mardi 31 janvier 2017

Ils vivent la nuit.

4 Ans après avoir reçu l’Oscar du meilleur film pour Argo, Ben Affleck, le nouveau Batman, le ressuscité d’Hollywood (et dans des bons films en plus) : revient devant et derrière la caméra avec Live By Night, adaptation d’un roman de Denis Lehane ( déjà auteur de Gone Baby Gone , lui aussi adapté par Affleck lorsqu’il a commencé sa carrière de réalisateur ).
Retour donc à Boston pour Benny puisque sa ville natale lui avait déjà par le passé servi de décor ( Gone Baby Gone et The Town ) et retour au polar/film de gangster. Il y a fait ses gammes, il connaît la musique.

Lorsque Live by night est paru, un joli bandeau enserrait le roman avec une citation du maître du suspens himself, Stephen King ! Notre bon Stephen arguant qu’il s’agissait là de la meilleure histoire de gangsters depuis Le Parrain. Avec tout le respect que je dois à Stephen King, avait-il lu le roman ou bien faisait-il plaisir à un ami en lâchant cette phrase aussi pompeuse que fausse ?

Mais reprenons du début, vous risqueriez de croire que le film est mauvais.
Joe Coughlin est le second fils d’un policier haut gradé de Boston. Nous sommes dans les années 20 et la prohibition règne aux USA. Le trafic d’alcool est l’une des plus grosses ressources financières des différentes mafias en place. Joe ,quant à lui, se contente de braquages : un hors-la-loi mais pas un membre de gang. Les choses se compliquent lorsque sa petite-amie, maîtresse du chef de la mafia irlandaise, et lui-même ne se font pas assez discret.

Un petit truand, un grand bandit et une femme « fatale ». Rien de très original ou nouveau par ici. Et c’est le principal reproche que l’on pouvait faire au roman : aussi bien écrit, prenant, et joliment ciselé, l’histoire de Lehane suivait les codes du genre jusqu’à en faire un catalogue dudit genre.
Affleck a beau, en tant que seul scénariste (il avait toujours été co-scénariste sur ses autres films, sauf Argo entièrement écrit par son ami Chris Terrio que l'on retrouva d'ailleurs sur Batman v Superman ), faire quelques petits réglages (et sabrer toute une période initiatique en taule, la faute à un ajustement de l’historique du personnage pour coller plus ou moins à l’âge de Ben Affleck, trop vieux pour jouer le Joe du roman), il reste collé à la trame du livre et n’échappe donc pas aux travers du récit de base.



Mais dans ce jeu très balisé, il reste tellement de bonnes choses.
Premièrement, les unités de lieux qui influent sur la tonalité du métrage. Alors que Boston est une ville du crime au même titre qu’un Chicago , Tampa en Floride est une ville plus calme sans pour autant être plus saine. Alors que la première partie du film , grisâtre et froide , accumule les scènes d’actions et de suspens, la seconde partie, lumineuse et colorée, s’attarde avant tout sur l’ascension de Joe au sein de la mafia italienne, tout irlandais qu’il est.

Car Affleck a saisi que la grande force du roman de Lehane, c’était ses personnages très travaillés et l’intrigue de politique interne et externe qui est le lot des chefs de gangs influents.
Dans des reconstitutions d’époque  ( une valeur sûre chez Affleck qui avait déja fait le coup sur Argo ) qui nous plongent en plein dans les années précédant et suivant le jeudi noir, Affleck fait vivre ses personnages, surtout le sien.
Les scènes de baston sont expédiées par un montage elliptique car elles ne sont que les conclusions sanglantes (et donc laissées aux mains des acolytes) des décisions de Joe. Ce dernier n’ayant pas dans l’âme l’envie de se salir les mains (ou les costards ) avec l’hémoglobine de ses opposants.
Des opposants divers et parfois improbables ( comment une jeune femme prêchant sous une tente peut-elle menacer la mafia ? Hé hé ) qui vont des gangs adverses aux membres du Klu Klux Klan peu heureux de voir le crime organisé être en partie aux mains de cubains noirs ! ( le crime tout court par contre, ils vont pas y être des masses opposés, tu m’étonnes ).
Mais tout caractérisés qu’ils soient, les personnages secondaires sont très en retrait. Le roman était écrit du point de vue de Joe, le film se construit sur ce même schéma. Dès lors, le casting canon est un peu sous-employé .Et pourtant Affleck charrie des pointures connues ou reconnues. Et à qui il tient parfaitement tête ( et oui, il a joué dans tant de navets qu’on avait tendance à oublier que le grand pote de Matt Damon savait lui aussi jouer la comédie: mais revoyez Daredevil bon sang, il est le seul à vraiment tirer son épingle du jeu ! Enfin, croyez-moi sur parole et ne vous infligez pas ce film.Retapez-vous Gone Girl ou The Accountant/Mr Wolff.).




Si les parties calmes n’atteignent pas le niveau de subtilités des joutes en coulisses de Game Of Thrones ou de House Of Cards, elles se laissent suivre avec plaisir jusqu’aux séquences finales plus musclées et dures. La réalisation d’Affleck reste lisible et fluide ( il s’améliore à ce niveau de film en film) mais par trop classique. Sans véritable génie visuelle (et ce malgré certains plans tout à fait flatteurs pour la rétine ), Affleck se contente d’être un réalisateur sérieux et appliqué qui ne livre peut-être pas le grand film de gangsters escompté ( on préférera chopper ça et là quelques films de Michael Mann sur le sujet, comme Heat ou Public Enemies ) mais un solide divertissement plus profond que nombre de films jouant sur le côté cool du crime mais qui ne gratte pas assez ses sujets porteurs ( le racisme, la mixité de l’Amérique, la grande dépression).



Le principal défaut du film étant sans doute que l’on sent que telle une graine qui a germé, la plante qui a poussé n’a pas la gueule d’un chêne centenaire mais d’un petit arbre de jardin. Suffisant pour lire sous son feuillage en été mais pas assez pour s’amuser à l’escalader et l’explorer.
Un film mineur dans la filmo de son réalisateur qu’il serait pourtant malvenu de louper.

vendredi 27 janvier 2017

Bleue d'elle-même

Bleue Van Meer est une adolescente au parcours scolaire atypique. Orpheline de mère , elle a vu son
père , brillant universitaire, décider de devenir professeur itinérant.
Elle n’a jamais terminé une année scolaire dans une même école et sa vie ainsi qu’une partie de son éducation culturelle et intellectuelle s’est déroulée dans la voiture familiale, où la figure paternelle a mis en place une structure d’école péripatéticienne sur roues.
Mais alors qu’il ne reste qu’un an avant l’entrée de Bleue à Harvard ( chez les Van Meer, on ne vise pas l’excellence, on la définit ) , « Papa » décide de poser ses valises pour la durée de la fin de scolarité de sa fille.
Un peu de stabilité avant le grand saut.
C’est donc dans sa nouvelle école – encore une , que Bleue va devenir la protégée de Hannah Schneider, professeur de cinéma et qu’elle intégrera la bande des «  Sang bleu », groupe d’ados triés sur le volet par Hannah et qui gravite autour d’elle comme des papillons de nuit autour d’une bougie.
Une bougie qui va s’éteindre en cours de route, le début du roman nous annonçant la couleur de suite : Hannah va mourir au cours de l’histoire que vous allez lire.




La physique des catastrophes est le premier roman de l’auteure américaine Marisha Pessl.
En mélangeant récit initiatique et thriller policier, tous les éléments étaient réunis pour accoucher d’une resucée d’un épisode à thème de «  Dawson’s creek » ( si vous frissonnez d’effroi à la lecture de ces mots , je compatis : pensez à mes doigts quand il a fallu les taper, mes mains en tremblent encore ).
Mais par la grâce du talent et de la rigueur d’écriture, il n’en est rien. C’est même l’exact opposé.
Et pourtant, Pessl ne fait pas dans la facilité pour nous faire entrer dans son roman !
Bleue Van Meer est une petite madame « je-sais-tout » qui peut être crispante et antipathique.
Écrit à la première personne et présenté comme l'autobiographie de Bleue, nous voila assaillis par des tonnes de références culturelles différentes ( les chapitres portent tous un titre d’œuvre : cinématographique, littéraire, etc… ) , à tel point que l’on peut craindre de la part de l’auteur la rédaction d’un catalogue plus que d’un roman. Cela serait une grave erreur de penser une telle chose. Pour renforcer l'idée d'un journal intime poussé dans les retranchements de l'écriture littéraire, Pessl inclut dans son roman des dessins ( supposément de la main de Bleue ) illustrant certains souvenirs et situations vécues par l'adolescente (la petite sait écrire ET dessiner...quand je vous dis qu'elle peut sembler crispante par son talent et sa perfection de façade).


Marisha Pessl. Elle aurait pu être mannequin, elle a préféré écrire des romans. On a tellement gagné au change, si si !

Car la collision entre cet enfant particulière et les figures clichées de la bande des Sang-bleus ( ados rebelles sans autre cause que d’être des rebelles ) , qui lorgne vers la structure connue du vilain canard qui devient cygne est ici tordue, pervertie. Les passages obligés ne sont là que pour signaler, de plus en plus, que quelque chose cloche. Un détail, au bon moment, au bon endroit finit par s’accumuler avec d’autres, créant une tapisserie délicate et subtile qui n’apparaît vraiment qu’à partir des ¾ du roman, pour vraiment s’exposer dans son immensité sur la fin. Car au fil des pages, les masques craquent, les digues cèdent, les apparences et les mensonges s'évaporent ...tout en laissant suffisamment le lecteur dans un certain brouillard. Ce que certains percevront sans aucun doute comme une arnaque...comment considérer comme une arnaque le fait de laisser au lecteur le soin de faire fonctionner ses petites cellules grises ? Pour les lectures fast-food, repassez plus tard !
Un travail d’orfèvrerie littéraire qui se dévore comme un page turner ( 900 pages en un week-end, pas loin d’être un de mes records ) et abordant, par la bande ou en prise direct les mythologies américaines modernes ( les petites villes tranquilles où tout le monde se connaît - et se surveille , les "crises adolescentes " tellllllement importantes jusqu'au spectre des groupes intellectuels de lutte anti-gouvernement : une pâte feuilletée faite d'encre et de papier ).

Marisha Pessl signe un roman agréable, exigeant sans être pontifiant et terriblement addictif. Que demander de plus ?

lundi 23 janvier 2017

Premiers contacts.

« Les mots sont les passants mystérieux de l’âme. »
Victor Hugo.


Depuis l’aube de l’humanité, l’homme se demande s’il est seul. Les dieux antiques répondaient en quelque sorte à cette question. Même si une personne commune ne risquait pas d’en croiser un, il croyait qu’ils étaient là.
Plus tard, au fil des découvertes scientifiques majeures ayant redéfini notre place dans le cosmos, l’être humain s’est posé la question : sommes-nous seuls dans l’univers ?
Voire même plus , avons-nous eu des contacts avec eux au fil du temps ? C’est la théorie des anciens astronautes.
Théorie certes amusante mais qui remet en question le génie de l’homme (et pour un humaniste comme votre serviteur, ça passe mal).


De nos jours, telle sœur Anne, nous ne voyons toujours rien venir. Mais cela ne nous empêche nullement de nous poser la question d’un contact avec des êtres venus d’ailleurs allergiques au David Vincent et inversement. Nous laisserons les théories sérieuses à des grands esprits comme Stephen Hanwking et nous aborderons ici la science-fiction ( genre auquel appartient le film qui nous intéresse à la base dans cet article ).




Preuves archéologiques de visites alien ou expression artistique?


Les films Indiana Jones and the kingdom of the crystal skull et Prometheus abordent le sujet des premiers astronautes. 

Bref, avant de nous attaquer à Arrival, et si nous revenions sur la xénolinguistique à travers les âges de la SF ?

La xénolinguistique, matière fictionnelle , consiste à apprendre les langues aliens, leurs axiomes et syntaxes.  En effet, comment croire que des entités extra-terrestres parlent un anglais parfait comme dans les films ou les séries télévisées d’avant et pendant les années 60 ? Évidemment, certains scénaristes, pour colmater ce trou béant de cohérence, auront l’idée de prétendre que les protagonistes possèdent un traducteur universel qui permet de communiquer sans barrière de langue avec des populations aliens. Posant la question «  Comment diantre un tel traducteur peut-il exister et fonctionner face à des langues qu’il n’a jamais rencontrée ? ». Star Trek ( la série ), utilisait abondamment ce procédé.
Ce n’est qu’à partir du 3éme film inspiré par la série que la langue Klingon sera mise au point et intégrée depuis à chaque épisode se référent à cette race extra-terrestre.
Car des êtres nés en dehors de notre planète auront forcément une langue différente voire peut-être même des moyens de communications tout autre que ceux sur lesquels nous nous basons ( les fourmis communique  par phéromones : on serait un peu perdu face à des aliens usant de cette forme de langage ).

Pourtant, et personne ne semble soulever la question du pourquoi , les Kryptoniens des films et même bande-dessinées Superman, parlent un anglais impeccable (et se payent même le luxe d’apprendre nos autres langues à une vitesse phénoménale : revoyez Man of Steel ). Il est donc ubuesque que, récemment, lorsque Superman découvre sa cousine captive d’animation suspendue, il la rassure en…kryptonien.


Alphabet de krypton créé pour le film Man of Steel.


À tout seigneur, tout honneur, c’est donc avec un monument de la culture populaire que j’ouvre le bal : Star Trek. Surtout pour rappeler que le titre du film Premier Contact était déjà un titre porté par un Star Trek. Qui racontait, en gros, comment les humains avaient fait leur première rencontre du 3éme type en voyant un vaisseau Vulcain atterrir sur Terre. Aucune explication n’est donnée sur comment ils ont papoté autour du feu ( les Vulcains des films adorent parler anglais mais ils est souvent répété qu’ils ont une langue qui leur est propre, fort proche de celles des Romuliens dont ils sont cousins).  Bref, Premier Contact est un film Star Trek et je ferai référence au long-métrage de Dennis Villeneuve sous son titre original : Arrival !




En 1977, un jeune réalisateur écrit et réalise un film de SF traitant de la rencontre avec des OVNI : Steven Spielberg sort Rencontres du 3éme type ! Un monument encore trop souvent méconnu du grand public ( la même année, Star Wars d’un certain George Lucas marque bien plus les esprits et l’histoire du cinéma…et du marchandising à long terme).



Spielberg imagine un moyen de communication aussi visuelle que sonore pour entrer en contact avec nos visiteurs d’outre-espace : des lumières et de la musique, 5 notes qui ont marqué l’histoire du cinéma. Pour synchroniser le tout, un synthétiseur fait office d’instrument de musique et chaque touche est reliée informatique à un écran d’affichage lumineux.
Des années plus tard, cette idée originale sera comprise par Spielberg lors d’une interview. Steven Spielberg a toujours très mal vécu le divorce de ses parents ( et sa filmo est remplie de familles monoparentales, de couples qui se séparent, etc…). Sa mère était pianiste. Son père, informaticien. En créant ce mode de communication, il « réconciliait » inconsciemment ses deux parents.  ( notons qu’en musique, un langage très émotionnel d’ailleurs, certains passages s’appellent une question et son suivis d’une réponse ).
Bien entendu, les 5 notes ne sont qu’un début, un HELLO adressé tant aux visiteurs qu’à nous-mêmes lorsque le vaisseau géant émet lui aussi un show son et lumières à notre intention.



5 ans plus tard, tonton Steven continue d’explorer ses thèmes favoris avec E.T l’extra-terrestre.
E.T, un alien intelligent ( c’est un savant en mission de prélèvement botanique après tout ) apprend très vite à parler un anglais scolaire et à faire comprendre ses intentions : rentrer chez lui et construire un « téléphone », l’outil par excellence des années 80 pour vite entrer en contact avec nos semblables. Les problèmes de communication qui peuvent créer des quiproquos , ou pire,  sont des enjeux primordiaux chez le grand barbu ainsi que de trouver des résolutions à ces soucis.  Pour communiquer et se faire comprendre, E.T apprend, et vite.



À l’opposé du pacifisme des extra-terrestres spielbergiens ( exceptions faites de La Guerre des Mondes) , Ridley Scott , avec Alien et Prometheus , propose deux approches différentes.
En 1979, c’est le langage non-verbale mais visuel. Non pas que l’alien veuille parler mais son look et sa gestuelle communiquent clairement ses intentions meurtrières.
Dans Prometheus, au contraire, l’androïde David étudie durant deux ans les langues humaines dans l’objectif de les déconstruire , de revenir à des sources antédiluviennes pour avoir un maximum de chances de comprendre et de parler avec les « ingénieurs ».

Il n'est pas là pour parler, ça se voit.




Apprendre la langue de l’autre, c’est aussi une des thématiques d’Avatar. Chaque camp ayant compris que c’est pas la communication qu’il y a une chance de co-existence, Na’vi et humains apprennent la langue de leurs peuples.
Notons que dans Abyss, toujours de James Cameron, les extra-terrestre ont semble-t-il étudié l’humanité assez longtemps pour décoder leurs langages et sauvent Ed Harris après qu’ils aient intercepté un message où ce dernier lançait un message d’amour à sa femme.  Ce point est d’autant plus important que, dans la version longue du film, ces mêmes créatures , capables de manipuler l’eau, ont créé des tsunamis artificiels prêts à être déversé sur la planète comme un glaive vengeur. Comprendre nos messages à permis de sauver le monde.







Dans Contact, de Robert Zemeckis, les aliens semblent apprendre l’anglais d’eux-même pour entrer facilement en palabres avec le personnage incarné par Jodie Foster. Ils nous observent depuis un moment et ont été pro-actifs.
Idem pour les Transformers des films de Michael Bay qui apprennent les langues du monde lors de leur entrée dans notre atmosphère en…surfant sur le web.
Le Predator du film éponyme quant à lui, écoute énormément les humains mais comprend la puissance ironique du rire. Il ne se privera pas de rire avant de déclencher une bombe pour éradiquer son adversaire. Qui pigera bien entendu toute la symbolique d’un tel son.


Le principal soucis, qui n’en est pas un durant la lecture ou le visionnage d’une œuvre de fiction ,  c’est que tout découle au final d’esprit humains. Nous créons des langages et des modes de communications fictifs qui sont probablement à l’opposé de ce à quoi nous pourrions avoir à faire dans le cadre d’une rencontre extra-terrestre. Nous avons une question insoluble, pour l’instant, et nous cherchons des réponses toute fictionnelles qu’elles soient. Ce qui amènent les auteurs à aller de plus en plus loin dans les idées, à puiser de plus en plus dans les théories sur les langues et le langage.

C’est probablement en se posant des questions de ce type que l’auteur Ted Chiang accouche de la nouvelle Story of your life, adaptée dans le film Arrival.
Ceux qui ont vu le film comprennent sans doute aisément pourquoi le titre de la nouvelle est celui-là et que le double sens du mot Arrival, dans le contexte du film, aurait pu passer également en français. Le titre premier contact enlevant toute dimension linguistique un peu plus poussée et réflexive. Mais bon, je hurle sur les conneries répétées des distributeurs français qui se loupent 99 fois sur 100.

12 vaisseaux aliens arrivent sur notre planète bleue. Leurs positions sur le globe échappent à toute logique humaine. Louise Banks, experte en linguistique, est appelée sur le site américain pour tenter d’entrer en communication avec les extra-terrestres et comprendre leurs intentions, par le colonel Webber. Le colonel a aussi fait appel à un physicien reconnu, Ian Donnelly, pour percer certains mystères technologiques entourant les coques, surnom des vaisseaux en raison de la forme particulière de ceux-ci.



Détenteur d’un prix de la mise en scène à Cannes pour Sicario, Dennis Villeneuve ne démérite pas dans ses choix artistiques et sa direction d’acteurs (même si, à mon sens, le vainqueur de l’année reste Park Chon-wook pour Mademoiselle/The Handmaiden qui livrait une orfèvrerie réglée  comme du papier à musique diabolique. Le diable est dans les détails et je soupçonne le réalisateur coréen d’avoir passé un pacte faustien avec le premier déchu ! ).
D’aucuns lui ont reproché de faire du sous-Nolan avec ce film, je répondrai par la négative.
Des similitudes évidentes entre les approches nolaniennes sont indéniables mais, même si Nolan est l’un de mes réalisateurs préférés, il n’est pas dépositaire absolu de techniques de cinéma qu’il utilise et qui furent utilisée avant lui. Ce sont des jouets qu’il aime et dont la maîtrise technique lui est acquise mais le montage en parallèle, le minimalisme réaliste et les techniques narratives créant un cœur émotionnel ne sont pas sa chasse gardée. Villeneuve, d’ailleurs, en use de manière différente alors vous voyez…
Villeneuve convoque notre mémoire cinéphilique avec ce film. Que sont les coques, si ce n’est une autre version du monolithe de 2001 ? Chacun de ses objets à un impact sur l’espèce qui entre en contact avec elle  (les premiers hominidés de 2001 découvrent comment créer un outil, les coques proposeront autre chose de tout aussi intéressant ) et qui fait évoluer l’espèce en question vers un nouveau stade d’appréhension du monde qui l’entoure !

Et le monde qui nous entoure, Villeneuve va en faire une critique qui tient finalement de la simplicité (et non du simplisme ) , et la simplicité est la sophistication extrême si l’on en croit Léonard de Vinci ! En forçant l’héroïne ( notre prise émotionnelle en tant que spectateur ) à apprendre un langage différent et à appréhender le monde différemment ( il est désormais prouvé par les neurosciences que selon le langage que nous utilisons, différents zones du cerveau fonctionnent et cela influe sur nos perceptions ) , il y a là un parallèle évident entre l’arrivée des migrants ces dernières années qui restent grandement incompris car qui apprend à leurs parler ? Ou à vraiment parler avec les autres peuples ? Les comprendre est un début pour créer plus de ponts et briser plus de murs ( ces murs qui vont pousser en nombre ces prochaines années ). La géopolitique devient un enjeu majeur du film.  Sans manichéisme, le film dévoile les faits et les gestes, le noir et le blanc des postions de chacun.

Dennis Villeneuve propose également des propositions de cinéma, comme lorsque l’on découvre, avec Louise et Ian, les heptapodes ( 7 pieds ). La rencontre se déroule derrière une vitre séparant l’atmosphère viable des aliens de notre atmosphère. Il se trouve que derrière cette glace de verre, l’air est chargé de fumée…blanche. Cette vitre ressemble à s’y méprendre à un écran de cinéma cinémascope en attente de projection. Et que font les hepta une fois qu’ils ont compris que la communication verbale ne passera pas mais que l’écrit est la solution ? Ils projettent leur écriture sur la vitre. Quand le langage cinématographique technique devient un enjeu de narration !




Le cinéma est un langage mais surtout un multi-langage. Depuis ses débuts purement visuels à aujourd’hui, il a acquis de nouvelles couches : la musique, les sons, le parlant. Et chaque couche peut influer sur l’autre. Ainsi, un montage parallèle de Louise faisant son boulot ( en couleurs froides ) et vivant une vie de maman ( couleurs chaudes ) que tout le monde pense comprendre depuis le début du film grâce à une exposition roublarde et émotionnellement dévastatrice (le cœur émotionnel du film est là, dés le début et rappellera peut-être en filigranes celui d’Interstellar )peut se retrouver balayée par une simple phrase émise à haute voix.

Amy Adams incarne Louise Banks, et c’est un choix payant. Sa voix douce contraste avec la force de caractère et de détermination dont fait preuve son personnage. Actrice finalement peu connue du grand public qui la reconnait sans forcément savoir la nommer, elle porte sur ses épaules presque tout le film tant les rôles secondaires sont…secondaires ! Et pourtant , avec Jeremy Renner et Forest Whitaker , Villeneune n’est pas aller chercher des petits bras de la comédie. En scientifique renfermé et au final un peu lâche ( peu d’initiative couillues chez lui ), Renner s’offre un rôle plus nuancé et subtil que ces dernières années où il reste fortement englué chez Marvel (et encore, c’est l’un de ceux à tirer son épingle du jeu). Forest Whitaker évite le cabotinage grinçant pour camper un militaire ayant des impératifs militaires mais finalement assez loin de la caricature bornée et sous-intelligente que l’on présente trop souvent. Sa rigueur dans son travail trouve un écho dans la rigueur des autres personnages. Se sont des professionnels ayant des objectifs communs et parfois distincts mais qui acceptent ce fait sans trop chercher à s’emmerder les uns les autres.





Émotionnellement fort, intellectuellement stimulant même si , au final, le décryptage de la langue alien est vite résolu ( car tel n’est pas le vrai propos du film ) et peut un tantinet laisser sur sa faim ou perplexe,  Arrival est un film au sujet qui semble rébarbatif mais qui captive de bout en bout. La froideur d’un sujet de Kubrick alliée à la chaleur des sentiments de Spielberg. Le tout enrobé dans un emballage taillé sur mesure par un futur grand de la SF, monsieur Villeneuve nous revenant dès la fin de cette année avec Blade Runner 2049, la « suite » du film culte de Ridley Scott !






lundi 16 janvier 2017

Infinie et verdoyante

Robert Holdstock est un auteur anglais, malheureusement décédé en 2009, ayant écrit différents cycles de fantasy atypiques dans ce genre très codifié.
Point de monde parallèle ressemblant à une époque reculée puisée dans l'histoire de l'humanité. Non, son approche est différente.
Penchons-nous donc sur le premier livre du cycle de "La Forêt des Mythagos"…intitulé " La Forêt des Mythagos", tout simplement.

Steven et Christian sont les fils de Georges Huxley, un chercheur obsédé par les bois de Rhyope jonchant sa petite demeure, Oak Lodge. Délaissant femme et enfants pour s'aventurer dans les bois ou pour écrire dans son bureau, il s'éloigne d'eux au point que sa femme se laisse mourir d'une étrange maladie et que ses fils partent sur le front de la seconde guerre mondiale presque soulagés de quitter leur géniteur.
Steven, le plus jeune, est blessé et récupère en France. Son frère aîné est au pays et ils échangent épistolairement.
Chris annonce à Steve sa rencontre avec une jeune femme et son intention de l'épouser. Steven décide de rentrer mais à son arrivée, il découvre un Christian obsédé par la forêt, comme leur père avant lui, et nulle trace de sa belle-sœur.
Peu à peu, Steven découvre le secret des bois : cette antique forêt primordiale renferme le pouvoir de donner naissance aux mythes contenu dans la conscience populaire humaine. La femme de Christian était une mythago, un de ces êtres conçu autant par la forêt que par les humains qui s'y aventurent.
Les frères Huxley vont s'aventurer dans la forêt sur les traces de leur père pour des raisons et sur des chemins différents.

Récit à la première personne, le roman nous place dans les chaussures de Steven. Le mystère nous tombe dessus en même temps que sur lui et les réponses arrivent au compte-goutte. En poussant Steven petit à petit sur le chemin de l'aventure, Holdstock nous plonge dans la vie quotidienne de Steven , son retour au pays, sa vie ordinaire avant que le fantastique ne progresse dans sa vie par petites touches. Le tout va crescendo mais sans précipitations avant que notre héros ne se lance dans une quête à travers les bois qui n'aura rien d'une promenade de santé.
Une promenade qui leur fera affronter divers dangers mythologiques de différentes époques, spécialement des mythes ayant pu s'établir depuis le Grande-Bretagne (l'histoire de l'île est ici rappelée plusieurs fois, et quelle histoire) ou prendre naissance sur place. Et les mythes n'ont pas toujours forme humaine...

Avec un style so british et poétique par endroit ,l'auteur capte des ambiances, retranscrit des horreurs mais surtout, nous happe grâce à un sens du mystère et aux psychologies fouillées des divers personnages (et ce même alors que le récit nous est raconté par Steven : les gestes, les mots des autres protagonistes nous donne des indications précises sur ce qu'ils sont).
Refusant le happy-end facile et malmenant ses personnages, Robert Holdstock s'éloigne des attentes "classiques" des lecteurs d'aujourd'hui dans ce genre d'œuvre et se rapprocherait plus, à mon sens, du genre de fin que l'on retrouve dans les mangas et les anime japonais de Myiazaki ou Hosada.

Le cycle compte 5 livres qui ont l'air différents des uns des autres tant dans l'approche que dans les thèmes principaux. Le potentiel étant assez énorme, c'est salutaire que l'auteur ne semble pas vouloir réécrire toujours la même histoire ( à la différence de David Gemmel qui avait une certaine recette, très efficace et suffisamment altérée à chaque fois mais qui empêchait le lecteur exigeant de lire plusieurs livres de cet auteur les uns à la suites des autres sans finir par en avoir marre : et je dis ça en précisant que j'aime beaucoup ses ouvrages et qu'il a par ailleurs souvent changé cet état de fait lors de certains cycles, comme quoi ).

Un grand roman d'aventure à l'ancienne, très linéaire mais terriblement addictif, qui ne demande qu'à être redécouvert presque 40 ans après sa sortie initiale histoire de goûter à une fantasy atypique et différente de l'éternel moyen-âge dans lequel sont plongés nombres de romans ou films actuels sur le sujet ( et je ne crache pas sur un Seigneur des Anneaux ou Game of Thrones, loin de là ).

dimanche 8 janvier 2017

Mission : Impossible - Rogue Station.

Peu après le rachat de Lucasfilm par Disney, l’empire aux oreilles de Mickey avait fait savoir que non seulement de nouveaux épisodes de Star Wars arriveraient très vite mais, en sus , que des spin-offs verraient également le jour.
Une année après que la Force se soit réveillée, le premier film « indépendant » de la saga débarque sur les écrans du monde entier : Rogue One.

Rogue One prend sa source dans le texte introductif de l’épisode IV :

C'est une époque de guerre civile. A bord de vaisseaux spatiaux opérant à partir d'une base cachée, les Rebelles ont emporté leur première victoire sur le maléfique Empire Galactique. 

Au cours de la bataille, des espions rebelles ont réussi à dérober les plans secrets de l'arme absolue de l'Empire : l'Etoile de la Mort, une station spatiale blindée dotée d'un équipement assez puissant pour annihiler une planète tout entière. Poursuivie par des sbires sinistres de l'Empire, la princesse Leia file vers sa base dans son vaisseau cosmique, porteuse des plans volés à l'ennemi qui pourront sauver son peuple et restaurer la liberté dans la galaxie…

Rogue One va se donc se concentrer sur ces fameux espions rebelles et la première victoire des rebelles sur l’Empire de Palpatine. À la barre du navire, Gareth Edwards, jeune réalisateur au style visuel travaillé qui sort du reboot de Godzilla influencé par la carrière de Steven Spielberg ( il y a pire référence en ce monde). Et tout comme tonton Steven, Gareth Edwards aime les histoires humaines : son premier film, Monsters , se focalisait avant tout sur la relation entre ses deux protagonistes. Godzilla restait souvent à hauteur d’homme pour augmenter la puissance symbolique des éléments déchaînés sur la civilisation occidentale…et puisque l’aventure qui se joue est déconnectée des impératifs des épisodes numérotés, une certaine marge de manœuvre est possible pour le réalisateur. Qui ne va pas se priver.
Cela démarre dès les choix de réalisations d’ailleurs : J.J Abrams et ses suiveurs ont amorcé un retour au tournage sur pellicule ? Edwards utilise le nouveau bébé de chez Arriflex, l'Alexa 65 tout en y ajoutant un objectif Panavision. Résultat des courses ? Un cinémascope profond avec une netteté d’image maximum. De quoi s’amuser.

Malheureusement, le tournage ne sera pas de tout repos. Vous vous en souvenez peut-être , cet été de nombreuses rumeurs, de plus en plus référencées au fil du temps, ont fait état de reshoots, ces fameuses séances de tournages qui s’opèrent après le tournage principal dans le but de réajuster quelques raccords dans le plus petit cas ou de chambouler tout le film dans le pire. Mettons quelques points sur quelques « i » : presque tous les blockbusters actuels ont recours à ce procédé. Le Seigneur des anneaux ne fut pas avare en reshoots et personne n’a crié dans la presse ou sur le net (bon je sais, autre époque tout ça tout ça ) . Non, la crainte venait surtout du film Suicide Squad, reshooté&remonté à mort et sorti en salle au moment des rumeurs sur Rogue One. D’un coup d’un seul, reshoot devenait synonyme de «  ce film va être une merde ».

Plus les news sortaient, plus la panique s’installait , jusque ce moment fatitique où l’on apprit que Gareth Edwards ne tournait pas les nouvelles scènes mais le scénariste/réalisateur Tony Gilroy.
Pour le grand public, qu’un autre cinéaste travaille sur le film revenait à dire que Disney dépossédait Edwards de son bébé. MAIS ! Un réalisateur, c’est comme un capitaine de bateau , il dirige mais n’est pas à la barre du navire. Gilroy est un ami de Edwards, il avait déjà apporté son aidé non-créditée sur Godzilla et est impliqué de manière plus officielle ici.
Pendant que Gareth gère une post-production imposante, Tony écrit, corrige et retourne quelques scènes. Mais ces changements dans le cœur de l’histoire, dans le montage et le rythme auront raison de la patience d’Alexandre Desplats qui quittera le processus de composition de la B.O.
Il sera remplacé au pied levé par Michael Giacchino qui aura la lourde tâche de rendre sa copie en moins de 8 semaines.

Giacchino est un choix logique mais tardif , il avait déjà tâté du space-opera dans les trois derniers Star Trek, dans John Carter et Jupiter Ascending. S’il ne compose pas ici sa partition la plus aboutie, il arrive cependant à enter dans les souliers de John Williams sans trop de soucis ( j’écoutais sa B.O quand j’entendis ma mère me dire «  Ça c’est du John Williams ! » ).
Une année chargée et un temps d’écriture réduit n’auront pas aidé le compositeur à explorer plus avant le nouvel univers dans lequel il aura été invité pour faire mumuse. Dommage mais peu dommageable.

Ces petites précisions étant apportées, entrons donc dans le vif du sujet.
Jyn Erso , incarnée par Felicity Jones , est la fille de Galen Erso, scientifique impérial qui travaille avec le directeur militaire Krennic sur L’Ètoile de la Mort, l’arme absolue dont l’Empereur avait fait entamé la construction dès la fin de La Revanche des Sith.
Mais les travaux ont pris du retard et Galen, las de son travail de mort, a pris la fuite. Retrouvé par Krennic et ses hommes, Galen voit sa femme Lyra abattue devant lui (le management par la force est une pratique courante dans les tyrannies). Jyn quant à elle s’enfuit.
15 ans plus tard, l’arme spatiale est presque prête, les phases de test sont imminentes et les rebelles apprennent , par l’intermédiaire du capitaine Cassian Andor ( Diego Luna ) , que Saw Gerrera, un extrémiste anti-empire détient un message de Galen Erso.
Pour entrer en contact avec Saw ( Forest Whitetaker en mode je cabotine en gardant la classe!) , la rébellion n’a d’autre choix que de retrouver sa pupille , Jyn, et de la convaincre de se joindre à la mêlée. Mais là où le jeune Luke Skywalker rêve d’aventures, la plus mûre Jyn ne cherche qu’à se fondre dans la masse et à rester en paix.





Je vous le disais plus haut, Edwards s’intéresse à l’humain. À l’être ordinaire face à l’extraordinaire. Pas de Jedi ici, juste des hommes et des femmes avec quelques compétences et basta !
En se concentrant sur ce versant de la guerre ,les opérations spéciales d’espionnage et les attaques éclairs, Edwards nous dévoile des destins inconnus auparavant et qui ont permis à des gars comme Han Solo et Luke Skywalker de briller et de récolter des honneurs prestigieux ! Pas de médailles pour les black-ops, juste la reconnaissance morale du travail accompli et une étoile anonyme gravée sur le mur des vétérans.
Jamais les vaisseaux n’ont semblé si imposants, jamais une Death Star n’avait été filmée de si prés, rendant son gigantisme plus impressionnant que chez Lucas ( voir même plus flippante que la pourtant gigantesque Starkiller base de l’épisode VII ).
Et l’humain étant multiple, c’est à une guerre d’idéologies que nous allons assister. Alors que l’Empire est constituée d’hommes blancs en uniformes ( Lucas n’a jamais nié s’être inspiré des Nazis pour créer cette armée du mal ) , les rebelles sont mis en avant à travers des figures féminines fortes ( Jyn, entre autres ) mais aussi des ethnies différentes ( des acteurs asiatiques, un mexiquain, des aliens, etc…) : la diversité face à l’uniformisation !



Plus fort, en convoquant des figures symboliques comme celles des villes saintes ou des rebelles extrémistes ou priant la Force avant de se lancer dans la bagarre, le film évoque le terrorisme islamiste à travers le spectre cinématographique des rebelles !
Et c’est fort, parce que ce sont les gentils !
Le public ne remet pas en cause leurs actions et s’identifie à eux. Pour peu que ça fasse tilt (mais je suis toujours septique sur les capacités d’analyse du grand public ) , le film force le spectateur à revoir son rapport au monde actuel.
Mieux, en devenant la cible d’un boycott orchestré par les pro-Trump parce que le film est porté par une héroïne et des personnages non-blancs ( euh, ça en dit long sur leur vision du monde et comment celui-ci doit tourner : c'est pas que flippant, c'est répugnant et dangereux ), ce film de studio devient d’un coup un film politiquement engagé et contestataire du pouvoir en place !
Et ce n’est pas la première fois que cela arrive chez Disney (sans doute au grand dam des dirigeants quand ils se rendent compte de la chose après la sortie du film ) puisque John Carter était une critique du capitalisme sauvage !

"Une ville dans le désert occupée par des troupes militaires impérialistes. Selon Lucas, ça serait les Nazis dans Casablanca. Selon Edwards, ça ressemble aux troupes U.S en Irak. Les deux lectures se valent et ne s'annulent pas. Un film est aussi le reflet de son époque même quand il prend sa source dans les années 70."

Malheureusement, le film souffre d’un rythme haché et brouillon. Le premier acte multiplie les mises en situation et le métrage se rééquilibre petit à petit pour arriver, dans sa dernière partie à lâcher l’enfer sur l’écran. Multipliant les champs de batailles ( l’espace, le ciel, la base impériale, les alentours de ladite base ) , Edwards et son monteur offre un final dantesque , toujours lisible, toujours prenant et par moment arrivant à couper le souffle du spectateur.  Le crescendo guerrier et dramatique est total et c’est le cœur serré et au bord des lèvres que le film se termine…quelques minutes avant le début de l’épisode IV ! Un raccord presque parfait qui fait le lien de bien belle manière avec le film de George Lucas.




Rogue One n’est pas indispensable pour savourer la saga Star Wars , et inversement, mais c’est un putain de bon film de guerre et d’espionnage dans des environnements exotiques.  Et un manifeste politique évident pour qui sait regarder .



mardi 3 janvier 2017

Step Back in Time #1 : Il ne peut en rester qu'un

Here we are, Born to be kings, 
We're the princes of the universe, 
Here we belong, Fighting to survive, 
In a world with the darkest powers, 
And here we are, We're the princes of the universe, 
Here we belong, Fighting for survival, 
We've come to be the rules of your world,
I am immortal, I have inside me blood of kings, 
I have no rival, No man can be my equal, 
Take me to the future of your world






Les années 80, époque bénie et maudite du cinéma puisqu'elle a vu éclore les meilleurs concepts du média mais hélas pas toujours les meilleurs traitements de ceux-ci.

C'est le cas avec le film qui nous occupe aujourd'hui : Highlander.

Oh j'entends déjà des cris de vierges effarouchées parce que j'ose m'attaquer à ce film culte, mais, soyons honnêtes : voila un agréable divertissement qui n'a pourtant rien d'un chef-d'œuvre tant scénaristique que technique. Alors, pourquoi une telle aura presque ceinte des lauriers de la gloire ?
Je ne vais pas vous faire languir : parce que son concept a de la gueule et que les multiples suites et séries dérivées, toutes désastreuses, ont aidé à faire passer ce premier épisode de la saga pour bien meilleur qu'il n'était (placer une pizza surgelée fabriquée en usine à côté d'une merde pleine de mouche et vous verrez que la dite pizza semble d'ores et déjà bien plus appétissante).

Mais avant de sortir les sabres et de me couper la tête, pitié, relisez-moi : je n'ai jamais écrit que le film était mauvais. Il est de plus porté par un concept fort (bousillé par les suites mais la question n'est pas là).

Et pour les plus jeunes pour qui Highlander est synonyme de "à chier" et qui ne font que répéter ce que leurs aînés racontent, retournons un peu sur les traces du premier film.


Nous sommes venus de la nuit des temps, traversant silencieusement les siècles. Vivant plusieurs vies secrètes, combattant pour survivre, luttant pour atteindre le moment de la rencontre, quand les quelques rescapés se battront jusqu'au dernier. Personne n’a jamais su que nous étions parmi vous ... jusqu'à maintenant.





Connor Macleod est un immortel de plus de 400 ans.
Au fil des siècles et des époques, d'autres, immortels comme lui, sont apparus sur Terre et se livrent une bataille dont le point culminant aura lieu lorsqu'une poignée d'entre eux restera.
En duel singulier, les immortels recherchent à trancher la tête de leur adversaire pour recevoir le "quickening", une décharge d'énergie qui survient après la mort de l'un d'eux.
Le dernier immortel en vie recevra "le prix", dont la nature demeure un mystère mais une chose est certaine : l'essence du méritant aura un impact sur le reste de l'humanité lorsque celui-ci sera le dernier immortel sur Terre.

Donc, évacuons direct ce qui ne va pas dans tout ça et ensuite nous terminerons sur les bonnes notes.
Premièrement : le budget du film. 16 millions de dollars, c'est peu, surtout au vu de l'ambition de la chose. Traverser les époques, les batailles épiques, etc… cela a un coût et manifestement les billets verts n'ont pas assez suivi. La légende veut qu'énormément de passages aient été abandonnés par manque de moyens. La novellisation du film, sortie en 1986, contenait par exemple de multiples chapitres complètement absents du film et provenant sans doute du scénario, comme de nombreux retour sur la vie du Kurgan, l'antagoniste principal du film.
Nul doute que les capacités des immortels auraient été plus recherchées et plus impressionnantes ( peut-être plus proches de ce que l'on peut voir dans le troisième épisode ? ).
Leurs pouvoirs sont finalement assez limités : ressentir la présence de leurs pairs et guérir plus vite que Wolverine.
Les combats à l'épée, s'ils sont correctement chorégraphiés n'en restent pas moins un peu faiblards et, face aux standards actuels, lents et peu palpitants.




Le méchant est parfois méchant pour le plaisir de démontrer sa malice et sa malveillance envers les autres et ce guerrier ultime n'est finalement qu'une brute avec une grande science de l'épée, sans plus. Ce qui ne cadre pas vraiment avec ce qu'il est censé être, à savoir un guerrier redoutable, aguerri par des siècles de batailles : ce mec aurait dû finir financier, un requin face à un simple commerçant, éduqué certes mais qui joue dans les lignes blanches.
L'imagerie du gentil, devenu antiquaire nanti, et du méchant, punk en cuir, est d'ailleurs assez étrange voire idéologiquement choquante, comme si la contre-culture devait être éradiquée par l'idée que la société peut avoir de la "normalité".
On peut aussi se poser quelques questions sur les facilités de scénario (toute la relation entre Connor et Brenda en 1985 est assez étrange) et se demander ce qu'il faisait en Europe en 40-45 quand  tout le reste du film insiste sur le fait qu'il vit en Amérique du nord depuis au moins 1783.

La réalisation est souvent correcte mais sans plus.
Cependant, le réalisateur et le directeur photo semblent adorer les ambiances enfumées ou brumeuses et les jeux de lumière que cela permet, ce qui donne un cachet certain à l'image bien que le procédé soit répétitif.
Ensuite, certains effets de transition entre les époques ont été pensés en amont du tournage pour permettre de jouer avec le montage, ce qui démontre que non, le réalisateur n'est pas allé sur le tournage à l'arrache. Russel Mulcahy n'est peut-être pas un grand cinéaste mais il avait du dynamisme et des idées dans sa caboche et il s'en sort relativement bien avec un budget casse-gueule au possible pour un film nécessitant un grand nombre de costumes, de décors et d'effets spéciaux (L'arme fatale a coûté aussi cher mais n'avait pas besoin de tant d'éléments si particuliers).
De plus, venu du clip, Mulcahy va se servir de trucs et astuces bon marché pour sur-stimuler les ressentis du spectateurs ( caméra accrochée à un balancier, etc...) 
L'ouverture du film ce fait sur un match de catch et la foule est avide de violence : dans la foule, le jeu de lumière du directeur photo arrive à mettre en avant le personnage de Connor sans que l'impression qu'il soit mis en exergue par un effet de réalisation ne se sente : il est habillé comme les gens qui l'entourent mais il est clairement différent d'eux, cela est directement confirmé par les flashbacks qui assaillent soudain l'écran, une bataille moyenâgeuse dont on comprendra qu'elle est un souvenir pour le personnage.

There's no time for us
There's no place for us
What is this thing that builds our dreams yet slips away 
from us

Who wants to live forever
Who wants to live forever....?

When love must die

Les thèmes abordés sont assez novateurs au cinéma pour l'époque.
Alors oui, Anne Rice et ses vampires se lamentant de leur immortalité assurent dans les bouquins depuis les années 70, mais au cinéma (qui a toujours trois guerres de retard sur la littérature), c'est assez neuf.
L'immortalité peut donc être un fardeau (ou un prétexte à de l'humour lors d'un duel au 18ème siècle entre gentilshommes) et la chanson de Queen accompagnant la scène de la mort de la première épouse de Connor est très belle et très claire sur le sujet (mais du coup, le groupe sert presque à surligner la chose, ce qui donne à la chanson la même fonction que les passages chantés dans un Disney, la tragédie noire en plus).
Si les Immortels du film ne peuvent avoir d'enfants, cela n'était pas le cas dans les premières versions du scénario où Connor avouait avoir eu 37 enfants (et assisté à chacun de leurs enterrements, bonjour l'ambiance dépressive).



On se retrouve aussi en territoire défriché lorsque l'on croise des schémas narratifs connus et reconnus dont les racines remontent aux mythes anciens. Connor est un jeune homme un peu différent qu'un vieux sage, lui aussi différent, prendra sous son aile pour le former avant qu'il ne puisse entamer son voyage.
C'est le très classique mais toujours actuel "Appel de l'aventure". C'est Gandalf et Frodon, c'est Obi-Wan Kenobi et Luke Skywalker.
D'ailleurs, Sean Connery en Ramirez rappelle plus aisément Obi-Wan, surtout lorsque sa voix-off résonne à la fin du film, ne provenant pas des souvenirs de Connor. Sans compter son combat et sa chute face à la figure du chevalier noir qu'est le Kurgan rappelant la mort de Kenobi face à Dark Vador/Darth Vader (oui, je fais plaisir aux puristes comme aux autres).
Dans les mythes, le héros parti à l'aventure revient changé et porteur d'un nouvel espoir pour son village/nation/monde. C'est également ce qui attend Connor puisqu'une fois vainqueur du Kurgan et détenteur du "Prix", il est clairement stipulé que son savoir est total et qu'il peut influer sur les pensées des gens (alors bonjour le libre arbitre mais soit).



Notons aussi que New York comme lieu du combat final n'est pas anodin, dans les années 80, la Grosse Pomme était l'une des villes les plus violentes d'Amérique (certes, derrière Washington et Boston mais la ville possédant des studios de cinéma, sa nature a vite occulté celle des deux autres), il faudra attendre la guerre au crime et aux armes de Rudolph Giuliani dans les années 90 pour que la ville semble plus propre.





Un point important dans le film est la place ou l'image de la femme. Alors que Sarah Connor et Ellen Ripley explosent le taux de testostérone à cette époque, les femmes du film sont souvent en retrait et victimes. Il est également à noter qu'aucune Immortelle ne semble exister, ce don étant réservé apparemment aux mâles.
Mais faut-il y voir une certaine forme de misogynie latente ?  Eh bien pas forcément.

Déja, il faut replacer le film dans son époque : le "girl power" était en gestation (merci James Cameron) et ne trouverait sa maturité que plus de dix ans plus tard (Buffy, si tu nous lis). Et si l'on va plus loin, avec leurs épées et leur passé, les personnages ressemblent à des chevaliers blancs ou noirs projetés dans le monde moderne. Et le modèle chevaleresque (blanc) ne fonctionne pas sans demoiselle en détresse (mise à mal très souvent par un chevalier noir ; cf. Mordred).





Ensuite, j'ai une théorie. Mais avant tout, je tiens à faire remarquer, si besoin était, que la lecture d'une œuvre est dépendante du savoir et des partis pris de celui qui se penche sur le sujet : donc je suis peut-être complètement à côté de la plaque sur les intentions du réalisateur et du scénariste mais je me lance quand même.
Dans l'imaginaire et l'inconscient collectifs, la femme symbolise la vie (voire les expressions comme "mère nature" ou les représentations des vénus préhistoriques), or, tous les immortels sont cernés par la mort et la stérilité.
Plus fort, ils ne se battent que pour la mort : la mort par la main & l'épée d'un autre immortel mais l'essence même du "Prix" est liée à l'accès à la mortalité. Quelle que soit leur habilité d'épéiste duelliste, le bout du chemin sera le même : la mort. Côtoyer la gent féminine sans être capable de mourir est une souffrance pour Connor et son mentor Ramirez : incapables de décéder, ils souffrent de la présence de la vie (qui a un début et une fin, contrairement à leur vie qui n'en est donc pas vraiment une) palpitant dans les veines des femmes qu'ils ont aimées et condamnée à s'éteindre un jour.







Enfin, si tout le monde associe Queen à la musique de Highlander, il ne faudrait pas oublier le très bon travail de feu Michael Kamen (L'arme FataleDie HardX-men, c'est lui) qui accompagne et embraye sur le travail de Queen avec une rare aisance.