samedi 4 septembre 2010

Retour vers le futur.

Joss Whedon. L’homme a une certaine notoriété depuis quelques années : il a créé Buffy,Angel,Firefly ( et sa suite cinématographique Serenity) et l’éphémère mais néanmoins excellente Dollhouse. Il est aussi scénariste de comics et son passage sur les X-men est un grand moment d’histoire mutante.Et son aventure avec les super-héros n'est pas finie puisqu'il sera scénariste et réalisateur du film "Les Vengeurs". Il a aussi continué l’aventure Buffy grâce aux comics en lançant une saison 8 des aventures de la Tueuse. Et au cours de cette saison 8,lors d’un voyage dans le temps,Buffy a rencontré Fray : la tueuse du futur. Les lecteurs américains,eux,avaient rencontré Fray bien plus tôt,dès 2003 en fait. Étrange politique que de sortir l’intégrale de la mini-série (8 épisodes) bien après son apparition dans Buffy mais nous ne sommes pas à une incongruité près de la part de Panini (oui je sais il fait marquer Fusion Comics sur la couverture,mais c’est un label appartenant à Panini). Bon les critiques négatives sont finies,passons au positif.

Melaka « Mel »Fray est une voleuse particulièrement douée qui bosse pour Gunther,un mutant qui vit dans un aquarium géant. Elle a une grande sœur ,Erin,qui travaille pour la police. Les deux ne se parlent plus beaucoup depuis un incident survenu des années plus tôt. Fray vit dans un monde futuriste que Whedon décrit,dans son introduction,comme étant classique : les riches plus riches,les pauvres plus pauvres et les voitures qui volent ! Il s’agissait de son premier comic book et il ne se voyait pas l’âme d’un Alan Moore ou d’un Warren Ellis. En plus des humains,on croise de nombreux mutants dans ce monde…c’est pourquoi les « noctos » ne sont pas pris comme une menace plus dangereuse que les autres. Une nuit pourtant,un démon nommé Urkonn apparaît à Fray et lui révèle son destin : elle est LA Tueuse. Celle qui apparait chaque génération pour combattre les vampires.

Whedon adapte ici un scénario universel : c’est l’histoire de Luke Skywalker qui se découvre un lien avec les Jedi et va à la rencontre de l’univers. C’est l’histoire de Néo,qui découvre qu’il est l’élu et qui va à la rencontre du monde réel,c’est l’histoire ancestrale ,le monomythe que décrivait Joseph Campbell dans son livre « le héros au mille visage » . Un schéma récurrent que l’on retrouve dans presque toutes les cultures. Urkonn symbolise le maître,le sensei,qui représente l’appel de l’aventure et on retrouve toutes les autres symboliques dans Fray : le coup de pouce du destin,l’arme légendaire (souvenez vous de Siegfried et de l’épée de son père,de Luke et du sabrolaser de son père,du requin et des dents de sa mère…ici les fans de Buffy voient sans doute de quelle arme Fray va hériter en cours de route),les retournements de situation,la bataille finale face au dragon (et ici Whedon nous montre son amour des Western et de ses barouds finaux qui se terminent dans le sang et les larmes mais aussi avec un soleil levant comme signe que le mal n’a pas encore vaincu et que l'aventure continue).



Whedon,qui connait bien les mythes et la littérature tant classique que populaire (les 7 saisons de Buffy et les 5 d’Angel l’ont bien démontré) arrive pourtant à faire en sorte que la comparaison ne nous saute aux yeux qu’une fois le livre refermé. Et ça c’est la marque des grands auteurs.


Les dessins de Karl Modine sont d’une grande qualité. Les rues sales sont sales,les filles ne sont pas des bombes fatales telles qu’on en croise tellement dans les comics. Et son découpage et son dynamisme sont au diapason avec l’histoire. En bref,si vous aimez Buffy,cet album est le meilleur album de Buffy en BD que vous pourrez lire. Si vous n’aimez pas Buffy et bien il y a de fortes chances pour que Fray puisse vous plaire car le contexte est radicalement différent et très reader friendly puisque Whedon réexpose les bases de sa mythologie de la Tueuse pour ceux qui ne connaitraient pas la blondinette de Sunnydale. C'est du pur Whedon : souvent drôle avec une louche d'action,une pincée de drame,un brin de cynisme aussi parfois et des personnages attachants qu'il soigne aux petits oignons. Foncez!

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