jeudi 4 avril 2013

Noir c'est noir.


Amis des ambiances noires, bonsoir ! Aujourd’hui, un petit voyage vers le passé vous est proposé par Dennis Lehane, auteur de polars loin des usines réglées comme un coucou suisse que sont Harlan Coben ou Michael Connelly , par exemple.

1926, Boston. La prohibition est de rigueur mais l’alcool continue de couler à flots. Le crime organisé a trouvé là une occasion sensationnelle de s’enrichir et de s’organiser encore plus. C’est dans cet univers qu’évolue Joe Coughlin. Joe est le plus jeune fils d’un haut gradé le police, Thomas Coughlin. Que ne feraient pas les garçons pour ne pas ressembler à leur père ?
Joe finit en taule et sera affranchi par un vieux prisonnier qui en fera un de ses associés à sa sortie. Une sortie qui va l’emmener loin de son Boston natal, là où sa tête de fils d’immigré irlandais va prendre de sacrés coups de soleil : la Floride*.

Il y a un avant et un après Un pays à l’aube  ( dont ce roman est une forme de suite ) chez Lehane. Ses premiers romans étaient une série mettant en scène les détectives Patrick Kenzie et Angie Gennaro. 5 tomes en tout ( un sixième verrait le jour plus tard ) qui allaient du très bon polar au roman qu’on ne pouvait lâcher ( le second tome de la série, Ténèbres, prenez-moi la main, restant à ce jour l’une de mes plus belles claques. Ben Affleck préférera adapter Gone, Baby,Gone).

Ont suivi Shutter Island,Mystic River et son mont Everest, sa 5me symphonie : Un pays à l’aube. Un sommet absolu dont la longueur n’avait d’égale que la qualité.
Mais voila, escalader une montagne n’est pas un exercice aisé et recommencer peut s’avérer impossible. Moonlight Mile, 6me roman de la série Kenzie/Gennaro sorti en 2012 est loin d’être le meilleur de la série(mais c’est à se demander s’il ne l’avait pas écrit pour qu’enfin on arrête de lui réclamer).

Le voir revenir dans l’univers des Coughlin de Boston m’enchantait donc. Et si le roman n’a pas été à la hauteur de mes espérances, il n’en reste pas moins un livre prenant aux tripes.

Durant près de 600 pages, Joe va servir au lecteur de guide au travers du crime organisé : que ce soit les petits coups, la prison & ses dangers où encore comment gravir les échelons. Le but de Lehane ici n’est pas d’explorer au microscope une période courte dans un endroit donné mais d’offrir une aventure humaine sur une période relativement longue.

On connaît tous les rouages du milieu, de la famille et ses clichés. Lehane ne s’attardera donc pas trop là-dessus. Au lieu de ça, il s’attardera sur Joe, comment il voit les choses, comment il réagit pour mener son business, l’éviction  de ses concurrents ( qui relève autant de la politique que de la violence pure). Et il n’est pas impossible qu’il vivre une histoire d’amour qui le marquera plus qu’il ne le croit ( les héros de Lehane sont toujours des romantiques dans l’âme). Le reste n’est que décorum. Mais un décorum dont Lehane sait tirer parti pour ne jamais endormir le lecteur ( c’est le cas de le dire, je l’ai lu en une nuit !!! ).

Diablement documenté historiquement pour recréer l’ambiance de ces années qui virent couler autant de sang que d’alcool dans les rues , Ils vivent la nuit n’atteint pas le niveau d’Un pays à l’aube, Lehane semblant incapable de réitérer l’exploit monstre que fût son Grand Roman. C’est la grosse déception de ce titre. Mais en faisant abstraction de ça, il reste imprimé dans ce livre un polar fiévreux, enivré et enivrant, doux comme le miel et chaud comme le rhum de contrebande. Mais aussi amer et noir que le sang vicié qui coule dans la gorge après un passage à tabac, et dont le goût ne cesse de revenir à la charge dans votre mémoire chaque fois que votre bouche vous  rappelle qu’il vous manque quelques dents.
Notons que Ben Affleck (encore lui!) réalisera l’adaptation au cinéma.

*Ce n’est pas la première fois qu’un héros bien bostonien finit en Floride chez Lehane, Patrick Kenzie y faisait déjà un grand détour dans Sacré, troisième tome de la série dont il était le héros.

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