samedi 26 janvier 2013

Le Petit Chaperon Noir.


Il était une fois, dans un pays fort fort lointain , un écrivain qui publiait son premier roman. Déjouant les pièges de la sorcière Edition, il poussa son enfant vers la gloire de l’impression tout en terrassant la grande méchante meute de loups constituant le comité de lecture. Son livre vécut sans doute heureux car on dit qu’il en publia d’autres depuis lors.

Avec une couverture aussi aguicheuse, bien que d’aucun dirait suggestive pour préserver l’honneur de la dame, et un pareil titre,on aurait pu penser que Loup, y es-tu ? était un roman érotique ou au mieux à l’eau de rose. Il n’en est rien. Ouf, ami lecteur, il ne sera pas dit que mon blog t’aura dévergondé avant l’heure !

L’auteur est venu au roman sur le tard. Biologiste, il était également passionnée de littérature. Et c’est en 2010 que sort la première édition de ce roman ( cette critique arrive avec la version poche ) quand l’auteur a 42 ans. Être passionné ne veut pas dire que l’on saura mener à bien la rédaction d’une telle chose. Mais, pour un premier roman, cela se tient encore bien. Même si les défauts sont quand même bien présents.

Mais justement, ce roman, que nous conte-t-il ?  Les Fables…euh, les personnages de contes de fées existent et ils vivent parmi nous. Durant des siècles, la belle)mère sorcière de Blanche-Neige et Le Loup ont œuvré dans l’ombre, participé aux pires carnages et exactions. Ils étaient là quand les Nazis ont pratiqué le meurtre de masse, là quand les Twin Towers sont tombées. Et ils comptent bien rester présents encore un bon moment ! Une seule chose leur barre la route : Cendrillon,Blanche-Neige,La Belle au bois dormant et le petit chaperon rouge. Deux d’entre elles sont déjà mortes et les deux dernières ignorent leur condition d’être exceptionnel et immortel. Et le temps presse de se souvenir car on a retrouvé leurs traces.

Les contes de fées revisités semblent avoir le vent en poupe depuis que le premier comic book sur Fables est paru outre-Atlantique. L’échec de l’adaptation de cette série en série télévisuelle a donné naissance à Once Upon a Time et Grimm. Courtade vogue donc sur un schéma et un terrain déjà défrichés ! On aurait pu donc penser qu’il ne tomberait pas dans certains pièges comme : la coïncidence beaucoup trop heureuse (je sais que nous sommes dans un conte , mais quand même ), les dialogues tout sauf sonnant juste quand il s’agit d’aborder des sujets sensibles ou graves ( devoir de mémoire, idéologie nazie, capitalistes tous avides de sang évidemment ,etc…) et la naïveté de l’auteur quand il s’agit de mixer les histoires pour s’endormir avec l’Histoire tout court.

Car , au court du roman, certaines choses sont écrites qui frôlent au mieux la vision bien-pensante des bobos parisiens (ou autres, je ne suis pas sectaire) , au pire une méconnaissance crasse de l’histoire. Sa conception de la prise de l’Autriche par l’Allemagne est erronée ( non, ils ne furent pas vraiment contents qu’on vienne les emmerder : même langue ne veut pas dire même culture, il suffit de regarder les français et les belges qui ont pas mal de bases en commun mais aussi des différences bien marquées. Mais dans son esprit on a l’impression que «  Tous Germains ? Tous coupables ! Sans distinction » Et il dédie pourtant son livre à certains résistants allemands. Schizophrénie d’écriture ? Écrivain dépassé par son  sujet ? Possible.).

Et sa vision de la traque israélienne des anciens nazis fait rire (il a du louper le procès Eichmann : une fois trouvé, ils ne l’ont pas rendu à l’Allemagne pour lui faire subir une justice allemande. Courtade semble penser qu’ils jouent le jeu en suivant le droit international. Aurait-on peur de se voir traité d’antisémite juste parce qu’on tape sur Israël ? Spielberg l’a fait et personne n’aurait osé, fallait emprunter la porte ouverte ! )
On a aussi droit à une vision de l’Amérique profonde, de ses familles issues de fermiers et qui , de fait, possèdent de plus jolies valeurs (ce qui ne les empêchent pas de peu apprécier les étrangers à leur communauté et à se balader avec des semi-automatique pour protéger leur forêt face…face à quoi ? L’envahisseur anglais ? )

Bon, ce sont ces détails qui m’on fait tiquer, et grandement j’en conviens. Reste que malgré quelques facilités (comme de voir les deux héroïnes devenir les meilleures amies du monde en 3 jours ), le roman est mené tambour battant , que la relecture des contes classiques est souvent bien vue. L’auteur y apporte de menus changements pour servir son histoire sans vraiment trahir ce que Walt Disney nous racontait. Mieux ,de la vision de Disney, il glisse des éléments que seuls certaines personnes vraiment intéressées par le sujet connaissent : ainsi, il garde uniquement 7 nains mais n’oublie pas de leur donner leur nom en Allemand, la pantoufle de verre de Cendrillon (re)devient la pantoufle de vair que l’homonymie et le temps ont transformé,etc…de ce point de vue là, c’est un succès.

L’alternance des chapitres et des points de vue est bien agencé. On pourrait presque parler de montage comme en cinéma, en plaçant là un chapitre revisitant un conte, là un autre situé au même moment qu’un chapitre précédent. Cet agencement est fait avec talent. Le mélange des genres aussi est bien orchestré : thriller, espionnage, horreur, conte de fée forment un cocktail bien réalisé bien que manquant de saveur pour qui a lu la série Fables.

Au final, le roman n’est pas honteux mais claudique beaucoup par moments. On est loin, par exemple, d’un Neil Gaiman revoyant ses mythologies avec American Gods ou Anansi Boys. Ce qui ne signifie pas que seuls les anglo-saxons savent le faire : Végas Mytho , lui aussi généreux en mythologie, était écrit par un français !

Je ne recommande donc pas vivement Loup, y es-tu ? mais ne le déconseille  pas non plus. Si vous avez un peu de temps à perdre, il sera un bon moyen de vivre ce moment. Si vous cherchez à vraiment en prendre plein les gencives, passez votre chemin et préférez lui Fables , qui elle-même possède un roman dans sa matière littéraire !

2 commentaires:

Henri COURTADE a dit…

Bonjour et bravo pour cette critique très très bien argumentée.
J'aimerais toutefois revenir sur deux points abordés :

L'Anschluss n'a rien à voir avec la crise des sudètes. Si les tchèques ont fait les frais de la lâcheté franco-anglaise (une honte, qui fera tache dans notre histoire à jamais, Laurent Binet le décrit si bien dans HhHH), les Autrichiens ont accueilli avec ferveur véritable l'arrivée des nazis (à Vienne en particulier). Certes, les opposants à l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne avaient été arrêtés… C'est pour cela qu'avant de l'écrire, j'ai soumis ce point à l'approbation de spécialistes, dont un agrégé d'histoire qui l'enseigne en Allemand dans des classes européennes. Pas question pour moi de faire dans l'agglomérat simpliste : tous germains, donc tous méchants, bien sûr.

Le second point concerne la traque du criminel nazi par les nains. Il s'appuie sur celle d'Arribert Heim, une traque réalisée par le centre Simon Wisenthal encore actuellement (pas le Mossad comme pour celle d'Eichman qui date de 1960), en collaboration avec l'état allemand. D’autres temps, d’autres moeurs.

Je pense qu'il ne vous a pas échappé également la référence au Golem (Hitler), sorti du caniveau de l'histoire par la société de Thulé (dont étaient membres Göring, Rosenberg, véritables théoriciens du nazisme noir… alias la méchante sorcière de mon roman), qu'ils accuseront d'avoir échappé à leur contrôle et donc, d'avoir ainsi perdu la Guerre. Ni à Hearst, l'ancêtre de Marilyn Von Sydow, néonazi notoire qu'Orson Welles saura si bien retranscrire dans Citizen Kane.


Concernant Fables, je vous rejoins entièrement (un ami m'a fait découvrir ce comic lorsqu'il a vu les similitudes avec mon histoire). C'est une excellente série, même si elle ne joue pas dans le même registre que moi. Pour conclure (je ne cherche pas d'excuses et j'assume mon roman entièrement), il est difficile de rester léger sans tomber dans le cours d'histoire ou de morale et en cela, l'écriture de ce livre était véritablement casse-gueule. En tout cas, Fables ne s'est pas risqué sur ce terrain, hé hé…

Allez, une petite révélation concernant l'idée de départ de ce livre (les contes revisités n'étaient pas à la mode alors, merci de l'avoir rappelé) : elle vient d'un morceau de musique que j'avais l'habitude de jouer, lorsque j'étais étudiant. Il s'appelait "Cendrillon", du groupe Téléphone et Fables à l’époque n’existait pas encore. Le magnifique ballet de Preljocaj a fait le reste…

Encore merci pour votre critique. Je ne me lasse pas de découvrir sur le net des lecteurs qui prennent le temps d'argumenter leurs lectures, qu'ils aient aimé ou pas, peu importe, le principal est d'être lu, non ? Toujours est-il que je sais à présent vers qui me tourner pour la béta-lecture de mon prochain manuscrit ^^
Si ça vous dit…
Henri Courtade

Geoffrey a dit…

Bonsoir, (pour les lecteurs de passage : ça spoile un peu dans ma réponse,un chouia mais quand même un peu ).

Et merci d’avoir pris le temps de lire ma critique et d’y avoir répondu .Vous êtes le premier auteur à me faire cet honneur sur ce blog.

Je vais être un peu méchant…mais en douceur. Les points que vous mettez en exergue sur les questions historiques sont très intéressants et justes. Néanmoins, c’est dans le roman même qu’il aurait fallu les développer. En l’état, le dialogue des nains avant de retrouver leurs bourreaux semble moins nuancé que votre réponse. Et un peu trop didactique. C’est dommage car leur dialogue me semble dès lors déforcé par rapport à votre discours dans cas pages virtuelles.

On retrouve un peu le même problème dans le système même de la traque, le personnage de Simon, en déclarant ne pas travailler pour le MOSSAD mais avoir accès à du matériel à eux, laisse penser qu’il fait partie d’une organisation encore plus haut-placée que ces célèbres services Israéliens ! Du moins, c’est comme cela que je l’ai perçu : cette partie du roman étant clairement dans la veine « espionnage », j’ai rempli les blancs comme dans les films d’espions, de complots et d’agences tellement secrètes que même ceux qui y travaillent ne le savent pas !

Pour Fables, c’est sans doute moi qui ai fait preuve d’un manque d’explicitation. Si le mélange des genres et l’idée de base (mais vraiment la base de la base) sont semblables, les thèmes, la vision des personnages et tout le reste sont bien trop dissemblables pour vous avoir servi d’inspiration ( on retrouve aussi le Grand Méchant Loup durant la Seconde guerre mondiale ceci-dit ). Je parlais surtout de mode éditoriale : la télé s’est emparée du concept et le cinéma reprend aussi à son compte les contes de fée pour le moment ( 2 « Blanche-Neige » l’année passée, « Hansel et Gretel » qui débarque bientôt aussi). Dans un monde où Shrek a ridiculisé (avec gentillesse) les contes de fées à un point tel que Disney ne s’y frotte plus, les autres studios s’y frottent (et s’y piquent méchamment à mon avis) . Faire du neuf avec du vieux, ce n’est pas donné à tout le monde et certaines trouvailles étaient bien vues à mon sens.

La moindre des choses est d’argumenter quand on aime ou qu’on n’aime pas une œuvre. Prétexter que les goûts et les couleurs ça ne se discutent pas et que chaque avis est subjectif n’est pas suffisant à mes yeux. Il y a toujours des raisons explicables et ce sont elles qui font avancer le débat…si je n’avais pas envie d’argumenter, je n’écrirais pas des textes aussi longs (et encore, je me retiens car j’imagine ne pas être le seul à ne pas apprécier lire des pavés sur un écran ).

Quant à votre proposition de béta-lecture, perso je suis partant : j’aime me frotter à de la nouveauté et accumuler certaines expériences : comme je le dis souvent « Tout m’intéresse mais rien ne me passionne ! » ( affirmation un peu fausse…mais c’est le propre de beaucoup de phrases chocs ;) )
Je vous souhaite une bonne continuation, et merci encore d’avoir pris votre clavier pour répondre à ma critique.