lundi 18 mars 2019

La forêt qu'il vaut mieux laisser là où elle est.

Une brume étrange a recouvert le monde, seuls quelques endroits, des poches, vivent en dehors des zones brumeuses où sévissent une faune et une flore étrange et souvent mortelle. Serait-on dans un nouveau Stephen King ? Non, nous voici dans le premier roman de  Colin Heine «  La forêt des araignées tristes » paru chez ActuSF.

Bastien est paléontologue. Sa grande passion est de rédiger une encyclopédie sur les bestioles nées dans la vape, cette substance ayant recouvert le globe. Pour cela, il peut compter sur son ami Ernest, explorateur qui arrondi ses fins de mois en vendant des spécimens à son ami scientifique lorsqu’il revient d’expéditions financées par «  La Compagnie » . Nos deux larrons vont être mêlés à une série d’évènements rocambolesques dans un monde en mutation tant naturelle que sociale.

Il ne faut pas juger un livre sur sa couverture. C’est un fait avéré. Cependant, l’on peut s’attendre à ce que celle-ci reflète un tant soit peu l’intérieur de ce qu’elle protège contre le passage du temps. Il en va de même pour le titre d’une œuvre, indication de ce vers quoi l’on s’apprête à plonger avec fébrilité lorsque l’on s’attaque aux premières pages.

Et là, c’est un peu le drame. Ni l’illustration de couverture, ni le titre ne reflètent la substantielle moelle de l’intrigue du roman. Situé dans un environnement steampunk plus ou moins ouvragé ( la construction politique de ce monde est assez floue, peut-être pour être développée dans une éventuelle suite ? ) , les passages d’aventures en forêts sont une partie congrues de l’intrigue. Alors que couverture et titre, au diapason, semblaient annoncer une traversée à la «  Avatar/Predator chez Lovecraft », le roman empile les phases urbaines.

Et cette ville ressemble peu ou prou à n’importe quelle cité steampunk un tant soit peu avancée que l’on a croisé par le passé en tant que lecteur féru d’imaginaire ( si c’est votre première fois par contre, vous vous amuserez bien plus ). Et dans cette ville où vit notre Bastien, héros principal, et bien de sombres choses s’annoncent. Bastien survit coup sur coup à deux attentats ( la suspension d’incrédulité à des limites : vous avez plus de chances de gagner au loto que d’être pris dans un tel évènement odieux ) , trop à l’écoute de sa gouvernante qui ne fait pas confiance aux policiers, Bastien décide de jouer les détectives amateurs…en allant directement prévenir un suspect qu’il sait des choses ( oui, le héros est un François Pignon digne d’être invité à dîner le mercredi soir ). Coïncidences et bêtises crasses de notre pied nickelés  font doublement grincer des dents : 1° car c’est à se taper le front devant tant de naïveté et 2° tellement le procédé souligne au gros fluo rose bonbon que l’auteur ne savait faire avancer son intrigue que grâce à ces facilités d’écriture.
Et pour couronner le tout, Colin Heine surcharge son intrigue avec une histoire alambiquée de confrérie secrète de tueurs, histoire d’ajouter un peu de suspense dans sa soupe.
Car l’environnement urbain est moins érotiquement dangereux qu’une jungle remplie d’animaux mutants et ne cherchant qu’à bouffer de l’humain en expulsant des tripes partout. C’est dommage, l’auteur n’avait-il pas un tel lieu à disposition ?

Mais au-delà de la bêtise du protagoniste, il y a les idées politiques sous-lignées à l’encre noire que l’auteur distille au fil des pages. Tous les clichés du petit bobo de gauche manichéen y passent. Sans jamais chercher les nuances de gris , Heine décrit les compagnies comme toute dirigées par des monstres heureux d’être des salauds, les ouvriers (même plus aisés, comme les explorateurs de talent tel ce bon Ernest, peut-être le seul personnage un peu sensé dans cette histoire, et encore ) sont tous des victimes du systèmes, les forces de l’ordre sont le mal absolus, des séides de Darth Vader en personne dont le seul but dans la vie est de répandre la violence dans les plus basses classes sociales. Et soudain, pour enfoncer le clou, on notera l’abjection littéraire. Alors que « les forces du mal » défouraillent du « gueux » à tout-va dans des descriptions à mi-chemin entre le clair et le flou, l’auteur prend un plaisir sadique à décrire bien sordidement les mises à mors ( sans doute méritées de son point de vue ) des rares forces de l’ordre qui passeraient sous le fil des prolétaires. Car oui, certains méritent de crever comme des chiens dès lors qu’ils travaillent pour un gouvernement. 
Chaque mort violente est le constat d’un échec, mais pour Heine, certaines morts violentes se doivent d’être décrites, à la limite du mode d’emploi.

Mensonger dans ses promesses, idiots et alambiqués pour se donner une fausse épaisseur thématique et politiquement puant de par son manque de nuances, voila un roman qui, s’il avait été écrit pour être subversif et dérangeant ( tant sur nos sociétés que sur comment l’environnement va se retourner sur lui-même, nous entraînant dans ses torrents de boues et de bois ) n’en est qu’un manifeste déguisé de qui est bon et qui est mauvais. Une arnaque.

mardi 5 mars 2019

Dragon Ball, introduction.

L'an dernier, deux monstres de la bande dessinée fêtaient leur anniversaire emblématique : Superman et Spirou célébraient chacun 80 années d'existence.
Cette année, rebelote, deux œuvres très connues seront mises à l'honneur : Batman fête ses 80 ans et Dragon Ball fête ses 35 ans. Rendez vous compte, Son Goku et moi avons le même âge !

Bon…bon…Tout le monde le sait, je voue un culte à Batman. C'est donc vers Dragon Ball que je vais me diriger, histoire de ne pas saouler le monde avec mon esprit de Gothamite dépressif et obscur!

Qui ne connaît pas Dragon Ball ? Les moins de 20 ans peut-être. Pour les autres, tout le monde  aura au moins vu 5 minutes d'un dessin animé portant ce titre.
Le dessin animé (et sa suite, Dragon Ball Z, sa fausse suite télévisée ,Dragon Ball GT, et l'officielle transmédia approuvée par l'auteur ,Dragon Ball Super ) est tiré d'un manga écrit et dessiné par Akira Toriyama.

Dans les années 80, Toriyama possède une belle notoriété au pays du soleil levant grâce à sa série humoristique Dr Slump.
Mais ce grand amateur d'arts martiaux et de films de Jackie Chan rêve d'une série alliant sa passion pour le sport de combat et la grande aventure.
En 1983 déjà, il avait réalisé deux histoires courtes :
-Dragon Boy, qui racontait les aventures de Tang Tong, jeune homme apprenant le kung-fu qui allait devoir escorter une princesse. Tang Tong possède également une boule de cristal de laquelle peut surgir un petit dragon. Cette aventure en deux chapitres n'aura jamais de suite malgré la fin ouverte de celle-ci.  L'univers de cette courte série lorgne vers le fantastique, voire la fantasy.
- Tongpoo raconte l'histoire du cyborg Tongpoo qui atterrit sur Terre après la panne de son vaisseau. Il y rencontre une jeune fille avec qui il vivra diverses aventures dans un environnement de science-fiction. Certains éléments, comme les fameuses capsules que Bulma affectionne dans Dragon Ball, apparaissent dans ce manga.






On pourrait penser que le début de Dragon Ball n'est qu'un mix entre deux travaux précédents de Toriyama. Et pourtant, il manque encore quelque chose.
Le liant de tous les éléments épars que recelaient Dragon Boy et Tongpoo se nomme Le Voyage en Occident. C'est à la base un récit chinois mais néanmoins connu au Japon.  Il raconte l'histoire de Sun Wukong, un singe anthropomorphe (pléonasme ? ) chargé par son maître de mener une quête. Il est accompagné par un dragon et un homme à tête de cochon. Sun Wukong possède également un bâton capable de s'allonger à l'infini et un nuage magique lui permettant de voler.

La quête de Sun Wukong est philosophique, il s'agit de rapporter des écrits de la main de Bouddha en personne. Son Goku partira en quête des Dragon Balls, 7 boules de cristal dispersées de par le monde.

Les bases sont posées. L'histoire (du monde !!!) est en marche !
Plus rien ne sera jamais comme avant (insérez ici une grande musique dramatique, une marche peut-être…) !
Son Goku est un petit garçon vivant seul dans la forêt. Il a la particularité de posséder une queue de singe. Il fait la connaissance de Bulma, une jeune fille plus âgée que lui. Cette dernière s'ennuie durant ses vacances d'été et après avoir découvert la légende des dragon balls, décide de partir à leur recherche. Génie scientifique, Bulma a mis au point un radar capable de localiser les boules avec précision. Leur rencontre n'est donc pas fortuite : Son Goku possède la boule numéro 4.

Sens de lecture japonais.



Dragon Ball n’a pas été conçu comme un « on-going ». Il devait s’agir d’une série courte racontant une histoire. C’est devant le succès « surprise » qu’Akira Toriyama s’est vu demandé de continuer la série, poussé par ses éditeurs.

C’est pourquoi certains thèmes du début seront oubliés ou relégués au second rang par la suite.
Au départ, Dragon Ball est autant une série d’action/aventure qu’une série humoristique : les gags visuels, les jeux de mots bidons, les situations loufoques et les personnages excentriques abondent.

Le ressort comique le plus flagrant (et qui était déjà présent dans des œuvres précédentes) est le rapport compliqué qu’entretiennent les personnages face au sexe opposé. Bulma n’a personne dans sa vie et souhaite demander au dragon de lui fournir un petit ami ; Yamsha, le brigand du désert, perd tous ses moyens en présence d’une femme car il est d’une timidité maladive ; Goku , de par son isolement, ignore totalement ce qu’est une fille ( et sa réaction catastrophée quand il découvre la vérité sur Bulma lui jouera des tours par la suite quand il tentera de deviner si les personnes qu’il rencontre sont mâles ou femelles). Tortue Géniale par contre est un véritable obsédé sexuel qui se met à pisser du nez quand il voit une fille nue ( cet élément a été censuré dans le dessin animé en France et en Belgique).

L’aventure, au tout début, est assez classique. C’est somme toute une quête comme on en a lu des centaines dans des récits de fantasy : le héros répond à l’appel de l’aventure et au fil de ses pérégrinations, va rencontrer des vilains et des héros qui le feront progresser jusqu’au climax de l’histoire. Tortue Géniale est la figure du vieux sage qui apprendra à Son Goku à se dépasser et lui fournira des artefacts qui l’aideront (le nuage magique : un nuage supersonique que seul un cœur pur peut monter, raison pour laquelle Tortue Géniale n’a jamais réussi à tenir dessus).
À la fin du premier arc narratif, tout ou presque est résolu : Yamsha perd sa timidité en tombant amoureux de Bulma ( et cesse d’être un vilain mineur de l’histoire), Bulma trouve un petit ami et le vilain Roi Pilaf n’arrive pas à faire de vœu en face du Dragon. La queue de singe de Son Goku est coupée après que celui-ci se soit transformé en singe géant à la pleine lune ( révélant ainsi la cause de la mort de son grand-père : Goku lui a désobéi et est sorti un soir de pleine lune pour la regarder).

Chacun repart dans une direction différente et l’histoire pouvait en rester là. Mais la série est un carton et les aventures de Goku doivent continuer.
Soucis : une fois les dragon balls utilisées, elles deviennent de simples pierres durant un an et se dispersent à travers le monde. La quête devient dès lors impossible.

Toryiama va donc se concentrer sur un aspect qu’il va développer de plus en plus au fil du temps : les arts martiaux et le dépassement de ses limites.
Goku retourne donc voir Tortue Géniale pour devenir son disciple. Au même moment, Krilin, un moine shaolin, débarque sur l’île lui aussi pour apprendre du grand maître. Si Goku et Krilin commencent comme des rivaux, une profonde et indéfectible amitié va naître entre eux deux.

Nous suivons donc leur entraînement et l’aboutissement de celui-ci : un tournoi d’arts martiaux. Krilin et Goku y découvriront chacun leurs limites actuelles. Au bout du compte, Tortue Géniale n’a plus rien à leur apprendre et Goku décide de parfaire sa formation en partant à la recherche de la boule numéro 4, un an ayant passé depuis que le dragon sacré a disparu. C’est lors de ce périple qu’il tombera face à l’Armée du Ruban Rouge, un groupe lui aussi à la recherche des dragon balls.




C’est vraiment lors de cette saga que la série affirme un trait de caractère assez peu entrevu auparavant : la défense du plus faible face à l’oppression du plus fort. Goku et ses amis devenant des sortes de super-héros .  Cette saga trouvera un écho tardif des années plus tard lorsque, devenu adulte, Goku recroisera la route d’un sympathisant du Ruban Rouge… mais c’est une autre histoire.

À suivre….