Son boulot lui a fait perdre crédibilité et mariage alors qu’il enquêtait sur Stanislas Cordova, réalisateur mystérieux vivant dans le plus grand secret et dont la filmographie déchaîne les passions de par ses thèmes et sa cryptique symbolique.
Macgrath n’a aucune raison de se relancer dans une chasse au Cordova,mais lorsque Ashely, la fille du réalisateur, est retrouvée morte (suicide ) , Scott va tenter de retracer le parcours de la jeune fille …et ressortir ses vieux dossiers.
Avec l’aide de deux pré-paumés ayant vu Ashley peu avant le drame ( Nora , hôtesse de vestiaire , et Hopper, petit dealer ), Scott remonte la piste d’un gibier étrange, maître de la manipulation , et s’enfonce peu à peu dans l’univers underground vouant un culte à l’œuvre de Cordova…et à sa fille, enfant prodige ayant peut-être trop de dons pour que cela soit honnête, ou naturel...
J’avais déjà dit tout le bien que je pensais de Marisha Pessl, je reconfirme mes dires.
Alors que nous l’avions laissée écrivant à la place d’une jeune fille de 18 ans, nous la retrouvons nous narrer l’histoire à la première personne d’un homme d’âge mûr. Grand écart total qui démontre la versatilité stylistique de l’auteur.
Plus brut mais pourtant toujours délicatement ciselé pour se lire comme on boirait un doux sirop , la narration du roman garde l’empreinte Pessl : des tonnes de références culturelles – moins nombreuses que dans La physique des catastrophes, Macgrath ne jouant jamais les puits de science pompeux et insupportable - et un amour du cinéma indéniable ( le personnage de Hanna, dans le roman précédent, était professeur de cinéma, rappelons-le ).
Marisha Pessl crée une ambiance de polar pour bifurquer petit à petit vers le film d’horreur psychologique. Plus les personnages progressent dans le monde de Cordova, plus ils en saisissent le sens, les sens ou l’essence, plus l’ambiance « Twin Peaks aux frontières du réel » se resserre sur eux, tel un étau noir.
On avale tout ce que l’auteur raconte tant elle aura passer son temps à nous faire entrer dans la tête de Macgrath (le narrateur) , très rationnel... donc quand il flippe, on a tendance à flipper aussi, et Pessl a tendance à lâcher une bonne info au bon moment pour créer un effet qui telle une vaguelette avec de l’ambition finit par se muer en vague littéraire puissante et accrocheuse.
Pour donner corps à ce « journal de bord » du personnage principal, l’auteure inclut photographies, coupures de presses et captures d’écran de divers sites « cordovistes » sur le dark web. Le procédé n’est pas nouveau mais il est extrêmement poussé et réfléchi, impliquant et immergeant le lecteur au fil des pages dans un univers où les repères se brouillent aussi vite qu’un projecteur mal réglé ! Même de fausses affiches des films de Cordova ont été réalisées et publiées sur le sit web de Marisha Pessl.
En convoquant les codes et conventions des genres les plus noires de la littérature et du cinéma , Pessl convoque notre mémoire culturelle et installe des conditions optimales pour nous agripper.
Comment, déjà, ne pas penser à Citizen Kane , ce film immense qui retrace la vie d’un millionnaire aux dernières paroles empreinte de mystère ?
Intérieur Nuit est un chef-d’œuvre. Les amoureux de cinéma s’y retrouveront, les adorateurs de la littérature seront séduits par un style qui n’a rien à envier aux maîtres du genre tout en restant immédiatement reconnaissable par les fans du premier roman de Pessl. Un coup de poing dans l’estomac de plus de 700 pages qui, à l’image des films de Cordova, recèlent plus de mystères que ce que le texte nous offre.
Un chef-d’œuvre vous dis-je !
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