dimanche 8 janvier 2017

Mission : Impossible - Rogue Station.

Peu après le rachat de Lucasfilm par Disney, l’empire aux oreilles de Mickey avait fait savoir que non seulement de nouveaux épisodes de Star Wars arriveraient très vite mais, en sus , que des spin-offs verraient également le jour.
Une année après que la Force se soit réveillée, le premier film « indépendant » de la saga débarque sur les écrans du monde entier : Rogue One.

Rogue One prend sa source dans le texte introductif de l’épisode IV :

C'est une époque de guerre civile. A bord de vaisseaux spatiaux opérant à partir d'une base cachée, les Rebelles ont emporté leur première victoire sur le maléfique Empire Galactique. 

Au cours de la bataille, des espions rebelles ont réussi à dérober les plans secrets de l'arme absolue de l'Empire : l'Etoile de la Mort, une station spatiale blindée dotée d'un équipement assez puissant pour annihiler une planète tout entière. Poursuivie par des sbires sinistres de l'Empire, la princesse Leia file vers sa base dans son vaisseau cosmique, porteuse des plans volés à l'ennemi qui pourront sauver son peuple et restaurer la liberté dans la galaxie…

Rogue One va se donc se concentrer sur ces fameux espions rebelles et la première victoire des rebelles sur l’Empire de Palpatine. À la barre du navire, Gareth Edwards, jeune réalisateur au style visuel travaillé qui sort du reboot de Godzilla influencé par la carrière de Steven Spielberg ( il y a pire référence en ce monde). Et tout comme tonton Steven, Gareth Edwards aime les histoires humaines : son premier film, Monsters , se focalisait avant tout sur la relation entre ses deux protagonistes. Godzilla restait souvent à hauteur d’homme pour augmenter la puissance symbolique des éléments déchaînés sur la civilisation occidentale…et puisque l’aventure qui se joue est déconnectée des impératifs des épisodes numérotés, une certaine marge de manœuvre est possible pour le réalisateur. Qui ne va pas se priver.
Cela démarre dès les choix de réalisations d’ailleurs : J.J Abrams et ses suiveurs ont amorcé un retour au tournage sur pellicule ? Edwards utilise le nouveau bébé de chez Arriflex, l'Alexa 65 tout en y ajoutant un objectif Panavision. Résultat des courses ? Un cinémascope profond avec une netteté d’image maximum. De quoi s’amuser.

Malheureusement, le tournage ne sera pas de tout repos. Vous vous en souvenez peut-être , cet été de nombreuses rumeurs, de plus en plus référencées au fil du temps, ont fait état de reshoots, ces fameuses séances de tournages qui s’opèrent après le tournage principal dans le but de réajuster quelques raccords dans le plus petit cas ou de chambouler tout le film dans le pire. Mettons quelques points sur quelques « i » : presque tous les blockbusters actuels ont recours à ce procédé. Le Seigneur des anneaux ne fut pas avare en reshoots et personne n’a crié dans la presse ou sur le net (bon je sais, autre époque tout ça tout ça ) . Non, la crainte venait surtout du film Suicide Squad, reshooté&remonté à mort et sorti en salle au moment des rumeurs sur Rogue One. D’un coup d’un seul, reshoot devenait synonyme de «  ce film va être une merde ».

Plus les news sortaient, plus la panique s’installait , jusque ce moment fatitique où l’on apprit que Gareth Edwards ne tournait pas les nouvelles scènes mais le scénariste/réalisateur Tony Gilroy.
Pour le grand public, qu’un autre cinéaste travaille sur le film revenait à dire que Disney dépossédait Edwards de son bébé. MAIS ! Un réalisateur, c’est comme un capitaine de bateau , il dirige mais n’est pas à la barre du navire. Gilroy est un ami de Edwards, il avait déjà apporté son aidé non-créditée sur Godzilla et est impliqué de manière plus officielle ici.
Pendant que Gareth gère une post-production imposante, Tony écrit, corrige et retourne quelques scènes. Mais ces changements dans le cœur de l’histoire, dans le montage et le rythme auront raison de la patience d’Alexandre Desplats qui quittera le processus de composition de la B.O.
Il sera remplacé au pied levé par Michael Giacchino qui aura la lourde tâche de rendre sa copie en moins de 8 semaines.

Giacchino est un choix logique mais tardif , il avait déjà tâté du space-opera dans les trois derniers Star Trek, dans John Carter et Jupiter Ascending. S’il ne compose pas ici sa partition la plus aboutie, il arrive cependant à enter dans les souliers de John Williams sans trop de soucis ( j’écoutais sa B.O quand j’entendis ma mère me dire «  Ça c’est du John Williams ! » ).
Une année chargée et un temps d’écriture réduit n’auront pas aidé le compositeur à explorer plus avant le nouvel univers dans lequel il aura été invité pour faire mumuse. Dommage mais peu dommageable.

Ces petites précisions étant apportées, entrons donc dans le vif du sujet.
Jyn Erso , incarnée par Felicity Jones , est la fille de Galen Erso, scientifique impérial qui travaille avec le directeur militaire Krennic sur L’Ètoile de la Mort, l’arme absolue dont l’Empereur avait fait entamé la construction dès la fin de La Revanche des Sith.
Mais les travaux ont pris du retard et Galen, las de son travail de mort, a pris la fuite. Retrouvé par Krennic et ses hommes, Galen voit sa femme Lyra abattue devant lui (le management par la force est une pratique courante dans les tyrannies). Jyn quant à elle s’enfuit.
15 ans plus tard, l’arme spatiale est presque prête, les phases de test sont imminentes et les rebelles apprennent , par l’intermédiaire du capitaine Cassian Andor ( Diego Luna ) , que Saw Gerrera, un extrémiste anti-empire détient un message de Galen Erso.
Pour entrer en contact avec Saw ( Forest Whitetaker en mode je cabotine en gardant la classe!) , la rébellion n’a d’autre choix que de retrouver sa pupille , Jyn, et de la convaincre de se joindre à la mêlée. Mais là où le jeune Luke Skywalker rêve d’aventures, la plus mûre Jyn ne cherche qu’à se fondre dans la masse et à rester en paix.





Je vous le disais plus haut, Edwards s’intéresse à l’humain. À l’être ordinaire face à l’extraordinaire. Pas de Jedi ici, juste des hommes et des femmes avec quelques compétences et basta !
En se concentrant sur ce versant de la guerre ,les opérations spéciales d’espionnage et les attaques éclairs, Edwards nous dévoile des destins inconnus auparavant et qui ont permis à des gars comme Han Solo et Luke Skywalker de briller et de récolter des honneurs prestigieux ! Pas de médailles pour les black-ops, juste la reconnaissance morale du travail accompli et une étoile anonyme gravée sur le mur des vétérans.
Jamais les vaisseaux n’ont semblé si imposants, jamais une Death Star n’avait été filmée de si prés, rendant son gigantisme plus impressionnant que chez Lucas ( voir même plus flippante que la pourtant gigantesque Starkiller base de l’épisode VII ).
Et l’humain étant multiple, c’est à une guerre d’idéologies que nous allons assister. Alors que l’Empire est constituée d’hommes blancs en uniformes ( Lucas n’a jamais nié s’être inspiré des Nazis pour créer cette armée du mal ) , les rebelles sont mis en avant à travers des figures féminines fortes ( Jyn, entre autres ) mais aussi des ethnies différentes ( des acteurs asiatiques, un mexiquain, des aliens, etc…) : la diversité face à l’uniformisation !



Plus fort, en convoquant des figures symboliques comme celles des villes saintes ou des rebelles extrémistes ou priant la Force avant de se lancer dans la bagarre, le film évoque le terrorisme islamiste à travers le spectre cinématographique des rebelles !
Et c’est fort, parce que ce sont les gentils !
Le public ne remet pas en cause leurs actions et s’identifie à eux. Pour peu que ça fasse tilt (mais je suis toujours septique sur les capacités d’analyse du grand public ) , le film force le spectateur à revoir son rapport au monde actuel.
Mieux, en devenant la cible d’un boycott orchestré par les pro-Trump parce que le film est porté par une héroïne et des personnages non-blancs ( euh, ça en dit long sur leur vision du monde et comment celui-ci doit tourner : c'est pas que flippant, c'est répugnant et dangereux ), ce film de studio devient d’un coup un film politiquement engagé et contestataire du pouvoir en place !
Et ce n’est pas la première fois que cela arrive chez Disney (sans doute au grand dam des dirigeants quand ils se rendent compte de la chose après la sortie du film ) puisque John Carter était une critique du capitalisme sauvage !

"Une ville dans le désert occupée par des troupes militaires impérialistes. Selon Lucas, ça serait les Nazis dans Casablanca. Selon Edwards, ça ressemble aux troupes U.S en Irak. Les deux lectures se valent et ne s'annulent pas. Un film est aussi le reflet de son époque même quand il prend sa source dans les années 70."

Malheureusement, le film souffre d’un rythme haché et brouillon. Le premier acte multiplie les mises en situation et le métrage se rééquilibre petit à petit pour arriver, dans sa dernière partie à lâcher l’enfer sur l’écran. Multipliant les champs de batailles ( l’espace, le ciel, la base impériale, les alentours de ladite base ) , Edwards et son monteur offre un final dantesque , toujours lisible, toujours prenant et par moment arrivant à couper le souffle du spectateur.  Le crescendo guerrier et dramatique est total et c’est le cœur serré et au bord des lèvres que le film se termine…quelques minutes avant le début de l’épisode IV ! Un raccord presque parfait qui fait le lien de bien belle manière avec le film de George Lucas.




Rogue One n’est pas indispensable pour savourer la saga Star Wars , et inversement, mais c’est un putain de bon film de guerre et d’espionnage dans des environnements exotiques.  Et un manifeste politique évident pour qui sait regarder .



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