mardi 16 avril 2019

Panspermie (?)


1939. L’Allemagne Nazie est sur le point de s’étendre en Europe.
La propagande marche à plein régime totalitaire.
Friederich Saxhäuser , agent secret du SD , est un nazi de la première heure. Ancien garde du corps d’Hitler alors que le petit autrichien n’était qu’un agitateur de taverne, Saxhäuser jouit de la confiance du Führer et de son âme damnée, Heinrich Himmler, dans l’ombre duquel navigue le Fauve Blond, Reinhard Heydrich ( HHhH), aussi enragé qu’ambitieux et qui ne porte pas un personnage tel que Saxhäuser dans son cœur de fer.
Mais Saxhäuser ne s’en inquiète pas encore trop. Nazi par opportunisme et rage envers le traité de Versailles, Friederich a vite trouvé la parade pour rester loin du nid de vipère qu’est devenu Berlin, voire toute la Germanie : être un espion à l’étranger.

Et lors d’un de ses retours dans la capitale, Himmler le charge d’une mission en Irak. Officiellement, pour recueillir des informations et instaurer de bonnes relations avec d’éminents Irakiens prêts à les aider en attisant leur haine des juifs.  Officieusement, Himmler, occultiste notoire et convaincu de pouvoir prouver que la race aryenne est bien supérieure, charge Saxhäuser d’accompagner une expédition archéologique prometteuse.
Saxhäuser va alors faire une découverte. Une découverte pouvant faire pencher la balance envers l’Allemagne dans le cours d’une guerre qui s’annonce inévitable.
Mais cet homme froid, méticuleux et méfiant envers ses maîtres permettra-t-il que les monstres qu’il sert puissent enserrer le monde entier ? Ou au contraire prendra-t-il un autre parti, une voie radicalement différente que ce qu’il avait toujours bien pu imaginer ?

Première œuvre romanesque de Stéphane Przybylski, déjà auteur d’ouvrages historiques, la tétralogie des origines se lit comme un seul et même roman. Un énorme roman mêlant l’histoire avec un grand H, théories du complot alien cher à X-files et souffle romanesque puissant.

Que ces personnages soient réels ou fictifs, Przybylski apporte un soin certain à la caractérisation des protagonistes, n’hésitant jamais à doser les zones de gris pour nous faire pénétrer jusque dans les âmes les plus noires. Que les chapitres soient longs ou courts, Przybylski navigue entre les timelines pour tour à tour offrir des éclaircissements sur le passé des personnages ou préparer des rebondissements à l’aide de flashforwards.
Bien que cela demande au lecteur une certaine attention pour remettre ce puzzle dans l’ordre, Przybylski prend soin de ne jamais faire perdre le fil de l’intrigue principale. Une mécanique qui tient de l’orfèvrerie suisse.

Et comme chaque pièce d’orfèvrerie, Przybylski nous invite à d’abord nous dévoiler la surface avant de plonger dans les rouages de son histoire. Au fil des pages, et des tomes, les personnages qu’il suit et décrit se multiplient, les points de vue abondent, rappelant dans la forme un certain G.R.R Martin, l’auteur du «  Trône de fer ».

Espionnage, suspense, action, infiltration, batailles intimes ou dantesques, sa tétralogie ne manque ni de charmes ( féminins ) ni d’atouts : une connaissance de l’histoire au top ( vous apprendrez des trucs, que cela soit en lisant le roman ou dans les annexes – une vraie mine de renseignements pour épater vos amis ), une roublardise pour utiliser les ombres de l’Histoire (et de son histoire ), des personnages charismatiques et une écriture certes parfois ampoulées ( certains dialogues sont si littéraires qu’ils sonnent faux et font très fonctionnels, libérant la bonne info aux lecteurs au bon moment) mais terriblement fluide.

La perfection n’étant pas de ce monde, des scories se glissent ça et là entre les paragraphes. Ainsi, il n’est pas rare que l’aspect surnaturel de l’intrigue, qui , s’il est le moteur de l’action, est finalement la portion congrue du récit, sente un peu trop la série B pulp des années 40 à 50 et détonne dans le réalisme über documenté qui baigne une intrigue à tiroirs eux-mêmes cachant des poupées russes en leur sein. Certaines libertés avec l’histoire officielle peuvent choquer et demander une grande suspension d’incrédulité de la part du lecteur qui, happé, pardonnera sans doute que l’on sorte parfois un coup de théâtre comme l’on sort un lapin blanc d’un chapeau noir d’un magicien.

En oscillant ainsi entre le roman « James Bond » mâtiné d’Indiana Jones (où Indy Bond serait un nazi, parti pris osé ) tendance «  Royaume du crâne de cristal » (perso, le 4éme Jones ne n’a jamais semblé honteux, se plaçant au niveau de « La dernière Croisade » ) et les aventures de Fox Mulder, Przybylski joue parfois sur le fil de la corde MAIS s’il tangue, tel un Philippe Petit, ne tombe jamais, se payant même le luxe d’offrir une cohérence entre des éléments qui devenaient contradictoires chez les agents Mulder et Scully.
Car l’on sent l’auteur qui a pensé son récit et n’avance pas à l’aveuglette. Un récit qu’il a bichonné ( la mécanique est implacable et pourtant elle ne se révèle qu’au fil des pages, sans laisser le lecteur anticiper l’action, et ce même lorsque l’on sort d’un flashforward, très fort ! ) et biberonné aux influences les plus emblématiques de la pop-culture des 80’s à nos jours.

Revers de la médaille, en maniant si bien l’art de mixer Histoire et fiction, son œuvre pourrait bien devenir la bible des conspirationnistes les plus allumés.

Une lecture addictive, solidement construite, labyrinthique comme un film de Christopher Nolan et qui est désormais intégralement disponible au format poche chez Pocket.

Aucun commentaire: