Paris,la belle époque. Un tueur en série,surnommé le croc’cœur par la presse, a déjà tué et volé le cœur de 17 jeunes filles. La police est sur les dents. Thomas Devisse est un jeune homme qui a perdu sa mère étant jeune et qui fut pris en charge par son oncle. Un jour,chez un bouquiniste,Thomas découvre un livre rare que recherche son oncle féru d’ésotérie depuis longtemps :le codex angélique. L’oncle de Thomas,savant ayant reçu un prix Noble poursuit le même but depuis des années : réanimer sa sœur plongée dans un caisson d’hibernation peu après qu'elle ait fait un arrêt cardiaque.
Le premier tome suit donc en parallèle l’enquête policière dans tout ce qu’il y avait de peu orthodoxe dans les méthodes de l’époque, la vie de Thomas qui erre de verres d’absinthe en maisons closes pour tenter de faire taire son mal de vivre et la quête de son oncle qui semble progresser à grand pas à la lecture du codex. Le premier tome tient en haleine,non pas que le scénario soit renversant mais par l’absence de temps et une gestion efficace des trois récits s’entremêlant.
Et il n’y a pas que les récits qui s’entremêlent. Si la reconstitution du Paris de l’époque est proche historiquement de ce qu'était la capitale Française ,le scénariste Thierry Gloris introduit des éléments qui ne feraient pas tâche dans un univers steampunk. Si l’idée est louable et permet d’aborder aussi bien la science-fiction que le fantastique, en la pratique le lecteur ne sait pas sur quel pied danser et se demande à quel genre appartient vraiment cette BD. Certes le mélange des genres n’est pas (et de loin) une mauvaise chose. Mais encore faut-il que la sauce prenne. Ce qui ne se fait pas entièrement ici. Et comme on retrouve en prime l’habitude quasi systématique quand il s’agit de récit historique de placer des personnages de l’époque (réels ou imaginaires) on se dit que les clichés ont la vie dure. On croisera ainsi Freud,le docteur Mabuse,Landru,au détour d’une case ou carrément comme faisant part intégrale du casting de personnages secondaires. Difficile de savoir si cela était vraiment nécessaire ou si l’auteur nous lance le message : mais regardez comme j’étale ma culture sans en avoir l’air. Mais ses dialogues sont si fluides et souvent bien amenés que l’usage des argots de l’époque ne semblent jamais être le fait d’un étalage culturelle,preuve qu’il maîtrise sans doute mieux son style d’écriture que les détails de son histoire (mais j’espère que cela évoluera dans le futur).
Cependant,même si l’on échappe pas aux traditionnels retournements de situation et au cliffhanger (mou du genou et pas vraiment bien expliqué) final, les aspects science-fictionnels et fantastiques du récit sont mieux gérés dès le tome 2 (pas parfaitement mais il y a un mieux,preuve que le scénariste dont le tome 1 était le premier travail pro s’améliore avec la pratique). Tome 2 qui offre une ambiance différente (et cela se répétera avec le troisième et dernier tome). Ainsi chaque épisode se voit doter d’une identité propre que cela soit dans ses enjeux ou dans son ambiance que l’on pourrait résumer comme suit ; Tome 1 : From Hell rencontre Frankenstein,Tome 2 : Vol au dessus d’un nid de coucou et Tome 3 : La genèse,Terminator et la divine comédie.
Ambiance magnifiquement restituée par Mikaël Bourgouin ,nouveau venu dont le trait et la mise en couleurs sont magnifiques mais qui manquent de vie,l’ensemble semblant terriblement statique,donnant l’impression que chaque case est la reproduction d’une photo. Mais ce détail n’enlève rien à la beauté intrinsèque des illustrations de cet artiste qui est appelé à refaire parler de lui.
Au final,Le Codex Angélique forme une trilogie en demi-teinte.L’aspect pseudo-esotérico-religieux qui se prend très (trop ! ) au sérieux ne m’a pas aidé à appréhender comme il le faudrait les enjeux que cet aspect en particulier donne au récit (je suis plus à l’aise quand cela est traité de façon plus décalée,comme dans Preacher de Garth Ennis et Steve Dillon par exemple,ou Spawn et Ghost Rider qui font dans la surenchère désamorçante). Cependant,les dialogues et les dessins sauvent l’ensemble et ,si ils n’accouchent pas d’une œuvre qui fera date, plantent les graines pour deux futurs auteurs dont on reparlera pour peu qu’ils évoluent un brin. Mais en l'état le scénario de cette série aurait tout à fait eu sa place dans la collection "Série B" de son éditeur : Delcourt,et seul la parure somptueuse offerte au scénario par Bourgouoin ne correspond pas aux standards en se plaçant bien au dessus du style graphique habituel de la-dite collection.
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