samedi 29 décembre 2012

Au clair de la lune,mon ami Jaco !

Petite avant-première littéraire aujourd’hui puisque nous allons revenir sur un ouvrage qui ne sortira que le 10 Janvier 2013 en librairie sous la houlette des éditions Denoël. Une sombre histoire de loup-garou, mais pas que ! Et avouez qu’une histoire de loup-garou dans une collection qui s’appelle lunes d’encre, c’est cocasse !

Les monstres ont toujours eu la cote. Ils permettent l’effroi facile et nous font oublier que les véritables monstres qui nous hantent ne sont guères différents de vous et de moi.  La littérature et le cinéma ont depuis toujours joué avec eux sans pour autant les laisser occuper trop d'espace.

Mais , et c’est bien la seule chose dont on pourra lui tenir grâce, une auteure américaine peu inspirée a remis le monstre en avant. Merci Stephenie Meyer, ta tétralogie aussi vide que le cerveau de Kim Kardashian a eu le mérite de relancé le vampire sur le devant de la scène. Les éditeurs se sont engouffrés dans la brèche de ce succès, donnant le feu vert à divers projets vampiriques et ce même s’ils étaient bien loin de mettre en avant des créatures qui tenaient plus de la sangsue humaine que du vampire. Du coup, le vampire a déferlé et a occupé l’espace.

Pour tenter de contrebalancer l’hégémonie vampirique, c’est le Zombie qui est vite venu chatouiller les lecteurs. Lui aussi a mangé une bonne part du gâteau. Mais aujourd’hui, c’est le dernier monstre emblématique qui débarque. Le loup-garou. Un être qui, finalement, n’a jamais vraiment eu les honneurs d’une mise en avant aussi forte que celle de ses cousins avides de tuer de l’humain.

Jake Marlowe est le dernier loup-garou. C’est officiel, son frère de race berlinois s’est fait descendre par les membres de l’OMPPO. Jake est donc la dernière cible.Et cela ne le perturbe pas trop, car avec presque 201 ans au compteur (dont 167 en tant que lycanthrope) , Jake est blasé. Il a tout vu, tout lu, tout fait. Tellement las qu’il en est à la limite du suicidaire. Cela ne plait ni aux chasseurs chargés de sa mise à mort ( quel amusement à tuer un être qui n’offre aucun challenge? ) , ni à la mystérieuse Jacqueline Delon, férue d’occultisme qui semble bien vouloir protéger le dernier spécimen vivant de lycanthrope. On ne peut plus,de nos jours, mourir de la façon dont ou voudrait ma petite dame  !

Mais la vie est pleine de surprises ! Et quand les surprises en questions sont de nature vampirique et sentimentale, tout se complique encore plus. Mais la complication réveille parfois l’envie de vivre. Car à quoi bon suivre un suicidaire durant 400 pages ?

Glen Duncan ( à ne pas confondre avec Hal Duncan ) a décidé de fournir ici une sorte d’anti-twilight : narration à la première personne du personnage principal masculin (et quelle narration : la structure des phrases, leur richesse et leur agencement tiennent vraiment du travail littéraire dans ce qu’il a de plus poussé sans être barbant) , gore, sexe crû ,des garous qui ne ressemblent pas à des gros toutous ,etc…Il a pris les ingrédients de la bit-lit pour en faire tout autre chose et y insérer des effets tout sauf lisses donc.

Jake raconte sa vie, sa morale, comment il a depuis longtemps endormi cette dernière dans certains aspects de son existence. Tour à tour plus odieux que Dr.House, charmeur,cynique,manipulateur ou romantique, Jake est un personnage fascinant car terriblement humain dans sa complexité et ses contradictions. Grand amateur de films, il n’hésite jamais à faire un parallèle avec l’une ou l’autre œuvre cinématographique ( ce qui, pour le cinéphile que je suis, représente plusieurs cerises sur le gâteau ).Le procédé qui consiste à lire les mémoires sur carnets ,que le monstre a laissé derrière lui ,rappelle le très bon Agyar de Steven Brust (Folio SF).

Le rythme, haletant, n’empêche pas quelques moments plus calmes, plus introspectifs. Après tout,tout comme Connor McLeod (Highlander), Jake se remémore ses débuts, les évènements importants du siècle, son acceptation de la malédiction. Malédiction qui le pousse à dévorer un humain par mois. L’auteur , sur le folklore connu ( pleine lune, balle en argent), greffe des éléments intéressants comme cette envie de manger mais aussi les répercussions sur la libido de ces êtres poilus ( le loup-garou est un chaud lapin) en ne nous épargnant que peu de détails salaces. Les vampires, bien que peu présents, sont également légèrement revisités  (mais je n’en dirai pas plus, lisez le livre !!!) et leur antagonisme avec les loups est lui aussi traité avec quelques nouveautés ( nous ne sommes pas dans la saga Underworld ).

Sous couvert d’un titre limite nanardesque et d’ingrédients connus et reconnus, Le dernier loup-garou est LE roman le plus intéressant sur cet être paru depuis longtemps (même celui écrit par Stephen King était peu convaincant).  Un coup de cœur absolu !


vendredi 21 décembre 2012

Faites de beaux cauchemars !


Parue en VF chez divers éditeurs  au gré des ventes des droits et autres joyeusetés, la série «  Sandman » ressort chez Urban en VF dans une édition supposément définitive ! Retour sur une série culte qui mérite en effet un bel écrin !

Vers le milieu des années 80, l’éditeur américain DC Comics décide qu’il serait bon de sortir de la naphtaline certains noms et personnages connus qu’il n’a plu utilisés depuis Mathusalem ! Le nom de Sandman est évoqué. Au départ, Sandman est un héros masqué dont le nom civil est Wesley Dodds. L’homme endort les criminels , d’où sont surnom de Sandman ( car c’est ainsi que nos amis anglo-saxons appellent notre bien connu marchand de sable).

Mais c’est la proposition d’un jeune auteur anglais qui va être pris en compte. Et le sandman qu’il propose n’est pas un super-héros mais bien le marchand de sable lui-même. Ou du moins quelque chose qui s’en approche. Si la série se déroule dans l’univers DC, son héros n’est pas un super !


Neil Gaiman est un romancier des plus intéressants dans le genre fantastique, et qui touche parfois à la SF. Il a écrit plusieurs romans et pas mal de nouvelles. Mais ce qui fit sa renommée et qui le lança définitivement, c’est la série «  Sandman » qu’il scénarisa durant 8 ans , de 1988 à 1996. Et pour le fan, c’est un plongée dans les sources de ses romans : tout ce que Gaiman va développer et explorer dans ses futures romans (sans jamais se répéter vraiment,il aime trouver de nouveaux angles) et mêmes certains autres comics qu'il scénarisera.

En 1916, un groupe britannique adepte de l’occulte tente un rituel dont le but est de capturer La Mort ( du moins sa matérialisation anthropomorphique, la grande faucheuse quoi ) . Mais le rituel subit un couac : ce n’est pas la mort mais le rêve qui se fait capturer. Morphée (ou Rêve/Dream), le Sandman, restera prisonnier plus de 70 ans. Ses outils ( son casque, sa bourse de sable et le rubis désignant son rang) ont été dispersés et il va se lancer dans une quête pour les récupérer. Mais d’abord, il va se venger. 

Le premier acte raconte donc la capture et la quête de Sandman. Cette aventure lui fera rencontrer quelques figures emblématiques de l’univers DC dont le magicien immoral John Constantine, le héros de la série horrifique Hellblazer !
Mais Sandman est tout autant le héros de la série qu’un concept. Dès lors, le second acte opte pour une nouvelle orientation en présentant un autre protagoniste principale et une histoire où Sandman occupera un rôle secondaire voire mineure. L’envie de Gaiman de jouer avec les codes et la narration est palpable. Et jouissive ! Un exemple de jeu avec les codes : lors d'un voyage en enfer, Morphée rencontre Lucifer. Ancien ange, Lucifer est donc un être asexué. Et selon l'angle de vue, Lucifer , tout en gardant son apparence, prend soudain des airs féminins, masculins ou androgyne. Simple et efficace !



Le concept de rêve est donc explorer au travers de son « protecteur » Morphée, de son royaume mais aussi des rêves des êtres humains. Renverse les liens entre Morphée et son royaume ( qui est arrivé en premier, Morphée ou les rêves ? Et ça c’est en gros ). Chaque rêve individuel étant une part du royaume de Morphée, son royaume est donc en constant mouvement, un royaume uni mais fracturé ! Bref, la série foisonne de concepts intéressants et explorés dans tous les sens. Un sacré boulot d’auteur ! Un boulot qui défriche les rêves et donc les histoires de l'homme. Celles qui finiront en contes, en mythes ou en religions.

Niveau dessins, plusieurs artistes se succéderont tout au long de la série. Ceux qui s’occupent des épisodes réunis dans ce premier volume fournissent un travail situé assez loin des standards lisses. Et certains épisodes frôlent le minimalisme. Le dessin est daté mais bénéficie d’une nouvelle colorisation sensée harmonisée l’ensemble de la série. Le dessin n’est donc pas le point fort mais ne peut être considéré comme un point faible. Il est juste passable, rien de honteux mais pour une série considérée comme culte, j’aurai pensé que le dessin le serait aussi. C’était oublier que Sandman a commencé comme une série mineure et que les grands noms de DC étaient occupés sur les grands noms de l’éditeur !



Ce premier volume contient son lot de bonus : des entretiens avec Neil Gaiman, des dessins et des croquis préparatoires, etc… le volume frôle donc son statut d’édition définitive. Frôle, car il y a un problème ! Lors de l’impression, la page 105 s’est vue reproduite deux fois, dont l’une à la place de la page 110. Plutôt que de détruire tout le lot tiré chez l’imprimeur  ( ce que l’on peut comprendre vu l’importance du tirage et le caractère vraiment anti-écologique), Urban a décidé d’inclure un ex-libris reproduisant la fameuse page 110. Initiative naturelle envers le lectorat qui est en droit d’attendre l’entièreté de l’histoire qu’on lui propose d’acheter ! Néanmoins, cela fait un peu tâche pour une édition supposée définitive. Les plus réactionnaires devront donc attendre le second tirage pour que le problème soit résolu. Personnellement, même si cela m’a un peu embêté, je n’ai pas été gêné outre mesure mais je conçois que certains le prennent un peu mal.

La traduction est de Patrick Marcel, traducteur reconnu dans le milieu et qui a traduit une bonne partie de l'oeuvre de Neil Gaiman dans nos contrées. On regrettera , dans les bonus, la répétition de deux mots dans dans deux phrases. 

Sandman est une série qui, pour ce que j’en ai lu jusque maintenant, semble mériter son statut culte. Elle joue avec les concepts littéraires (impossible de ne pas penser à Fables ou Unwritten en lisant certains passages, séries apparues plus tardivement ) et narratifs et impose Neil Gaiman comme un auteur à suivre ! Onirique, horrifique, poétique et addictive, Sandman est faite de la matière qui fait les rêves comme aurait dit un célèbre dramaturge…qui joue d’ailleurs un petit rôle dans la série qui nous occupe !

Immanquable !

PS : dans le même ordre d'idées qui valut à Sandman d'être lancé ( pour rentabiliser un nom détenu par DC) , une autre série fut lancé quelques années plus tard. Tout aussi bien écrite mais ayant suivi la démarche inverse, faire revenir le vrai héros et son fils, entérinant un peu plus la notion d'héritage, notion qui sous-tend presque l'entièreté de l'unviers DC. Cette série c'est Starman ( série dans laquelle Wesley Dodds, le super-héros Sandman, fait plusieurs apparitions), et elle transcende le genre super-héroïque tout en lui rendant le plus beau des hommages. Elle aussi mérite d'être découverte !

Sang rancune aucune !


Saison 9 de Buffy, tome 2 ! Panini continue d’éditer les aventures de LA Tueuse. Nous avions celle-ci face à une nouvelle apocalyptique : elle est enceinte ! Comment va-t-elle gérer ce fait, sachant qu’elle risque sa vie chaque nuit pour sauver le monde ?

Le premier tome de cette nouvelle saison avait été une heureuse surprise en ce sens que l’histoire semblait revenir aux sources : la tueuse, un environnement urbain et des personnages secondaires forts. Nous sommes donc loin des ambiances bigger than life de la saison précédente qui se permettait tout ce qu’un budget virtuellement illimité permettait !

On ne peut pas trop en dire sur ce tome sans dévoiler certains retournements de situation mais le rythme, le respect de la mythologie et le nouveau statu quo concernant les vampires ( rebaptisés zompires par les héros ) mènent le lecteur du début à la fin sans l’ennuyer. Les dessins sont toujours signés Georges Jeanty  dont le style n’a pas foncièrement changé depuis le début de la série. 

lundi 17 décembre 2012

Hiver Gothamite


Ambiance de fêtes de fin d’année chez Urban Comics qui édite en VF : Batman Noël, écrit et dessiné par Lee Bermejo et se basant sur le célèbre «  Un conte de Noël » de Charles Dickens.

Bob est un type ordinaire que la crise a poussé vers un mode de vie qui l’est moins : le crime. Et à Gotham, criminalité rime souvent avec folie. Alors quand son boss se fait appeler le Joker et que le Batman est de sortie, Bob a toutes les raisons de craindre les rues de la ville. Et ça ne manque pas, Batman lui tombe dessus, l’empêche de faire son taff et le voila en danger de mort : le Joker va se venger et Bob va servir d’appât à la chauve-souris. Une chauve-souris implacable,  limite psychorigide que la visite de « trois esprits » va changer.

Bon, dis comme ça, ça fait un peu cul-cul la praline. Mais Dickens accompagnait ses textes d’une dimension sociale, décrivant et décriant la crasse et la misère des couches les plus pauvres de la population. Ici, les descriptions minutieuses de Sir Charles sont remplacées par les dessins de Bermejo, qui fournit un travail remarquable sur les décors ( fouillés, miteux, détaillés, sombres ) qu’il teinte d’une ambiance visuelle éblouissante, réussissant à transformer la neige qui recouvre Gotham en un élément qui met en lumière sa noirceur.




Les personnages ne sont pas en reste : les visages sont marqués par les émotions, les rides et les ridules ( et les rictus d’un certain malade en mauve ) sont inscrites avec soins. Les costumes , rendus de manières réalistes, ne font jamais pyjama ( contrairement aux travaux d’un autre dessinateur, Alex Ross ) et retranscrivent le caractère du personnage qui les porte. On a jamais vu une Catwoman aussi sexuée depuis des lustres : Bermejo ne montre rien mais dévoile tout !




Reste que le déroulement de l’intrigue est cousu d’un fil aussi blanc que la neige ! Sans doute parce que l’histoire qui lui sert de base est connue et reconnue depuis l’époque de sa parution ! Il y a donc ce sentiment de voir venir les choses qui nous tient dès que l’introduction est finie. Une semi-déception scénaristique donc, mais un vrai régal pour les yeux !

dimanche 2 décembre 2012

Livre muet.


Il y a un an sortait sur nos écrans «  The Artist », film muet et en noir & blanc. Projet casse-gueule qui termina sa carrière avec un public et une critique conquis ! …et 131 récompenses ! Un livre revenant sur sa genèse et sa création n’était pas de trop.

Bel objet de 200 pages, The Artist Le Livre n’a pourtant que peu de choses à voir avec un making-of écrit comme avait pu l’être l'énorme et excellent «  Dans les coulisses de la trilogie Dark Knight » . 
S’il revient bien entendu sur certains détails importants, il en oublie d’autres.

Le texte se présente sous deux formes distinctes : un texte explicatif et une interview très conséquente de Michel Hazanavicius, le réalisateur. Ce dernier connaît son film, son sujet et ses références sur le bout de ses 10 doigts. 
Et en plus il en parle avec verve, un régal de lecture et une savoureuse leçon d’histoire du cinéma. Car cet homme, cinéphile, arrive à parler de l’art qu’il aime et le fait vivre sans prendre la grosse tête qui sied à bon nombres d’experts en la matière. Il ne cherche pas à étaler sa science mais à y faire prendre goût ! Respecter le lecteur est toujours payant !

L’entretien et le texte didactique nous éclaire sur le parcours de l’écriture du scénario (qui est passé par bien des phases !!! ), de la recherche d’un producteur, du choix des acteurs, de la mise en scène ultra-pensée en amont et même de l’usage réfléchi des couleurs lors du tournage. 
Le tout est agrémenté d’une étude sur les influences filmiques de The Artist, que cela soit des films célèbres ou des acteurs (et actrices) emblématiques. On regrettera cependant un manque de détails techniques : si la musique , oscarisée, est bien présentée d’autres aspects comme le travail d’étalonnage de la photo, de son passage à la couleur au noir & blanc etc…sont survolés. Rien de grave pour le lecteur curieux mais pour l’amoureux du cinéma cela reste une légère frustration.




Le tout est richement illustré avec un maximum de photos (mêmes celles du tournage) en noir & blanc pour préserver la magie du film ! Un bien bel objet, disponible aux éditions de la Martinière !