend par la main et ne nous lâche plus avant la fin. Ça tombe bien, il ne donne jamais envie de le lâcher non plus !

Au fil de près de 350 pages bien tassées et dotées d'une iconographie plus généreuse que la poitrine de Scarlett Johansson ( non, ne comptez pas sur moi pour reproduire ici les photos d'elle nue), Lainé nous fait nous plonger dans tous les aspects propres au super-héros en commençant par les origines des comics ( origines qui remontent à bien avant leur naissance, et oui les comics n'ont rien fait comme les autres ) jusqu'aux influences des super-héros dans les autres médias et sur les autres territoires que celui de l'Amérique. Ainsi seront abordées les visions du genre et ses influences sur les Bd's franco-belges ou encore sur les mangas ( le parallèle " Dragon Ball/X-men" étant très intéressant et m'avait complètement échappé alors que je connais par cœur cette œuvre énorme d'Akira Toriyama ! ). En passant bien entendu par une analyse pointue de ce qui fait le super-héros mais aussi le genre super-héros, genre défini entre autres par son appartenance à tous les genres ! 

En effet, on retrouve autant le polar, le fantastique, la science-fiction ou encore le western dans cette littérature née outre-Atlantique. Le genre est poreux et multi-influençable, loin de l'image que s'en fait le grand public.

Le public, voila peut-être le seul problème de cet ouvrage car si les amateurs de super-héros y verront une sorte de reconnaissance de leur amour pour le genre ( de par le sérieux et la rigueur qui émanent du livre), les personnes susceptibles de changer d'opinion sur le sujet n'ont probablement pas encore envie de se le procurer… 


Plus que chaudement recommandé !



* Si vous retrouvez ma référence pour cette intro, je vous offre ... bah tout mon respect !

mardi 14 février 2012

Sherlock : The Reichenbach Fall.


Oui,je sais.
Je n'ai pas été foutu de livrer la critique du 3me et dernier téléfilm de la saison 2 ( si, une série peut être composée de téléfilms! Revoyez Columbo !) du Sherlock de la BBC. Erreur (monumentale, comme dirait Jack Slater) réparée. Il était peut-être temps, n'est-il pas ?

L'épisode s'intitule " The Reichenbach Fall". Pour les amateurs de Holmes, la référence est évidente. Pour les autres, elle va le devenir !

Sherlock est une vraie star depuis qu'il a retrouvé un tableau volé et que Watson continue d'abreuver le net des exploits du détective grâce à son blog. Blog que Sherlock tolère parce que cela lui ramène des clients et que même lui ne saurait vivre sans gagner sa vie. Nos deux compères sont des coqueluches des médias. Pendant ce temps, James Moriarty sort de l'ombre et met en branle toute une série d'évènements quo vont venir perturber la vie de nos deux héros.

Si le Moriarty de cette série me sort pas tous les trous (c'est bien simple, il me les brise mais sévère), force est de constater que ses plans, eux, sont tout bonnement excellents et retors pour le détective de Baker Street. Impossible de détacher son regard de l'action tant le suspens et les enjeux pour le héros sont grands ! C'est bien simple, avec un peu de polish sur le scénario et la réalisation il aurait été aisé d'en tirer un long métrage pour le cinéma, rien que ça. Dommage que le réalisateur de l'épisode n'ait pas eu les moyens ( ou le talent ? ) pour peaufiner ses images, ses cadrages , etc…


Je ne peux pas en dire plus sans déflorer l'action de l'épisode et révéler les changements de status quo mais je ne peux que recommander le visionnage de cette aventure haute en couleur, en en retournements et en émotions. Une émotion qui passe très bien grâce au talent de comédiens des différents protagonistes. La toute fin, quant à elle, ne vous fera dire qu'une chose : vivement la saison 3 ! Qui malheureusement n'a encore aucune date de diffusion de prévue. On croise les doigts que cette affaire ne traîne pas trop !








ps : mon prochain article sera le 300me. Il ne sera pas plus spécial qu'un autre mais abordera sans aucun doute un sujet qui me porte à cœur.

C'est mystère et boules de gommes.


Charles Dickens est mort le 9 juin 1870. Son dernier roman, Le mystère d'Edwin Drood ,restera donc à jamais inachevé. Roman basé, comme son titre l'indique, sur un mystère ( celui de la disparition du sieur Drood ) et dont la résolution agite les milieux littéraires encore aujourd'hui. Preuve en est ce Drood, écrit par Dan Simmons, l'auteur du célèbre L'échiquier du mal et du plus récent Terreur.

Wilkie Collins est un ami et collègue de Dickens.Hors ce dernier vient d'échapper à la mort lors d'un accident de train particulièrement grave ( fait véridique). Mais ce n'est pas l'accident qui a le plus frappé l'écrivain anglais, non. C'est la présence sur les lieux d'un énigmatique personnage répondant au nom de Drood. Si énigmatique que Dickens est bien décidé à découvrir qui ou ce qu'il est…et en entrainant son fidèle ami avec lui. C'est par le truchement de la plume de Collins que le récit des 5 dernières années de vie de Dickens nous sera conté. Mais pas de manières purement objective car Collins se livre dans cette sorte de mémoires à un petit jeu d'honnêteté sur ses sentiments envers l'inimitable Charles Dickens, et la jalousie côtoie bien souvent l'admiration dans ce récit où l'ombre du fantastique pointe régulièrement le bout de son nez. Mais peut-on vraiment faire confiance aux écrits de Collins, cet écrivain atteint de goutte , qui calme sa douleur grâce à des surdoses de laudanum et qui devient petit à petit opiomane ?   

Stephen King, après avoir lu L'échiquier du mal, dira de Dan Simmons qu'il est son concurrent littéraire le plus sérieux. Dans le domaine du fantastique peut-être, car ses romans de science-fiction (et en particulier les deux derniers) n'emballent pas (plus) tellement le lecteur. Mais depuis Terreur en 2008, Simmons est revenu vers un genre qu'il maitrise bien plus (son redoutable Chant de Kali restant pour moi l'un de ses meilleurs livres : presque aussi prenant et flippant que le Salem de Stephen King et le tout en 3 fois moins  de pages pour poser ses bases).

Avec Drood, Dan Simmons tente de résoudre le mystère du roman inachevé de Charles Dickens en empruntant un chemin de traverse assez tortueux. Car en effet, ce n'est pas l'esprit du " plus grand écrivain britannique " qu'il propose de nous faire visiter mais celui d'un de ses amis, collègue, concurrent ! Un esprit un brin dérangé puisque Wilkie Collins était persuadé d'être harcelé par un dopplegangër . Et les dérivés opiacés qu'il ingère pour calmer la douleur qu'il ressent ne peuvent surement pas arranger les choses dans sa conscience passablement altérée.

Simmons adapte sa plume à l'époque, faisant parfois écrire à Collins des passages passablement longs tels qu'il en regorge dans la littérature du 19me voir aussi du 20me siècle. En effet, souvenons-nous que ce n'était pas une époque où l'information visuelle était disponible aussi facilement qu'aujourd'hui. Pour vous donner un exemple, si je vous dis " la maison blanche", vous aurez en tête la résidence du Président Américain. Mais au 19me, il vous fallait adosser à ces trois petits mots toute une flopée d'autres pour vous faire visualiser l'ensemble du bâtiment. Remarquablement documenté, le roman nous plonge dans les mœurs et les coutumes de l'Angleterre Victorienne et nous fait découvrir Londres comme elle l'était à l'époque…c'est-à-dire tout bonnement épouvantable et invivable selon les quartiers (nombreux) à être habités par les plus démunis. Le tout emballé dans une intrigue mêlant meurtres rituels, mesmérisme, drogue et aliénation mentale. Dan Simmons se paye aussi le luxe de faire quelques clins d'œil à son roman précédent, Terreur, puisque Dickens et Wilkie Collins ont coécrit une pièce de théâtre inspirée des mêmes faits qui inspireront Simmons pour son roman.

Hélas, trois fois hélas, tout cela manque cruellement de souffle. L'écriture et l'imagination de Simmons ne sont nullement en cause mais sur plus de 800 pages on aurait aimé que l'auteur arrive à faire voguer le navire de notre envie de lire encore et encore par le seul pouvoir de sa plume. Hors ce n'est pas le cas ! Le roman en lui-même n'est pas embêtant, loin de là, mais il faut parfois se forcer pour arriver sur un passage qui vous fera tourner les pages comme si votre vie en dépendait. Et de tels passages sont trop peu nombreux. Et le tout mène vers une résolution de l'intrigue un peu trop capilotractée à mon goût et défiant toute logique et rationalité. Un roman en demi-teinte voire un roman mineur dans la carrière de Simmons. On préférera relire Le Chant de Kali, L'échiquier du Mal et Terreur.


D'un strict point de vue éditorial par contre, on notera la présence d'une ou deux coquilles ( comme celle qui inverse Dickens et Dickenson, un autre personnage) et l'usage d'un papier extrêmement fin ( histoire de bien tasser les 800 pages du livre) mais également granuleux, ce qui a souvent pour effet de garder collées ensemble deux pages. Et les séparer, même avec la technique du pouce humecté, n'est guère aisé.

jeudi 9 février 2012

Mauvaise soupe de tortue.


Tous les enfants nés dans les années 80 connaissent les Tortues Ninja. Et par corolaire, tous les parents de ces enfants connaissent également ces charmants reptiles adeptes des arts martiaux japonais.

Au départ pourtant, rien ne laissait penser que nos amis à carapaces allaient envahir le monde et laisser une empreinte importante dans la pop culture. Tout commence lorsque Frank Miller réinvente Daredevil. Il introduit dans le monde du diable de Hell's Kitchen plusieurs nouveaux éléments comme une noirceur de polar, une violence plus prononcée et une ambiance ninja qui résulte de l'amour de Miller pour le Japon et les mangas. Ainsi, Daredevil affronte une organisation criminelle baptisée " La Main " ( The Hand en V.O ).

Deux amis, trouvant que le tour pris par tête à cornes est quelque peu appuyé, décident de pasticher l'univers de Frank Miller. Leur histoire commence alors qu'un jeune garçon sauve un aveugle d'une collision avec un camion transportant des produits toxiques. Le camion fait une embardée, le jeune homme est aspergé…mais du produit s'écoule dans les égouts et vient entrer en contact avec 4 bébés tortues et un rat. Le produit a un effet mutagène et les 5 animaux deviennent peu à peu humanoïdes. Le rat, Splinter, a appartenu à un maître ninjintsu et inculque l'art ninja aux 4 tortues qu'il baptise du nom d'artistes de la renaissance : Léonardo, Michelangelo, Donatello et Rapahaël ! Très vite, ils sont confrontés à l'organisation criminelle " The Foot " ( the hand, the foot, vous suivez l'allusion ?). Dépassé par le succès, les auteurs lancent une série régulière et très vite les tortues sont déclinées sous diverses formes ( trois séries télévisées dont deux animées, 4 films dont un très fun en images de synthèses, des jouets,etc…) une véritable manne financière.

20 ans plus tard, la turtle mania est finie mais elle reste dans les esprits. Et comme les droits ont été revendus pour une nouvelle série animée, il était évident que les reptiles allaient re-pointer le bout de leur bec dans les comics. Un comic book est donc lancé qui reprend l'histoire à zéro…et là c'est le drame mesdames et messieurs. L'horreur sans nom qui a frappé mérite d'être exposée ici.



Tout d'abord, en lieu et place d'une légère modernisation, c'est bel et bien une refonte TOTALE du concept qui est ici proposé. L'histoire commence de nos jours avec une bagarre entre un gang mené par un chat géant ( bon si on accepte de voir un rat et des tortues anthropomorphes, le chat ne choque évidemment pas plus que ça ! ). Les tortues ne sont que 3, Raphaël ayant disparu. Pour savoir comment nous avons droit à un flashback d'un an et demi en arrière se situant dans un laboratoire de recherche. Splinter est un rat de labo qui a subi des expériences sur sa psyché ( ouille), les 4 tortues sont des sujets de recherches ( re-ouille) et une certaine April O'Neil trouve marrant de les prénommer comme nous les connaissons.

Bref, je vous passe les détails mais bien entendu nos charmants animaux vont se transformer. Et en moins de deux, devenir adultes. En moins de deux ans les voila maîtres en arts martiaux sans qu'on sache le moins du monde comment Splinter a su les entraîner ( bon là Ok c'est le début, il y aura sans doute une explication) et surtout comment il a su en faire des experts en un si court laps de temps ! La version originale de l'histoire nous narre quand même que les tortues ont mis 15 – 16 ans à devenir celles que nous connaissons et là emballé, c'est pesé ! Mais ce n'est certes qu'un ronchonnement de fan trahit.



Entre un scénar écrit avec les pieds (coïncidences heureuses, suspense à deux balles sur le sort de Raph', résolution naïve, clins d'œil aux fans en formes de majeur tendu, et j'en passe) et des dessins approximatifs, pauvres en décors et colorisés par un gamin de maternelle, n'en jetez plus la coupe est pleine. Merci d'avoir souillé un concept aussi fun , sympa ! Une purge, ni plus ni moins !

samedi 4 février 2012

Boucherie chevaline.


Alors que Wetta ( la compagnie d'effets spéciaux de Peter Jackson) mettait les dernières touches de pixels à son Tintin, Steven Spielberg repassait derrière la caméra pour réaliser " War Horse ", que le synopsis tente de nous vendre comme un " Saving Private Ryan " se déroulant durant la 1re guerre mondiale. Bien entendu, il en va tout autrement.

Nous sommes en Angleterre, au début du XXme siècle. Ted Narracott est un fermier avec un sérieux problème d'alcool qui a du mal à payer son loyer. Aux enchères, par orgueil, il achète un cheval à un prix trop élevé…un cheval de course demi-sang alors qu'il avait absolument besoin d'un cheval de labour. Son fils Albert est chargé de le dresser pour réussir à en tirer quelque chose. Mais alors que le jeune homme apprivoise la bête qu'il nomme Joey, l'Angleterre entre en guerre. Rongé par les dettes, Ted n'a pas d'autre choix que de vendre Joey à la cavalerie anglaise. Albert est dévasté et Joey part au combat !
Le synopsis officiel précise qu'Albert monte une expédition de secours. C'est faux, comme je le disais, nous ne sommes pas dans " Il faut sauver le cheval Joey ". Ce n'est pas un film de guerre mais un film qui se déroule durant la guerre, subtile nuance. La meilleure preuve est sans aucun doute qu'il faut attendre plus d'une heure avant de voir un casque allemand à pointe.

On pourrait penser qu'avec une telle histoire, une amitié indéfectible inter-espèce, Spielberg allait nous jouer du conte de fée, genre dont on l'accuse souvent d'être partisan (alors que si on y regarde bien, à part " Hook ou la revanche du capitaine Crochet ", a-t-il vraiment traité du sujet ? Non. Mais bon, c'est sans doute " conte de fée " que d'avoir un point de vue souvent optimiste dans le monde de cyniques d'aujourd'hui). Alors qu'au final, le film est plus que cela. C'est une mosaïque d'émotion peuplée de personnages tous plus différents les uns que les autres. Joey passera de propriétaire en propriétaire durant la guerre et c'est surtout leurs histoires qui nous sont contées. Joey servant de " prétextes " pour passer d'une histoire à l'autre. Et il fallait tout le talent de mise en scène d'un Spielberg pour que le passage d'un segment à l'autre ne soit pas artificiel. Une fluidité presque parfaite fait que l'on passe d'un héros humain à l'autre sans le moindre souci.
Il n'est pas difficile de voir ce qui a plu à Steven Spielberg dans cette histoire. Bien entendu on retrouve son éternel thème de la perte de l'innocence traité ici de divers angles. Que cela soit celui d'Albert qui apprend la vie, ou celui de la cavalerie anglaise qui se réveille et réalise qu'on ne gagne pas une guerre moderne avec des usages dépassés (sabre à la main sans armes à feu) en passant par une fillette perdant ses illusions…Spielberg oublie aussi en chemin le manichéisme inhérent à ce genre de films , ce qui renforce d'un coup son propos depuis le début de sa carrière : parler de l'humain, quel qu'il soit ! Car c'est l'humain qui est au centre de son cinéma et ce depuis ses débuts. Mais depuis des années il donnait l'impression d'être devenu un humaniste ayant perdu foi en l'humanité. "War Horse" donne tort à cette affirmation.




Et il y donne tort avec brio. Car un défaut majeur s'est glissé dans le scénario : des dialogues pas vraiment au top. Rien de grave mais certaines répliques sonnent faux. Faisant fi de cela, Spielberg filme son métrage en y mettant toute son expérience, et ça paye bien évidemment. Comment vraiment faire attention aux dialogues quand la mise en scène, la direction d'acteurs, la préparation des images sont si puissants que le discours passe par le ressenti du spectateur ? Mieux, maîtrisant le hors-champ comme personne, Spielberg crée une fresque guerrière où la mort rôde sans qu'on ne la voie. Contrastant fortement avec les séquences où celle-ci est montrée frontalement (pas un conte de fée je vous dis ! ) Que cela soit dans le drame, la comédie (l'oie de la ferme est un ressort comique convenu mais qui fonctionne à tous les coups ! ) ou bien entendu les séquences de pure action guerrière ( dont un morceau de bravoure hippique et nocturne en plein no man's land  qui prend aux tripes comme rarement une scène d'action vous aura pris aux tripes).


Un cocorico, puisque l'actrice Céline Buckens est une petite Belge. Après Tintin,voila que tonton Steven vient nous piquer nos acteurs, c'est pas beau la vie ? 

Tout résonne dans le spectateur pour que celui-ci semble faire partie prenante de l'histoire. Impossible de ne pas éprouver de l'empathie pour les protagonistes ( et je ne parle pas que des humains…alors que le cheval n'est pas particulièrement un animal que j'apprécie en dehors de mon assiette) à tel point qu'un bruyant couple d'ados à qui il fallait demander de la fermer en début de séance s'est retrouvé muet et sanglotant à la fin de la projection. Une fin dont les tons de couleur rappelle les vieux westerns, ceux où il n'est nul besoin de paroles pour comprendre ce qui passe entre les personnages. Quand je vous le disais que les dialogues on s'en cogne dans ce film !



Le film est nominé dans la catégorie " Meilleur film " aux Oscars et cela se comprend…ce qui est incompréhensible par contre c'est que Steven Spielberg ne le soit pas dans la catégorie "meilleur réalisateur". Comment peut-on réalisé un candidat au poste de meilleur film si l'on n'est pas soi-même en lice pour celui de meilleur réalisateur ? L'académie des Oscars a décidément un problème avec Spielberg et ça ne date pas d'hier.