jeudi 7 juin 2012

La curiosité est un vilain défaut.


Plus longue est l'attente, plus grande risque d'être la déception. C'est le risque que courent les films comme Prometheus. Des films attendus presque comme le messie par une masse cinéphilique avide. Alors que l'alien xénomorphe était contraint de survivre dans des films de seconde zone en se battant contre le Predator, l'espoir de voir la saga relancée s'amenuisait. Pourtant la FOX, studio possédant les droits de la saga Alien, voulait voir revenir la bêbête sur grand écran. 

Contrairement à un alien, la gestation a été longue. Tout comme pour un alien, la gestation a été douloureuse. Il n'est peut-être pas inintéressant de revenir sur le processus créatif avant d'attaquer la critique en elle-même.

Aux alentours de 2005, la rumeur d'un nouvel opus de la série Alien voit le jour : l'hypothétique épisode 5. La FOX tente alors de réunir les deux hommes qui ont le plus façonné la mythologie alien : Ridley Scott et James Cameron. L'idée est de confier la réalisation à Scott et le scénario à Cameron ( qui avait écrit et réalisé l'épisode 2 : Aliens).

L'idée capote pour deux raisons : Scott ne souhaite pas revenir sur Alien, il a déjà abordé la question et cela ne l'intéresse plus. Ensuite, Cameron est déjà occupé par son futur Avatar, sans compter qu'il l'a encore mauvaise que les bases pseudo-familiales qu'il a posées dans Aliens aient été balayées d'un revers de la main en moins de 30 secondes lors de l'ouverture de l'épisode 3 (Cameron a un égo assez grand et il gardera griefs contre David Fincher durant des années alors que stricto sensu le pauvre n'y était pour rien). Reste que l'idée de revenir vers cet univers noir et dangereux est sortie de la boîte et va rester dans l'air.

Pourtant, comme souvent, le destin va s'en mêler. Sans le savoir, l'idée de la FOX de réunir Cameron et Scott va avoir lieu. En visite sur le tournage d'Avatar, Scott est impressionné par la technologie 3D mise au point par James Cameron et son équipe et montre son intérêt pour tourner avec cette technologie un jour ou l'autre. C'est durant sa visite que Cameron et lui aborderont le sujet d'Alien et que Cameron abordera le mystère du " space jockey", cette étrange créature morte et éventrée que les protagonistes du premier Alien découvrent avant de tomber sur les œufs du monstre. Scott tient soudain un sujet nouveau et relié à Alien, ce qui devrait être suffisant pour que les studios financent l'entreprise.

Les studios acceptent l'idée et donnent leur feu vert à la condition express que Scott réalise alors que celui-ci ne voulait que produire à la base, en laissant la place de réalisateur à Carl Erik Rinisch, son beau-fils. Mais pas de Scott, pas de financement, voila le deal. Scott revient donc à la barre et décide d'utiliser la technologie 3D pour tourner son film. 30 ans après Blade Runner ( 20 points à celui qui retrouve la subtile référence à ce film dans Prometheus : un indice, ça concerne le géologue de la bande), Ridley Scott revenait à la SF, un genre qu'il a exploré au-delà du simple aspect commercial.


Ridley Scott de retour sur le genre SF.

En 2089,Elizabeth Shaw et son petit-ami Charlie Holloway,tous deux archéologues, découvrent des peintures rupestres dans une caverne. Des images vieilles de 40.000 ans qui représentent un géant montrant du doigt ce qui semble être des étoiles. Shaw en déduit que ces êtres veulent être retrouvés et qu'ils sont peut-être les créateurs de l'humanité…En décembre 2093, le vaisseau d'exploration Prometheus approche d'une planète inexplorée. Les 17 membres de l'équipage ne le savent pas encore, mais ils ont atterri en enfer.

On va être très clair tout de suite. Non, Prometheus n'atteint pas le niveau d'Alien. Cela n'en fait pas un mauvais film pour autant. Néanmoins, il risque de décevoir du monde.

Le problème principal du film est que l'on a clairement l'impression d'assister à deux films différents. La première partie pose la situation et crée une ambiance. Pas de manière très originale ( c'est grosso-modo le même schéma narratif que celui d' Alien ) mais cela reste très efficace. Et lorsque la menace pointe vraiment le bout de son museau, le rythme change du tout au tout et transforme le film en grande fresque d'action à suspense.

Alors oui, les scènes à suspense fonctionnent superbement bien. Scott a le sens du rythme et sait faire monter la sauce comme un chef. Le problème, c'est qu'à part Shaw et l'androïde David, le public se fout éperdument de ce qui arrive aux autres membres de l'équipage. Pas assez présentés et peu travaillés (faute du scénario ou montage trop court ayant conduit à l'éviction de plusieurs scènes ? Peut-être les deux.), les personnages secondaires sont là pour faire tapisserie. 
Du coup, la mort de certains d'entre eux, aussi horribles soient-elles, nous passent au-dessus de la tête, voire même peuvent sembler un peu "too much". Le fait est aussi que certains sont de vrais bras cassés qui sont tellement cons qu'ils méritent de mourir ( darwinisme les gars ! ). 
Pour un premier contact avec les extra-terrestres, il aurait été bon de mieux sélectionner quelques passagers au lieu de les embaucher sur appel d'offre ! Rajoutons à cela que le talent de Noomi Rapace (Shaw) et Michael Fassbender ( David) éclipse pas mal d'autres compositions de jeu des autres acteurs. Même Charlize Theron n'arrive pas à rivaliser avec ses deux-là (de plus, le mystère sur son personnage est vite éventé pour peu que l'on ait deux sous de bons sens).





Là où Alien montait crescendo tout le long du film, Prometheus enchaine les scènes chocs. Mais quelles scènes chocs. Et elles sont rehaussées par une image superbe (le directeur photo a fait un travail extrêmement léché) et les designs de productions sont fabuleusement monstrueux. De plus, malgré un schéma fort similaire, Scott ne répète pas Alien, le thème n'est pas le même. Là où Alien est le récit d'une fuite en avant face au danger, le récit d'une prévalence de l'instinct de survie face à tout , ( la seule exception dans la saga reste la fin de Aliens où l'instinct maternel l'emporte sur celui de la survie, offrant un spectacle à couper le souffle),Prometheus c'est l'inverse : c'est la curiosité scientifique avant tout, quitte à se faire bouffer tout crû ! C'est l'absence d'attention au danger due à l'excitation de la découverte ! De la pure inconscience…et comme science sans conscience est la ruine de l'âme, elle mène ici à la ruine humaine !

Le second gros défaut du film est d'avoir au final voulu garder son lien avec la saga Alien. Il n'en avait pas besoin car il ne peut que frustrer sur ce plan-là. Frustrer de se retrouver devant un Alien qui ne dit pas son nom et ne se hisse pas au niveau de ses prédécesseurs,  mais frustrer également de par les chemins empruntés pour éclairer certains points de la saga. Chaque réponse entrevue amène deux à trois nouvelles questions qui restent elles sans réponse. On est en plein dans une écriture à la LOST, et ce n'est pas étonnant : le scénario est en grande partie dû à Damon Lindelof, l'une des têtes pensantes de la série télévisée en question. Sans entrer dans les détails (pour ne pas dévoiler l'intrigue et ses rebondissements), disons que le scénario a tenté de se faire passer pour plus intelligent qu'il ne l'est en vérité en s'éloignant du premier jet qui, lui, bouclait la boucle aussi bien de l'histoire de Prometheus mais aussi avec Alien.

L'on retrouve aussi un défaut récurrent dans le genre d'exercice qu'est celui de raconter une histoire de SF antérieure à la première mais réalisée après (ça va, j'ai perdu personne en chemin ? ) : l'avancement technologique ne colle pas avec ce que l'on connaît : armes à impulsion (laser ? ) pour Prometheus contre armes à feu standards dans la saga Alien, écrans & claviers plats et technologie holographique contre des écrans à tubes cathodiques, etc…Star wars nous avait déjà fait le même coup en 1999.




Au final, Prometheus est une agréable déception. Il reste au demeurant un excellent film de SF ,qui arrive à concilier darwinisme et créationnisme tout en faisant la nique aux deux(très fort), aux images fortes et au scènes chocs qui resteront longtemps ( attendez de voir la scène de chirurgie, si insoutenable que j'étais accroché à mon fauteuil sans respirer) mais qui peine à raccrocher les wagons avec Alien
J'espère de tout cœur qu'une version longue du film sera proposée en blu-ray pour gommer les défauts les plus évidents ( manque de caractérisation de certains personnages et donc manque d'empathie pour eux), équilibrer l'action avec les moments plus calmes et rajouter quelques scènes dures pour le personnage principal qui renforceront la montée en puissance de sa motivation à survivre tout en restant casse-cou ( la bande-annonce montrait clairement au moins une scène avec Shaw au volant qui ne se retrouve pas dans le film).




3 commentaires:

Matt Murdock a dit…

Ben voilà, moi je suis arrivé dans la salle sans vraiment savoir à quoi m'attendre, et au final, j'ai passé un bon moment.
C'était pas le film du siècle, mais je ne m'attendais pas à ce que cela soit le cas. Donc aucune déception de ce côté là.
D'ailleurs, au début, j'étais un peu énervé que l'on me force à voir un film en 3D pour la 3ème fois consécutive (Avengers, MIB3 et Prometheus), mais finalement, je me suis vite rendu compte que cette 3D n'avait rien à voir avec les autres.
Un bon spectacle.

Zasadun a dit…

Ralalalalalala !!! En pleine écriture de mon article sur le film, je lis le tiens ... et c'est quasiment le même !!!! :p

Geoffrey a dit…

Les grands esprit, tout ça :p :p