lundi 6 octobre 2014

Dracula que l'on encu...

Au commencent, il y eu un roman, publié en langue anglaise en 1897 : Dracula, écrit par Bram Stoker.
L'histoire est connue de tous, du moins dans les grandes largeurs : l'arrivée en Angleterre DU vampire et de comment un petit groupe aidé par les conseils du Prof.Van Helsing va réussir à le repousser et finalement le détruire dans son château transylvanien.

Le cinéma s'emparera de l'histoire et ce média de masse imprimera à jamais la légende dans l'inconscient collectif dès les années 20.

Mais Dracula, ce n'est pas que le nom d'un comte transylvanien, c'est aussi l'un des surnoms de Vlad III "L'empaleur", Voïvode de Valachie ayant régné sur une partie de l'actuelle Roumanie au XVeme siècle. Son père, Vlad II était dit Dracul en raison de son appartenance à l'ordre du Dragon. La particule "a" en fin du mot signifie "petit" ou "fils de".
Dracula est donc le petit dragon (ou fils du dragon) encore que Dracul puisse également signifier "Diable" (mais l'ordre défendant la Croix face aux Croissants des Ottomans, difficile de penser que l'aspect diabolique soit vraiment associé à l'histoire qui nous préoccupe en ce moment).

Vlad III est connu pour ses actions violentes et sanglantes ( mais la plupart des sources de bases proviennent des Ottomans, une certaine prudence, qui n'a semble-t-il jamais été de mise dans les récits historiques vulgarisés, est donc à appliquer sur tout ceci) et son goût prononcé pour empaler ses adversaires. Surtout les turcs ottomans dont il a été l'otage royal durant une bonne partie de sa vie avant de monter sur le trône.
Stoker n'a jamais admis s'être vraiment inspiré de Vlad III pour créer son vampire mais les théories sur la chose n'ont cessé d'être répandues et, en 1993, un film va définitivement mélanger les deux et ils seront désormais indissociables.

Le Dracula de Francis Ford Coppola commence donc par une séquence absente du roman : la venue au monde du Vampire après une vie humaine. Vlad "Dracula" l'empaleur devient le vampire Dracula sous les yeux du public après qu'une ruse ottomane ait poussé sa femme au suicide. Rongé par la haine envers un Dieu qu'il avait défendu et la peine d'avoir perdu l'amour de sa vie, Dracula erre sur Terre pendant 400 ans avant de retrouver Mina Murray qui pourrait être la réincarnation de sa défunte épouse.



Monstre dramatique et romantique, Dracula va tenter de la conquérir tout en assouvissant ses viles habitudes nutritives…
Les bonnes intentions de Coppola se sont transformées en pavés infernaux pour le mythe du vampire en général et pour le comte sanguinaire en particulier. En littérature comme en fiction visuelle, tout le monde y ira de sa petite version des origines du vampire ( de la plus proche de celle de 1993 à la plus éloignée) pour le meilleur mais plus souvent pour le pire…

Le meilleur.

Le pire. Dracula serait en fait Judas. 

La genèse du film est une aventure en soi.
En 2005, Batman Begins relançait la chauve-souris gothamite depuis le début sous la férule de Warner Bros.
En 2006, Casino Royale faisait de même avec James Bond désormais sous la protection de Columbia Pictures/Sony.
Les deux films ont eu un succès tel que les autres studios commencent à envisager de lancer des films basés sur leurs franchises phares et revenant sur les débuts de ces héros connus du public depuis des années. Le tout contenant quelques réussites ( X-men First Class, Man of Steel) et beaucoup de déchets ( Jack Ryan : Shadow Recruit, The Amazing Spider-Man,… )
Le projet est d'abord initié en 2007 par Universal sous le titre Dracula year one avant de bifurquer vers Dracula year zero.



Deux excellents films...qui donneront de très mauvaises idées (germées pour les mauvaises raisons) aux concurrents.

C'est le réalisateur Alex Proyas ( The Crow, I,Robot) qui est choisi pour mettre en scène les premiers émois sanguinaires de Dracula. Son mot d'ordre pour le film sera : " Des crocs, des filles, du sang et pas de chauve-souris ! ". Une approche qui mêle Eros et Thanatos, point.
Australien, le réalisateur souhaite tourner sur ses terres natales et jette son dévolu sur deux acteurs du crû pour incarner Vlad Dracula et son épouse : Sam Worthington ( Avatar) et Abbie Cornish (Sucker Punch).
Mais le budget du film est si colossal qu'Universal jette l'éponge. Proyas s'en va se focaliser sur son adaptation de Paradise Lost, qui elle aussi capotera.

Initié par le succès d'un héros ( Batman) c'est le succès d'une équipe qui va relancer la machine.
Avengers sort en avril 2012 et explose le box-office. Marvel Studios a mis sur pied un univers partagé au cinéma et cela donne des idées aux banquiers qui tiennent aujourd'hui les studios. Si la recette fonctionne ailleurs, pourquoi ne pas l'appliquer chez nous ? (oui, leurs réflexions primaires me laissent également sans voix).
En  mai 2012, Universal annonce son envie de relancer le concept Van Helsing en le reprenant du début. En Juillet de la même année, le projet Dracula ressort des cartons suivi du reboot de La Momie.Le but semi-avoué est de lancer une nouvelle vague de films de monstres, revenant à leurs origines et de les faire évoluer dans le même univers pour culminer avec un film Van Helsing.

Dans le même temps, le studio Legendary Pictures ( qui chapeautait pour Warner Bros. toutes les productions en rapport avec la pop-culture et les adaptations des comics DC en particulier ) se voit remercier par Warner qui souhaite signer ses succès seul sans partager louanges et royalties. Universal signe donc un contrat avec Legendary. Le pacte peut sembler aller de soi, Universal possédant dans son giron un beau bestiaire nourrissant la culture populaire comme Dracula, Le Loup-Garou, La Momie…

Gary Shore, inconnu au bataillon, est engagé pour réaliser le film. Luke Evans prend la place de Sam Worthington et l'Australie est troquée contre l'Irlande. Les premières fuites apparaissent sur le net : l'histoire contera l'histoire de Vlad III qui, face aux armées ottomanes, fera un pacte avec la sorcière Baba Yaga pour acquérir un pouvoir capable de repousser l'envahisseur. Samantha Barks est engagée pour jouer la sorcière. Pourtant, elle n'apparaitra pas dans le film. Pour les raisons ci-dessous.
Le film est prévu pour le mois d'Août 2014 avant d'être repoussé au mois d'Octobre. Car de multiples reshoots vont être exigés par Universal, ce qui retardera la sortie du film.
Film dont je vais vous entretenir maintenant…

1462, neuf ans après la Chute de Constatinople. Le Prince Vlad règne sur la Transylvanie. Ancien janissaire au service des Ottomans, Vlad a été libéré de son service et tente de maintenir la paix en son royaume. Il a renié son passé de guerrier et rangé son armure ornée d'un dragon au placard.
 Un jour, deux évènements vont sceller son destin : 1° la découverte des preuves que des éclaireurs turcs sont passés sur ses terres et sont morts en traversant la montagne de la Dent Cassée. 2° La découverte d'une grotte dans la-dite montagne renfermant une créature sanguinaire prisonnière depuis des siècles…



(Bon déjà, pour la véracité historique c'est déjà mal engagé -  Vlad janissaire, la bonne blague… - et Baba Yaga déjà expulsée du film pour cause de reshoot.)

Les éclaireurs turcs n'étaient qu'un prélude : un émissaire de Mehmed II le Conquérant ( qui prit Constantinople ) arrive à la cour de Vlad ,flanqué d'une bande de janissaire psychopathes. Celui-ci réclame un tribut en argent à Vlad ainsi que 1000 garçons pour servir dans l'armée du Sultan pour combattre en Hongrie et au siège de Vienne (oui, oui, celui de 1529…quel visionnaire ce Mehmed. Au fait, quand on veut prendre la chrétienté par surprise, on n'annonce pas ses cibles un siècle à l'avance non plus ! Je dis ça je dis rien, en stratégie militaire je ne suis qu'un amateur.)  ainsi que le fils de Vlad comme otage royal.

Refusant de livrer son enfant, Vlad tue les hommes venus le chercher et s'attire les foudres de la guerre. Son seul espoir réside dans la créature vivant dans la grotte, un vampire d'après les registres du monastère où il a fait quelques recherches, et qui pourrait lui fournir la force nécessaire pour défaire les troupes turques.


( et là, double fête du slip : le mot vampire n’apparaît pas avant le XVIIIeme siècle déjà puisque dans cette région on les appelle strigoï, terme qui donnera naissance à stryge, ensuite l'étymologie du mot donnée par le moine est complètement conne et à côté de la plaque, une honte totale et absolue que de prétendre que vampire provient du mot grec pi qui signifierait boire…et cette bêtise va s'imprimer dans tout un tas de cerveaux. Les scénaristes n'ont fait aucune recherche sur les sujets du film! pi vaut toujours 3,14 et pino veut dire boire, merci Amsterdam bonsoir !).



Commençons par les points positifs : Luke Evans est un bon acteur, il croit en son personnage et lui donne de l'épaisseur. Et deux trois bonnes idées parsèment le film. Voila…

Pour le reste : les incohérences sont légions ( comment un vampire coincé dans une grotte ,dont il faut être un alpiniste aussi fortiche que le Lénonidas de 300 pour l'atteindre, peut-il être LA peur des habitants et vivre sur un sol composé des os de centaines de personnes ? ), les incongruités sont effarantes. D'ailleurs, l'entrée de la grotte change selon  qu'elle a été tournée pour la version "Baba Yaga " et la version "vampire centenaire": on passe d'une grotte toute simple à une entrée de style pseudo-romain pour appuyer le fait (jamais clairement dit dans le film) que le dit-vampire, incarné par le toujours classe et flippant Charles Dance, soit en réalité…Caligula. Vous avez dit " n'importe quoi " ?

Le rythme et l’enchaînement des scènes sont trop rapides pour qu'une empathie quelconque puisse nous lier au sort des personnages, certaines semblant même sortir de nulle part ou avoir été placée au mauvais endroit du film.
Certains personnages, également sortis de nulle part, acquièrent une importance capitale pour certaines séquences (celle de l'incendie provoquée par les villageois est flagrante: celui qui lance le mouvement est clairement mis en évidence par la réalisation et le montage, signe , sans doute, que son personnage avait une importance dans des scènes probablement coupées : c'est ça ,soit le réalisateur ne connaît rien à la grammaire cinématographique. Pareil pour le bohémien qui souhaite servir Vlad.).
Tout cela vient renforcer le sentiment qu'il manque une pelletée de scènes et que certaines ont été rajoutées à la va-comme-je-te-pousse pour donner un peu de liant à l'ensemble.



Les scènes de combats sont hachées et difficiles à lire, c'est fouillis et peu emballant visuellement, que ça soit lors de corps à corps plus ou moins classiques ou lorsque que Vlad fait appel à des hordes de chauve-souris qui ressemblent plus à un essaim géant de mouches qu'à des chiroptères une fois en mouvement à l'écran. Pour un homme capable de plier à sa volonté les créatures de la nuit, il ne fait appel qu'à une seule espèce d'entre elles.Et pas la plus dangereuse hein. Non, une horde de petites bestioles qui font, au mieux en Europe, 10 cm de long et pèsent moins de 30 grammes. Je n'ose imaginer ce qu'un réalisateur couillu aurait pu nous faire avec l'arsenal complet du vampire : chiroptères géants, loups, etc…

Dracula est ici une sorte de super-héros dramatique et maudit ( mort d'un être cher, entrainement pour devenir un guerrier imparable , acquisition de super-pouvoirs et un costume à emblème dont l'apparition rappelle celle du bat-costume dans Batman Begins mais en moins bien : quand on sait pas pomper, on ne pompe pas !).



Le thème du héros contraint de se damner volontairement pour préserver les siens n'est pas nouveau ( Ghost Rider, Anakin Skywalker, Spawn) mais fonctionne toujours correctement pour peu qu'il soit bien traité.
Ce n'est clairement pas le cas ici et ce ne sont pas les clins d'œil appuyés ( le name dropping de certains noms connus des adorateurs du livre de Stoker comme le col de Borgo ou les trois femmes vampires) ni l'idée d'une armée vengeresse en fin de film qui viendront sauver celui-ci ni sauver le spectateur d'un ennui gêné ( le film dure une heure et demi et semble en durer le double) renforcé par la sensation d'assister à un immense gâchis tant les bases auraient pu être solides.



Les sous-entendus thématiques sont clairement naïfs , manichéens et limites racistes tant seuls les transylvaniens chrétiens sont représentés comme pouvant faire preuve de noblesse, les musulmans et leur alliés étant des malades sadiques et malveillants ( on vous rappelle que les territoires conquis tombaient sous la liberté de culte et ce plus d'un siècle avant l'édit de Nantes ? ).

Des intentions initiales d'Alex Proyas, il ne reste presque rien car Gary Shore a tout envoyé valser : quelques crocs, du sang qu'on essaye un maximum de cacher et des nuées de chauve-souris réputées buveuses de sang des centaines d'années avant que la race des chiroptères vampires ne soit découverte.
La fin est là pour bien nous montrer qu'il s'agit ici du premier acte d'une franchise et on n'en demandait pas tant.

Dracula Untold aurait du le resté, untold.

dimanche 5 octobre 2014

Original : des origines sans origine ou originalité

Deadpool, le mercenaire avec une grande gueule et un pouvoir régénérateur à la Wolverine, est devenu en quelques années une sorte d'idole des comics chez nous : les publications en VF se multiplient autour de ce croisement improbable entre Spider-Man (pour l'humour et le costume "fallait oser"), une gaufre trop cuite (pour la tronche grillée) et une tortue ninja fan de Rambo (pour les armes en pagaille dont le poids total ferait chanceler un Hulk sous amphétamines).


C'est donc tout naturellement que Panini Comics décide d'enfin rééditer les deux premières mini-séries que Marvel avait consacrées à ce malade mental dans un seul et même volume sobrement intitulé : Les Origines (notons qu'il s'agit du troisième "Best of Marvel" à contenir ce mot dans le titre).

Premier truc qui fait tiquer : le titre est mensonger. En effet, Deadpool, comme le léger texte d'introduction nous le dit, n'apparaît pas pour la première fois dans ces pages mais dans celles de la série New Mutants qui deviendra plus tard X-Force. Ensuite, les origines de cet anti-héros sont obscures et seuls quelques éléments seront distillés au fil des pages afin de créer un mystère semblable à celui entourant Logan/James Hewlet/Wolverine.

La première partie date de 1993 et est scénarisée par Fabian Nicieza et dessinée par Joe Madureira.
Le mercenaire Tolliver est mort et tous les pourris de la planète souhaitent mettre la main sur son héritage mais pour cela, il faut retrouver les différentes parties de son testament. La chasse est ouverte et Deadpool en est. Un Deadpool encore un peu prototype puisqu'il n'est pas encore le barjot total et absolu que nous connaissons aujourd'hui. Il est juste encore plus bavard qu'un homme politique à qui on ne coupe pas le micro.

Alors, cette mini-série prend place dans la continuité de X-Force et n'est pas vraiment auto-contenue : dès lors, si vous n'avez pas un BAC+15 en histoire mutantes ou un rédactionnel de la part de Panini, vous aurez du mal à vous y retrouver. Mais Panini a pensé à vous. Non, je déconne, démerdez-vous pauvres pigeons fans de Deadpool, nouvelle vaches à lait que vous êtes !
Plongé dans un univers qu'il est censé connaître mais qu'il ne connait pas, le lecteur qui découvre cette histoire va louper pas mal de chocs lors des révélations. Cela dessert l'empathie que l'on pourrait avoir pour certains personnages.
L'écriture n'aide pas, l'histoire étant fouillis et parfois incompréhensible d'incohérences. C'est qu'il s'agit ici de singer les héros Image Comics, maison fondée l'année précédente par les stars montantes du dessin de Marvel et dont les ventes colossales ont surtout reposé sur les prouesses des dessinateurs et pas sur leurs pauvres scénarios (Spawn faisant un peu figure d'exception).




Serait-ce du côté graphique que le salut viendra ? Eh bien pas entièrement. Joe Madureira n'est pas encore le Madureira d'aujourd'hui, celui qui explose la rétine (mais qui ne sait pas tenir une cadence d'un numéro par mois). Alors c'est bien mais pas top, on sent le potentiel mais il est encore inexpérimenté et cela se voit parfois.


La seconde mini-série date de 1994 et cette fois, c'est Mark Waid, scénariste venu de chez DC, qui s'y colle. Avec encore un débutant aux crayons, Ian Churchill.

Waid a fait ses devoirs et se place dans la continuité de la première mini-série mais décide de ne pas en faire une spin-off de X-Force. Croisé lors de la première partie, Black Tom Cassidy est mourant et place un contrat sur Deadpool : il est convaincu que le facteur de guérison du mercenaire peut le sauver. Dans le même temps, son cousin Sean Cassidy, alias le X-Men Banshee/Le Hurleur, ancien membre d'Interpol, cherche à mettre la main sur le mouton noir de la famille. Il est aidé par Théresa, sa fille, alias Cyren. Leur route va donc croiser celle de Deadpool (qui a un passé avec Cassidy et un de ses partenaires d'Interpol) qui va flasher sur Cyren.
Le rythme est prenant, il se passe des choses, les personnages doutent (les affaires de famille, c'est souvent un bon terreau à exploiter) et Deadpool commence à vraiment placer des blagues dans sa logorrhée interminable.
Ian Churchill offre de belles planches mais a du mal à tenir les délais, raison pour laquelle certaines sont dessinées par d'autres. Le mix n'est pas indigeste car il semble y avoir eu un effort pour harmoniser les traits entre dessinateurs… et la colorisation aide également à cette homogénéité !

Un album en demi-teinte donc mais que les fans de Deadpool ne peuvent pas laisser passer, ne serait-ce que pour découvrir le héros avant que son concept actuel n'existe vraiment.
Dans une intégrale X-force, ça aurait sans doute eu plus de poids et de consistance... mais là, c'est comme si on vous servait l’assaisonnement sans le plat principal.