10 mois après La cour des hiboux, Urban comics édite La nuit des hiboux, seconde et dernière partie du premier long arc narratif de Scott Snyder et Greg Capullo qui s’étire sur 12 épisodes, excusez du peu.
Le premier tome comportait 7 épisodes tirés de la revue mensuelle Batman et s’achevait sur l’image de tous les Ergots de la cour ( les guerriers habillés en hiboux stylisés ) lâchés sur Gotham dans le but d’occire les notables et autres personnes d’influence susceptibles d’amoindrir voire d’oblitérer le pouvoir de la cour sur la ville.
C’est donc sans surprises que Bruce Wayne figure sur leur liste, mais les ergots ignorent une chose, qu’ils ne vont pas tarder à réaliser : Bruce Wayne est Batman. Et la Chauve-souris a de sacrées réserves !
Autant le dire tout de suite : non, La nuit des hiboux n’est pas du niveau de La cour des Hiboux. Tout d’abord, parce que pris séparément, il s’agit surtout du dernier acte de l’histoire, conçue pour aller crescendo : on a donc plus affaire à une aventure riche en action plus qu’en réflexion. Néanmoins, ce défaut n’en est plus vraiment un dés lors que l’on lit toute la saga d’une traite !
La résolution de l’intrigue n’est pas des plus réussies non plus : aucun indice n’avait été laissé au lecteur pour voir venir le coup ! Et si surprendre son lectorat est loin d’être une tare, dans un comic dont le trait principal est que le héros soit un détective, ça la fout un peu mal. Reste que Snyder joue avec la mythologie de la famille Wayne (au risque de surcharger cette dernière qui a été fortement exploitée dans le run de Grant Morrison) , prouvant là que ses intentions ne sont pas que jouer avec celle de Gotham City. Les dessins de Capullo n’ont pas perdu de leur superbe, et c’est toujours un plaisir visuel intense que de le retrouver ( à tel point que j’avais acheté la série Haunt surtout pour son trait ).
En plus des 4 épisodes dessinés par Capullo, ce tome contient TOUS les back-ups de la série. Le premier se situe juste après le premier chapitre et est dessiné par Rafael Albuquerque ( qui travaille avec Snyder sur American Vampire ) , il fait le lien entre le chapitre 1 et le chapitre 2.
Tous les autres sont relégués après l’intrigue principale et ont pour protagoniste principal Jarvis Pennyworth, le père d’Alfred, qui fut au service des Wayne jusque sa mort dans la troisième année de la vie de Bruce ( Scott Snyder marquerait-il son territoire en expédiant la version qui veut qu’Alfred ait vu Bruce naître ? Cela créait un lien semi-filial bien plus fort.).
Jarvis a découvert que la cour existe et a décidé de ne pas s’y soumettre. Il écrit une lettre enjoignant à son fils de ne jamais venir se mettre au service des Wayne, vœu qui avait été le plus cher de ce bon Jarvis. Cette partie est un éclairage important sur certains points de l’intrigue et peut se lire comme un petit thriller horrifique de bonne facture. Le tout est lui aussi assuré par Albuquerque.
Ensuite, nous avons droit à un épisode centré sur Dr Freeze. Bien que n’étant pas présent au moment où les Ergots ont attaqué, nous apprenons que ses travaux ont un lien avec le réveil de ceux-ci car certains assassins de la cour étaient congelés depuis des siècles. Connaissant le savoir encyclopédique de Freeze sur le froid, cela coulait de source. Malheureusement, comme avec Alfred et Jarvis, Snyder décide de changer une composante de l’histoire de base en rapport avec Nora, la femme de Freeze. Ce changement radical atténue l’aura dramatique du personnage et renforce son côté psychopathe, c’est qu’il faut faire toujours plus fort, toujours plus gore ma petite dame.
Le recueil se termine sur un épisode antérieur à l’histoire du premier tome et revient sur Harper, la jeune fille qui avait sauvé Batman dans le tome précédent. Si ses raisons d’aider Batman son finalement assez logiques, son obsession ne l’est peut-être pas (mais bon, elle a 16 ans, l’âge où les filles cessent d’être vraiment normales).
Au final, ce second tome est loin d’être mauvais, mais la sensation d’avoir surtout assisté à une déferlante d’action pour résoudre l’intrigue reste bien présente. Les épisodes supplémentaires sont de bonnes factures mais le tout aurait gagné à posséder une cohérence graphique, Capullo ne signant que moins de la moitié du tome. On ressent aussi une certaine facilité dans l’exposition des motivations de l’antagoniste principale. Ce n’est pas la montagne qui accouche d’une chauve-souris mais cela reste un peu faible à mon goût ( car, comme je l’ai dit plus haut, Grant Morrison avait mieux exploité la mythologie des Wayne).
Aux USA, lorsque les Ergots sont lâchés sur Gotham, les séries de la Bat-Family sont entrées en cross-over. Ces épisodes ne sont pas inclus dans le présent recueil. Ils sont disponibles dans les revues Batman Saga 9 et 10. Deux épisodes de Nightwing, un épisode de Batman&Robin, un épisode de Detective comics , un épisode de Batman The dark knight et un épisode de Batgirl. Enfermé dans la bat-cave, Alfred lance un appel à la bat-family pour sauver certaines personnes présentes sur la liste de cibles des Ergots. Ce sont les tentatives des héros auxiliaires pour sauver ces personnes qui sont racontées.
Les épisodes de Nightwing sont sans doute les plus intéressants car scénarisés par Kyle Higgins, complice de Scott Snyder sur le premier travail du scénariste sur Batman. En effet, ces deux là avaient écrit la très bonne mini-série Gates Of Gotham dont certains éléments sont repris ici. Dick Grayson, le premier Robin, tente de sauver le maire et se frotte à un adversaire de taille. Dans le même temps, une histoire prenant place au début du XXme siècle nous est contée : celle d’un amour impossible entre un enfant de la balle et la fille d’un notable gothamite. Bien entendu les deux intrigues vont se rejoindre et les lecteurs devinent vite qui est l’Ergot que Nightwing va devoir affronter pour survivre. Prenant et sans temps mort, le scénario de Higgins s’apprécie sans doute plus si l’on a lu le premier tome de Nightwing sorti il y a quelques mois ( ce que je n’ai pas fait : je vais rattraper mon retard, il m’a donné envie le bougre ). Mieux, en profitant de la mythologie gothamite que lui et Snyder ont étoffée il y a quelques temps, il permet à Dick Grayson de pleinement prendre sa place dans l’histoire de cette ville et non plus uniquement dans l’histoire de Batman !
L'épisode de Batman The Dark Knight est à lire parallèlement avec l'épisode #9 de Batman : il revient sur la genèse, encore, de l'Ergot menaçant de l'histoire, celui qui a pour cible Lincoln March, un ami de Bruce. L'originalité est que cet ergot est celui entrevu dans l'épisode #9 de Batman.Mieux, l'épisode va même un peu plus loin que ce que Snyder avait raconté. Au scénario, on retrouve Judd Winick, qui remplace pour l'occasion Paul Jenkins. Pour le meilleur, Winick est un habitué de la chauve-souris et il distille une atmosphère noire et violente tout le long de cet épisode. David Finch aux dessins assure toujours de la même façon que sur les deux volumes qu'il a déja réalisés sur Batounet.
Notons qu’une série dérivée, Talon (Ergot) va voir le jour suite à la fin de l’aventure mouvementée de Batman. Il y a peu de chance qu’elle ne soit pas publiée à l’avenir par Urban.
L’épisode de Batman&Robin est uniquement centré sur le Robin actuel : Damian Wayne, le fils de Bruce Wayne et de Talia Al Ghul. Ce petit diable en botte verte, élevé durant 10 ans par la ligue des Assassins de Ra’s Al Ghul va devoir protéger un membre éminent de la garde nationale. Non seulement son adversaire lui donnera du fil à retordre ( ce qui est compliqué face à Damian ) mais il le forcera aussi à nous dévoiler ses talents de stratège ! Le petit est le digne héritier de son père et porte les germes pour être un Batman redoutable dans les années à venir. Peter Tomasi prouve une fois encore qu’il a parfaitement saisi le personnage de Damian et c’est un véritable plaisir que de voir le dernier-né de la bande s’offrir une aventure en solo.
L’épisode de Detective Comics se déroule à l’asile d’Arkham. Le directeur est une cible et Batman déboule pour lui sauver la peau. Batman, oui ! Qui est tellement pris dans la série qui porte son nom qu’il a eu le temps de faire un crochet par là-bas alors qu’il était en route pour sauver Lincoln March, son nouvel ami rencontré dans La cour des Hiboux. Tony Daniel, le scénariste et dessinateur de cette série a beaucoup de mal depuis le redémarrage des séries DC et cet épisode ne fait pas exception. Si son trait est toujours aussi beau, ses histoires ne le sont plus tellement. Rajouté à ça que la colorisation tire sur le pastel et l’ambiance est légèrement foutue.
Enfin, l’épisode de Batgirl est à l’image du reste de cette série ! Une purge mal écrite et juste sauvée par les dessins. Gail Simone nous embrouille dés le début en tentant de nous présenter les origines de l’Ergot que Barbara Gordon va affronter. Les ficelles pour tenir éloigné le commissaire des lieux de l’action sont trop grosses, et les méthodes explosives de l’assassin à la solde des hiboux sont ridicules car reposant sur un élément météo totalement aléatoire !!! Et lorsque l’épisode se termine, on en est encore à se demander qui était l’Ergot car les liens semblant évidents pour la scénariste sont loin de l’être pour le lecteur. Et je pense qu’il s’agit ici du meilleur épisode de la série jusqu’ici, c’est vous dire. Urban ne semble pas avoir jugé bon de publié les épisodes de Birds of Prey ,de Red Hood & The outlaws ou encore de Batwing reliés à l’événement.Mais comme elles sont pour le moment inédites en VF, cela semble logique.
Quant à l'épisode de Catwoman dédié à l'invasion de Gotham par une bande de rapaces nyctalopes, il est disponible dans le tome 2 de sa série régulière, toujours chez Urban Comics. Ne l'ayant pas encore lu, échaudé que je suis par le premier tome, je ne saurais me prononcer sur la qualité de celui-ci. Je reste cependant étonné qu'elle ait été impliquée dans cette histoire car ses liens avec le bat-family ne sont plus les même depuis la ré-écriture de sa vie suite aux événements de Flashpoint ( qui , suite à une brouille temporelle, ont ré-écrit pas mal de choses dans l'univers DC et pas toujours pour le meilleur, pauvre Sélina Kyle).