mercredi 6 décembre 2017

The(l)ma

La Suède a la cote depuis quelques années, merci Stieg Larson et sa trilogie Millenium. Mais voila que l’on vient nous rappeler qu’il serait idiot d’oublier sa cousine la Norvège.

Thelma est une jeune étudiante en biologie à l’université. Un peu solitaire, un peu déphasée, sa vie est rythmée par les cours, les séances en bibliothèque et les appels téléphoniques de ses parents qui semblent la surveiller chaque soir ( merci Apple et Facebook ). Des parents ultra-cathos qui semblent faire peser une chape de plomb sur leur fille unique. Manifestement mal dans sa peau, Thelma finit par craquer et convulse en pleine bibli devant tout un tas d’étudiant dont la belle Anja. Les deux jeunes femmes se rapprochent au point de nouer une relation amoureuse compliquée. Dans le même temps, les questionnements existentiels de Thelma coïncident avec des événements étranges, voire surnaturels…

Le réalisateur Joachim Trier s’avance sur le chemin balisé du passage à l’âge adulte mâtiné de paranormal : c’est Carrie de Stephen King, c’est Spider-Man ou les mutants chez Marvel, c’est même malheureusement des séries comme Smallville ou Roswell (ou Buffy pour ceux qui voudraient la qualité, ne soyons pas dans le négatif absolu ).

Bien employé,le surnaturel devient le catalyseur qui permet de mettre en lumière les difficultés et les combats pour s’intégrer aux autres et se différencier de ses parents, des modèles parfois encombrants qui ne vous lèguent pas que de l’ADN mais aussi une éducation et des convictions qui ne s’accordent pas forcément avec vos aspirations profondes ( comment aborder les sciences modernes en sortant d’une famille tellement croyante qu’elle ne remet pas en cause le dogme des 6000 ans de la Terre – et bonjour la façon dont ils doivent percevoir l’homosexualité -, comment comprendre des parents ayant trouvé Dieu et exerçant comme médecin moderne ? ) .

Les thèmes abordés ne manquent pas et ne le sont jamais grossièrement ou survolés. Le dosage est celui qu’il faut pour que le spectateur se pose des questions sans qu’on ne lui assène les réponses.




Dans ce parcours initiatique tordu, les symboles ne manquent pas : du plus évident serpent au plus obscur corbeau, ils passent, ont de l’importance mais ne phagocytent pas l’image qui reste dans une veine de réalisme froid (le ciel est couvert presque en permanence ) , marquant l’irruption de fantastique de manière plus marquante.
On regrettera une scène usant des CGI qui aurait gagné à être montée un peu autrement.Mais l’angoisse ne tient pas tant aux manifestations des capacités de Thelma que du cortège des affres bien terre à terre qu’elle subit, son isolement et son incapacité à y faire face ( la scène de la piscine ) , une famille abusive mais aimante ( enfer pavé de bonnes intentions ?  ) créent une ambiance anxiogène qui, malgré une certaine lenteur du film, fascine, révulse, fait réagir. Autant victime que capable coupable,le destin de Thelma nous attrape et demande à ce que l'on assiste à ce que le futur lui réserve et ce qu'elle réserve au futur.

Thelma est incarnée par Eli Harboe, jeune actrice norvégienne au jeu tout en subtilité. Ses expressions, ses regards, tout concourt à la rendre immédiatement attachante et à se prendre de sympathie et d’empathie pour elle. La belle Anja, est interprétée par l’actrice américano-norvégienne Kaya Wilkins. L’alchimie entre elle deux forme le cœur battant du film.

Harboe se donne âme et corps dans son interprétation, ses crises - appelons-les d'épilepsie - ne semblent pas clichées et illustrent à la fois cet esprit qui s'ouvre et lutte, ce corps confronté à de nouveaux stimulus ( changement d'environnement, expérimentation de certains breuvages que la religion réprouve, désirs charnels inassouvis et inavouables de par son éducation ). L'âme se replie sur elle-même en même temps que le corps. Jusque dans cet ultime spasme filmique dont je ne dirais rien.

Un film venu du nord qui ne peut pas laisser froid.





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