vendredi 22 février 2019

Pas de ce monde.

Quand l’hiver s’est installé, que les flocons portés par le froid et le vent envahissent les rues des villes comme des villages, arrive un phénomène éditorial fixe chez Albin Michel : l’arrivée d’un nouvel ouvrage de Stephen  ( n’oubliez pas, ça se prononce Steven , si si, trust my english ) King !

Faux maître de l’horreur mais véritable horloger du suspens surnaturel et/ou psychologique , King nous revient avec une histoire que l’éditeur n’hésite pas à faire comparer à «  Ça » , roman somme des obsessions horrifiques et héroïques de l’auteur le plus célèbre du Maine. S’il ne s’agit pas d’un travestissement de la réalité , l’on est pourtant bien en présence d’un grossissement grossier de la part de l’éditeur tentant d’attirer le lecteur  épisodique et de caresser dans le sens du poil le vieil habitué.
« L’outsider » n’a ni la grosseur ni le souffle de son cousin ayant eu les honneurs d’un film sorti fin 2017.
Il n’en reste pas moins une sacrée bonne lecture.




Terry Maitland est accusé d’un meurtre particulièrement odieux perpétré sur un enfant de 11 ans.
Ses empreintes et son ADN sont retrouvés sur le corps et sur les lieux. Les témoins sont formels, c’est lui ! Terry est connu en ville, il coach l’équipe de base-ball des gamins du coin.
Embarqué devant la foule, Terry tombe pourtant des nues. Car son alibi est en béton armé : il était loin au moment du crime.
Les preuves scientifiques sont formelles, elles ne mentent pas. Terry non plus.
Alors qui est le coupable , qui se cache dans l’ombre et profite du crime ?

Le thème du double maléfique n’est pas nouveau dans la littérature ou les arts séquentiels  ( les comics et les séries télés n’ont-elles jamais utilisés ce ressort dramatique, parfois lourdement parfois avec génie et malice ? – Fringe par exemple) . Mais que King crée ses monstres ou emprunte le concept ( vampires, loups-garous ou fantômes, King a puisé également dans les classiques ) , il servira toujours le plat à sa sauce.
Et ici, non seulement elle prend, mais elle monte inexorablement.

Des prémices de l’affaire décrites en alternance : arrestation et incarcération provisoire sont entrecoupés par  les PV d’auditions des témoins ainsi que les divers rapports d’analyse et d’autopsie, permettant de créer doutes et suspicions. Et d’étaler la férocité du prédateur qui a sévi. En 200 pages, King s’attache plus à l’aspect pragmatique de l’enquête ( preuves, témoignages, retombées politiques pour le procureur aux dents aussi longues que celles de Dracula ) qu’à la chute psychologique et kafkaïenne de Terry qui ne peut comprendre comment cela peut lui tomber dessus.
Magistrale et choquante  , cette première partie repose sur une mécanique si bien huilée qu’elle glisse toute seule sous nos yeux. Le revers de la médaille c’est que King fait du King et que, pour le lecteur assidu de ses écrits , certaines choses se devinent un peu sur l'enchaînement. Rien de bien dommageable mais la ficelle est parfois visible, Stephen Gepetto !

Vient ensuite le reste du roman. Dès lors que l’impossible ,voire l’improbable, s’est fait une place consciente ou semi-consciente chez les personnages principaux, l’enquête reprend du début. King réintroduit un personnage d’une histoire précédente pour offrir un point de vue neuf sur la chose, c’est à la fois narrativement bien foutu car cela redynamise le récit et participe à la connivence avec le lecteur pas mécontent d’avoir des nouvelles d’une personne attachante et volontaire qui avait fortement humanisé une aventure passée.
Et une fois le mystère résolut, nos héros se mettront en chasse. Dans un suspense de jeu d’échecs qui va crescendo et qui hélas se termine peut-être un peu vite ; pas un pétard mouillé mais pas le feu d’artifice promis par l’emballage.

Mais là encore, King fait du King. Il le fait bien mais il est indéniable que certains éléments sont déjà vu. Dans «  Ça » par exemple : un groupe volontaire face à une entité malfaisante qui dispose d’un pantin humain bien plus libre de ses mouvements aux yeux de tous qu’elle.  Et il ne peut s’empêcher, gratuitement ou non , seul l’avenir le dira, à poser quelques subtiles références et clins d’œil à son cycle ultime : « La Tour Sombre » ( une saga reliant TOUS les livres de King entre eux, telle une immense colonne vertébrale invisible sous-tendant un multivers exponentiel, oui rien que ça ).
Entre autres références bien entendu (à vous des les retrouver  mais en voici une troublante : l’inspecteur Ralph Anderson, un des héros du livre, se nomme comme l’un des protagoniste de « La tempête du siècle » ) , sans oublier , quand il le peut, la possibilité pour King de descendre Shining de Kubrick (on ses cibles favorites ou l’on n’en a pas après tout ).

Prenant mais mineur dans sa bibliographie, L’outsider marque surtout pour son concept et son véritable personnage principal qui n’apparaît qu’une fois un bon tiers entamé. Les connaisseurs apprécieront de retrouver une recette connue et savoureuse, comme lorsque l’on commande son plat favori au resto chinois du coin, les autres seront pris dans une machine implacable qui donnera peut-être envie de se pencher plus avant sur les récits du plus célèbre auteur habitant Bangor.
Un bel ouvrage, générique pour du King, mais tout à fait recommandable.

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