mercredi 21 juin 2017

I am Gotham

C’est l’heure du grand chambardement chez DC comics (enfin,en VF. Aux States, c’est arrivé il y a quelques mois déjà).  Toutes les  séries de l’éditeur ont été revues (ou relancées pour certaines, comme Nightwing) et affublées d’une nouvelle équipe artistique. Et pour que les lecteurs aient leurs doses, plusieurs titres sont devenus bimensuels, rien que ça.

Batman n’échappe pas à la chose et la série éponyme se voit relancée sous la houlette de Tom King au scénario, épaulé par David Finch aux dessins ( du moins en grande partie : difficile de tenir le rythme de plus que 40 pages dessinées par mois sans aide de temps en temps).

Batman, jusqu’ici, était le titre jalousement supervisé par Scott Snyder. Ce dernier aide d’ailleurs Tom King lors du premier chapitre du tome 1 VF puisque Urban en profite pour relancer la série sous un autre titre pour bien différencier les deux périodes.Et même sous un format un peu plus grand que le format comics habituel. Et mine de rien cela accroît le plaisir de lecture.

Difficile de dire, lors de ce premier épisode qui écrit quoi mais la nouvelle version de Julian Day, L’Almanach, sent le Snyder à plein nez tant le concept à été poussé du côté du fantastique horrifique (et que la menace qu’il a lancée sur Gotham rappellera le run de Scott Snyder ). Mais cet épisode met aussi en place une partie du décorum que Tom King va utiliser et faire vivre.

Soucieux de récupérer (et de rendre) des jouets en ordre de marche, cet épisode règle quelques questions et menus détails comme la fortune de Bruce Wayne qui lui est restituée ( de manière facile cela-dit). Batman est avant tout un concept et Snyder avait déjà remis pas mal d’ordre dans son tableau de jeu avant de rendre les manettes.



Cet interlude introductif (notez les concepts que j’emploie quand même ) passé, King est seul aux commandes du bat-plane, et il va le faire aller à toute vitesse et à travers pas mal de turbulences. Et au final,c’est peut-être la seule chose à lui reprocher. Son rythme ultra-soutenu, certains enchaînement se font sans crier gare , mais non sans logique , et quelques dialogues qui devraient être dramatiques au possible sonnent creux.
L’intrigue pourtant  se suit avec un pied terrible : un avion va se crasher sur Gotham, Batman va donc tenter de l’en empêcher alors que les supers-héros plus aptes à gérer sont indisponibles ( pas de bol, la Justice League semble faire la nouba sans inviter Bruce…sympa les mecs ). C’est alors que surgissent deux nouveaux héros calqués sur Superman et sa cousine : Gotham et Gotham Girl. Et leur arrivée marque le double-sens du titre ( qui semble être une habitude récurrente quand l'on connait les titres des prochains arcs narratifs et un peu leurs contenus : " I am suicide" , "I am Bane" ).




C’ était casse-gueule : tant les looks et les noms de codes font cheap, l’originalité des pouvoirs est inexistante…et pourtant, ça marche. La venue de deux héros supplémentaire permet à Batman de penser à sa succession, de ne plus porter un énorme poids (et de potentiellement éviter à ses enfants de le porter plus tard ? ) . Tom King gère bien l’arrivée de nos deux larrons en les confrontant à des lieux communs du héros gothamite , comme une rencontre avec James Gordon, un brin blasé.
Bien entendu, Batounet ne va pas leur faire confiance à 100% ( quel parano ce type , j'vous jure) et une partie de l’album sera consacrée à sa petite enquête sur qui sont nos deux samaritains.



Parallèlement, une série de morts étranges secoue la ville,et le pourquoi du comment aura des répercussions importantes et mortelles. La fin de l’album offre des réponses et soulève ensuite quelques questions. Mais King gère très bien son histoire et semble savoir où il se dirige sur le long terme. Il distille des infos sur le futur de son héros et donne envie de savoir comment on va en arriver là. Il introduit un nouveau casting principal (enfin presque, Duke Thomas étant une invention de Scott Snyder quand même ) et offre souvent des dialogues savoureux entre les habitués : Alfred est impayable et ironique, Bruce un peu moins coincé. La caractérisation des personnages est une vraie réussite et ce malgré ce que je pointais plus haut, des dialogues parfois creux mais avec un fond qui lui ne l’est pas.


Aux dessins, on retrouve principalement David Finch. Un habitué de la chauve-souris mais qui a affiné un peu son style. Il est plaisant de voir un artiste compétent mais trop peu attentionné enfin se décider à étaler son talent sans ses errements habituels, il y a une vraie évolution de son trait mais nul doute qu’il est bien aidé par l’encrage et la mise en couleur. Finch se partagera la tâche avec Mikel Janin en raison de la cadence de sortie du titre : deux fois par mois, c'est presque impossible de tenir le rythme et la qualité picturale. C'est d'ailleurs Janin qui ouvre l'album avec l'épisode centré sur Julian Day. Nous le retrouverons aux commandes des cases du tome 2 : Mon nom est suicide.




Batman Rebirth est donc une réussite. Pas totale car King a tendance à vouloir aller un peu vite mais le résultat est frais, bouscule un peu les habitudes de la chauve-souris et accroche son lecteur. De plus, le rythme bimensuel assure des sorties moins sporadiques du côté de chez Urban qui dispose de plus de matériel. Nul doute que la suite devrait arriver dans trois à quatre mois maxi. Vivement !

samedi 3 juin 2017

Lève-toi et marche.

Lazarus, comic book scénarisé par Greg Rucka et dessiné par Michael Lark, en est déjà à son 5éme tome en VF chez Glénat Comics. L’occasion de pointer l’une des meilleurs séries actuelles,et que l’on pourrait presque qualifier de Game of Thrones de SF.

Greg Rucka est un connu dans le petite mondes des comics pour aimer écrire sur des héroïnes fortes aux personnalité complexes( Batwoman, Renée Montoya également dans le bat-verse, Wonder Woman, Tara Chace de la série Queen & Country ) allant parfois jusqu’à recycler ses recettes ( femmes fortes lesbiennes et fumeuses).

Lazarus se concentre , du moins au début, sur Forever « Eve » Carlyle, jeune femme de 19 ans, véritable machine de guerre qui ferait pisser dans son froc un terminator doté de toutes les options.
C’est que Forever évolue dans un monde futuriste dystopique où les états sont tombés et où les riches entreprises ont pris le relais.
Le monde est désormais entre les mains de plusieurs familles au sommet de la chaîne (de production) alimentaire. Les Carlyle dirigent une bonne partie de l’Amérique du Nord.
Chaque famille a ses alliances et conflits ouverts ou larvés. Mais surtout, chaque famille possède un Lazare, un guerrier boosté à divers technologies et qui sert à la fois d’émissaire, d’ambassadeur, de défenseur à son clan. Il est celui qui se lève et marche vers l’ennemi.
Forever est de ces êtres particuliers. De tous les enfants de son père, elle est la seule à avoir été créée en labo, la famille Carlyle étant spécialisée dans la recherche génétique quand d’autres sont au top de la mécanique, etc…cela a bien entendu un impact sur la façon dont leurs Lazares sont boostés.

Le premier tome de la série commence In Media Res. Pas d’exposition artificielle, en plongeant le lecteur au cœur de l’action, Rucka l’amène à comprendre les tenants et les aboutissants d’un monde plus déréglé socialement que jamais. Métaphore autant que mise en garde sur ce qui nous pend au nez. Même les concepts de SF proposés ne relèvent pas du capilotracté absolu.
Tout est subtilement mis en place pour que le lecteur trouve vite des repères (semi)familiers pour progresser dans ce nouveau monde où l’on ne compte même plus les années depuis JC ( là encore, l’on induit un nouvel événement paradigmatique tout en évitant de citer une date qui pourrait se révéler obsolète quand l’on y arrivera ).



Par le truchement d’une mission somme toute simple en apparence, Rucka va dévoiler comment ce monde fonctionne, établir les liens entre les familles dirigeantes et leurs domaines de compétences ( les Carlyle sont les as de la génétique et vivent plus longtemps, tout en restant jeunes plus longtemps : 60 ans et en paraître 30, c’est pas beau la vie de riches enculés ? Les Morray c’est le (bio) engineering. ) Ils dévoilent aussi comment les populations sont vues et utilisées : outre la famille, les personnes se divisent en serfs ( qui ont une utilité ) ou les déchets. Mais des procédures permettent parfois aux déchets de devenirs des serfs ( car un déchet, par définition, peut parfois se recycler ). Notons que la séparation entre diverses couches de la société peut changer selon le territoire ( citoyens/non-personnes).

Au fil des tomes, bien sûr, Rucka va dévoiler de plus en plus ce monde, mais, contrairement à la célèbre série HBO, le multi-échiquier est peu montré. La série ce centre surtout sur la famille Carlyle et ses opérations, et sur Forever en particulier. Une famille loin d’être parfaite tant les rapports de force et de pouvoirs semblent les lier plus que les liens d’amour. À tel point que l’on se met souvent à douter de l’attachement du père de Forever envers sa fille : est-ce une affection sincère ou un moyen de contrôle de sa créature ? Difficile à dire (et c’est tant mieux ).




Rucka convoque autant l’action pure, l’espionnage de salon et sur le terrain, les relations familiales empruntes de soap opera géré avec doigté que les questionnements éthiques et moraux. Petit à petit, la série s’ouvre à d’autres personnages, enrichissant le casting et offrant un regard hors-famille sur le monde du futur.

Politic fiction de haute volée, Lazarus est aussi une œuvre plaisante à lire de par son rythme soutenu sans être précipité.




Aux dessins, on retrouve Michael Lark qui avait déjà travaillé avec Rucka sur Gotham Central avant de suivre Ed Brubaker sur Daredevil. Lark possède un trait réaliste et détaillé. Son découpage des cases en fait un as du story-telling ( c’est agréable à regarder et à suivre ). Bref, l’artiste est au diapason de son scénariste et nos deux larrons nous livrent une série où absolument rien n’est à jeter.

Notons que la traduction en VF est assurée par Alex Nikolavitch, un vieux briscard de l’exercice qui possède en outre une énorme culture générale et scientifique. Ce qui lui évite de tomber dans les pièges des faux-amis sur les termes techniques pointus employés ici. Glénat Comics propose la série dans un format un peu plus grand que le format comics et cela est fort appréciable pour profiter des dessins de Lark.

Un sans faute.  Si ce n’est le délai assez lent de parution des numéros outre-atlantique : de deux tomes en VF l’année de son lancement, Lazarus est retombée à un tome par an. L’occasion de relire la saga avant chaque tome histoire de se faire plaisir et de se remettre en ordre les pièces du jeu dans sa tête.