mardi 29 juillet 2025

La dernière fille de Krypton !

C’est l’histoire d’une planète lointaine, aux habitants ressemblant aux être humains.

C’est l’histoire d’une planète si avancée technologiquement, scientifiquement et moralement que son hubris l’a aveuglée.

C’est l’histoire d’une planète qui allait imploser et d’un scientifique plaçant son unique enfant dans une nacelle spatiale pour l’envoyer vers la planète Terre et ainsi sauver la chair de sa chair.

C’est l’histoire d’un enfant que vous pensez connaître.

Mais ceci est l’histoire de…Kara Zor-El : Supergirl ! 





«  Ce vaisseau transporte ma fille, Kara Zor-El. Traitez-la comme votre propre enfant et ainsi vous verrez quel trésor elle sera pour votre monde. » 


Supergirl apparait en 1959 , un peu plus de 20 ans après la création de Superman. Elle est décrite comme une jeune fille adolescente/très jeune adulte , cousine de Clark Kent par son père, Zor-El étant le cadet de Jor-El , le père de Kal-El ( Superman ). Au départ simple variation féminine d’un héros masculin , elle acquiert petit à petit sa propre identité s’éloignant du faire valoir du dernier fils de Krypton. 


C’est le prolifique scénariste Tom King qui est chargé en 2021 de faire d’une girl une woman dans une mini-série en 8 épisodes mensuels. Et il va jouer avec les attentes.


Lorsque nous ouvrons le livre, l’histoire nous est narrée par une alien humanoïde du nom de Ruthye, dont le père a été assassiné par Krem, un agent du roi. Ruthye se lance en quête d’un mercenaire dans une taverne malfamée pour chercher vengeance. 

Désarçonnant son lectorat, King se place ici dans ce qui ressemble à un récit classique de fantasy , rappelant tant par son ton que les décors une copie de Conan le cimmérien. Mais le mercenaire se joue de Ruthye et est alors interpellé par un témoin de la scène. Une pochtrone plus solide qu’elle n’en a l’air : Supergirl !

Celle-ci vient de fêter ses 21 ans et selon sa patrie d’adoption est enfin majeure. Mais le seul moyen pour elle de ressentir les effets de l’alcool est de voyager loin, vers une galaxie riche en soleils rouges , élément affaiblissant considérablement nos amis Kryptoniens ( sans tous les effets délétères et  fulgurants de la kryptonite ). Par un concours de circonstances , Kara se retrouve à accompagner Ruthye dans sa quête à travers les étoiles après que Krem, le fourbe et lâche assassin , ait réussi à la blesser et à toucher son chien, Krypto , d’une flèche empoisonnée.







Sous un soleil rouge, rendue moins résistante physiquement mais pas mentalement. 


Kara et Ruthye vont alors écumer les planètes à la recherche de Krem. 


Tom King , comme je le disais plus haut , joue avec les attentes du lecteur. En lieu et place d’une ou de plusieurs aventures de Supergirl sauvant les terriens de menaces diverses et variées, c’est un récit narré par un nouveau personnage, reléguant donc notre héroïne au second rang , dans un cade de space-opera lorgnant vers la space fantasy qu’il nous livre. 


L’on comprend vite en lisant le texte narratif que Ruthye nous raconte ses aventures avec Supergirl lorsque Ruthye était encore jeune, créant un effet de délocalisation temporelle entre ce qui nous est donné à lire et ce qui nous est donné à voir. Est-ce que le texte de Ruthye est mis en image ou bien les images sont-elles ce qui c’est passé , rendant le texte redondant ou pur effet de style ? Et bien cela serait mal connaître Tom King qui, s’il aime être verbeux , le fait rarement pour la simple gloriole. C’est un jeu avec le lecteur , pariant sur le fait que ce dernier aura l’intelligence de questionner la fiabilité de l’écrivaine Ruthye. 


L’autre couche de lecture méta est le portrait en creux de Superman à travers la vie de Supergirl. Alors que son cousin tire la cape à lui ( que cela soit dans son univers fictif ou dans notre réalité ) , Supergirl semble être un personnage secondaire en tout. Tom King nous rappellera, dans des passages parfois douloureux, que si les lecteurs et même les héros la déconsidèrent un peu , elle n’est en rien moins capable de grandeur et de bonté que son illustre cousin. 


Mieux, lors d’un flashback à la dramaturgie ciselée et presque insoutenable de cruauté, King s’emploiera à nous montrer de Krypton ne s’est pas défaite en un jour et qu’un bébé volant à travers l’espace pour s’écraser au Kansas a peut-être bien plus de chances qu’une adolescente ayant pleinement vécu les terribles incidents et tenté d’aider ses concitoyens avant son exil vers la planète bleue. 


Les dessins de l’artiste brézilienne Bilquis Evely rappellent à la fois les grandes œuvres des couvertures de la fantasy des années 50 à 80 tout en alliant les techniques de story telling modernes. Rarement surchargées, ces cases renferment ce qu’il faut d’informations sans pour autant lorgner vers le minimalisme. Si Tom King écrit un petit bijou, les dessins d’Evely sont des pierres précieuses rehaussant l’œuvre et la portant au rang d’incontournable. 



Couverture de Frank Frazetta décrivant John Carter de Mars , également un space opera lorgnant vers la fantasy et qui inspirera Evely.


Supergirl Woman of Tomorrow n’est pas un comics de girl scout gentillet. Si la bonté et la gentilesse inhérente à Supergirl sont bien mises en avant , cela n’est jamais fait au détriment de sa détermination ou de ses capacités bien égales à celles de son illustre cousin. Cousin dont les actions héroïques ont des conséquences sur la vie de notre héroïne. 


Aventure initiatique pour Ruthye, épopée pour Kara , Supergirl Woman of Tomorrow convoque tout autant magie, rappels mythologiques et dépaysement. Tom King croque le portrait de ce duo avec finesse et emphase psychologique, deux orphelines errant dans l’espace en quête d’une nouvelle raison de vivre après la disparition de leurs rêves et aspirations après une tragédie.

Et au centre de tout : un cœur qui bat , des mains tendues et des larmes d’empathie qui coulent face à l’horreur dans des systèmes solaires ou aucun surhomme n’a jamais mis le bout de sa cape. 




C’est un oiseau ? C’est un avion ? Non, c’est Supergirl ! Et elle mérite que vous lui fassiez une place dans votre bibliothèque !







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