dimanche 10 décembre 2017

Silence, on tue.

1995. Michael Mann sort Heat, polar inclassable où deux monstres sacrés du cinéma s’affrontent :
Robert de Niro et Al Pacino.
L’un,De Niro, incarne un braqueur pro, soignant aussi bien son apparence que ses coups. Lorsque que le dernier dérape par la faute d’une tête brûlée qu’il venait de recruter,il se retrouve avec Pacino sur le dos, super-flic cocaïné, aux méthodes diverses allant du scientifique, old school et instinctive extrême.

Au fil de ce jeu du chat et de la souris, les deux hommes en viennent à se respecter malgré les deux mondes distincts auxquels ils appartiennent. Mais l’un est flic, l’autre voleur. L’un veut absolument l’arrêter, l’autre être libre à tout prix, quitte à plaquer femme et foyer dans la foulée.

Heat est de ces films ambitieux et millimétrés qui permettent d’entrer dans la salle, d’en sortir 3 heures plus tard et de se dire «  Putain, déjà le générique ? ». En ciselant autant sa réalisation, son montage et son écriture, Michael Mann ( qui signe en fait un remake de son téléfilm L.A Takedown ) offre un spectacle dense et intelligent, documenté et précis.
Le gras, ça n’existe pas dans ce film.

Sans jamais se poser en juge (ou très rarement), Mann présente ses personnages, leurs familles, leurs envies, leurs méthodes, leurs philosophies de vie. Voyou ou gendarme, tout le monde a son histoire, ses liens, ses failles, ses atouts et ses faiblesses. Un braqueur peut être un gentleman , un flic un mari absent (et le beau-père prévenant quand même ) . On comprend pourquoi chacun crée ce sentiment de fidélité chez son équipe. La rencontre entre ces deux poles intervient à la moitié du film ( ils ne partagent que deux scènes ensemble ! ) et provoque un drôle de sentiment. Pas de violence, pas de méchant contre le gentil. Non, une discussion, entre deux êtres avec du vécu, du recul, qui devaient se voir face à face pour se juger, se jauger et confirmer les impressions qu'ils avaient l'un sur l'autre. Des antagonistes par choix de carrières mais pas par idéologie, encore moins manichéenne. Le public est surpris, le public est conquis.

Bien entendu, les deux pointures que sont Al Pacino et Robert De Niro assurent ( ils étaient au somment de leur art à l’époque ) mais c’est le soin apporté aux choix des interprètes des seconds rôles qui enfonce encore plus le clou.
Têtes connues ou en passe de l’être (ou même pas du tout), le choix et la direction des acteurs est à l’image du travail technique : c’est réglé comme du papier à musique. Et la symphonie urbaine et humaine de l’ensemble est un magnum opus enveloppant et magnifique, un chef-d’œuvre absolu maintes fois copié mais jamais égalé. 
Même son auteur ne s’y risquera pas, préférant surprendre son monde avec Miami-Vice, faux polar mais vrai film romantique-à-mort. Le véritable auteur sait quand il a atteint l’Everest et qu’il ne pourra plus refaire l’ascension

Mann ne cherche jamais à créer un rythme trépidant pour masquer les trous et les incohérences de son scénario dans un film qui dure 3 heures et ne comportent peut-être quoi, 30 minutes d’action ( dont une scène de fusillade d’anthologie qui réveille vos voisins chaque fois que vous la regarderez sur votre écran).
Et pourquoi ne cache-t-il pas ses erreurs ? Parce qu’il n’y en a pas. Mann a potassé son sujet comme un pro : il sait qu’il n’est ni truand ni policier et qu’il va devoir gratter les surfaces de ces mondes pour fournir un travail exemplaire et ne pas, surtout pas, se reposer sur ses lauriers et ses acquis.La marque des vrais grands.

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