C'est une
guerre. Une guerre perdue d'avance. Une guerre qui va se perdre non pas parce que la technique a
évolué mais parce que le pognon "a dit que" ! La guerre entre la
pellicule et le numérique fait rage à Hollywood. Mais c'est une guerre secrète
dont presque personne n'entend parler, dont presque personne ne sait qu'elle
existe.
J'aurai
voulu entrer directement dans le vif du sujet mais comment parler technique si
je ne remonte pas dans l'histoire du média cinématographique ? Oh je vous rassure, je ne vais pas remonter
jusqu'à l'invention de la photographie ( car c'est bien de cela qu'il s'agit
quand on parle de cinéma, on parle de photographie)…Je vais juste poser
quelques petites bases. Du noir&blanc muet au cinéma couleur parlant, il y
a eu une constante : le cinéma se tournait et se projetait grâce à la pellicule
! Voila, je ne pouvais pas faire plus court niveau historique.
Le cinéma,
c'est un peu un tour de magie. C'est en tous cas une illusion : celle du mouvement.
En effet, si vous regardez une pellicule de cinéma déroulée devant vous, que
voyez-vous ? Des milliers de petites photos, guère plus grandes que des
diapositives. Comment une succession de photos arrive-t-elle à nous faire
croire au mouvement ? Réponse : la persistance rétinienne.
Il s'agit
d'un défaut de la vision. Une forte source lumineuse imprime sa marque sur l'œil
(regardez le soleil, fermez les yeux…vous avez encore l'impression de voir le
soleil…bon, même les yeux ouverts, la marque est toujours là ! ). Du coup,
comme pour un dessin animé, l'illusion de mouvement existe parce que notre œil n'efface
pas assez vite l'image précédente. Illusion de mouvement ! Chez l'homme, la
persistance rétinienne fonctionne au minimum avec 15 images par secondes. Le
cinéma fonctionne avec du 24 images par
secondes ( et je ne rentre pas dans les détails mais votre téléviseur
fonctionne sur un tout autre mode de fonctionnement qui allie source lumineuse
et effet phi ). Les 24 images projetées
sont portées artificiellement à 48 grâces à un obturateur dans le projecteur,
il faut en effet à tout prix éviter que les mouvements ne semblent saccadés sur
l'écran.
Bref, une
caméra, c'est un peu un appareil photo capable de prendre 24 photos en 1
seconde. Plus fort que le meilleur appareil en mode rafale que pourrait
utiliser un paparazzi ! Lorsque la photographie numérique est apparue, le
cinéma a lui aussi vu arriver le binaire. Certains cinéastes ont tenté
plusieurs tournages avec cette nouvelle technologie. Il était toujours possible
pour le spectateur de discerner que le film avait une base numérique et non
analogique ( par exemple , Michael Mann a utilisé des caméras numériques pour
Collateral et Miami Vice, mais l'effet visuel se rapprochait énormément de
celui d'une vidéo ). La révolution,
comme souvent , serait rouge ! La caméra RED a débarqué.
Pourquoi
révolution ? Parce qu'enfin, une caméra numérique donnait l'impression que le
film avait été tourné avec de la pellicule. Il faut savoir que la pellicule a
plusieurs désavantages : on peut en manquer, il faut recharger la caméra, etc…
Le numérique ne vous fait jamais le coup du " y a plus de pellicule pour
tourner et le budget nous empêche d'en racheter." Depuis " Zodiac
" en 2007, David Fincher ne tourne plus qu'avec la nouvelle génération de
caméras digitales, et ça ne se ressent pas dans le traitement de l'image,
l'effet est cinématographique et non pas vidéo !
De plus,
avec la révolution HD, la conversion vers une projection numérique était plus
aisée : plus la peine de numériser des kilomètres de bandes ! Pourtant la
pellicule peut-être d'aussi bonne qualité, parfois même meilleure qu'une image
HD. En effet, la pellicule de base permet de projeter plus de pixels que le
full HD. Pourtant, il était très rare dans les cinémas de s'en apercevoir. Un
projecteur fonctionne grâce à plusieurs ampoules. Il faut que toutes ces
ampoules soient opérationnelles, changées souvent, etc…pour que l'effet soit
bon. Et changer les ampoules, toutes les ampoules, et bien ça coute un bras. Même
les multiplex ne se donnaient pas la peine d'avoir des projecteurs à 100%
efficaces. De plus, après un certain nombre d'expositions à la lumière, la
pellicule s'abimait, des taches apparaissaient sur l'image. Et si le
projectionniste était un manche, alors le basculement d'une bobine à l'autre
pouvait aussi poser problème. Tout cela disparaît avec le numérique. Pourtant,
certains cinéastes continuent de ne penser qu'en termes de pellicule ? Pourquoi
? Par simple esprit de contradiction ? Par incapacité d'évolution ? Citons deux
exemples de cinéastes qui ne rentrent dans aucune de ses interrogations de
manière affirmative : Christopher Nolan (de la génération de Fincher) et Steven
Spielberg. Rappelons que Spielberg a toujours été intrigué par les nouvelles
technologies : Jurassic Park et ses dinosaures en images de synthèses en sont
un des preuves. Ça remonte à 1993 ( hé oui, on se fait vieux les gars ! ) , une
époque où cette technique était à ses balbutiements et pourtant, Spielby a
tenté le coup ! Il est donc inconcevable de prétendre que nous tenons un
réfractaire à l'évolution technique !
Steven Spielberg jouant...à la Wii.Adepte des nouveautés je vous dis !!!!
Christopher
Nolan, lui, est plus réservé sur les
effets en images de synthèse. Sa devise pourrait être : le minimum possible. Il
en use mais sans en abuser. Qu'est-ce qui pousse un cinéaste relativement jeune
( une quarantaine d'années, dans le milieu, ce n'est pas vieux) à rejeter la
caméra numérique et à vouloir garder la bonne vieille pellicule ? Déjà, la
pellicule, c'est moins cher. Même lorsque l'enveloppe allouée par les studios
est imposante, un budget est un vrai cauchemar pour un réalisateur, même les
plus chevronnés comme Spielberg ( qui ne dépasse plus son budget depuis le
premier Indiana Jones, il était le champion toutes catégories du dépassement
avant cela et ça a bien failli lui couter sa carrière. Depuis il s'amuse quand
même à terminer ses films avant la date prévue.). C'est en outre une
technologie fiable et connue de toute l'industrie : ça fait plus de 100 ans que
ça existe et les évolutions de la pellicule n'ont pas été si nombreuses ni même
renversantes dans la manière de filmer (ça , c'est la miniaturisation des
caméras qui aidera). Enfin, la pellicule de type IMAX offre une qualité d'image
inégalée, même en numérique. Les inconvénients sont la grosseur de la caméra et le fait que
le film ne peut être développé qu'à Los Angeles. Cela oblige à bien penser son
tournage et contraint (pour le moment ! ) à ne pas pouvoir tourner tout son
film avec un tel format. Le format IMAX est 10 fois plus grand que le format
traditionnel et capte donc plus de détails. Pour les scènes marquantes, c'est
le format idéal ( l'attaque de la banque, l'attaque du fourgon blindé, la
course poursuite en Lamborghini,etc... dans The Dark Knight ont été tournées en IMAX.
Même rabotés pour une salle classique, les effets visuels sont plus forts).
On le voit,
la pellicule peut encore offrir de belles perspectives. Les deux formats ne
devraient d'ailleurs même pas se faire la guerre. Le choix existe, à chaque
réalisateur de voir comment il veut faire…sauf qu'on n'est pas au pays des
Bisounours.
De plus en
plus, les studios s'acharnent pour que les films soient tournés numériquement.
Cela rend, entres autres choses, la conversion 3D plus simple mais pas
meilleure, attention, ça reste toujours , pardonnez moi l'expression, merdique
lorsque le film n'est pas tourné en 3D. Et il n'y a que deux façons de faire un
film en 3D : en le tournant avec une caméra binoculaire, ce modèle-même inventé
par James Cameron et son équipe technique, ou en tournant grâce à l'ordinateur (films
d'animations ou performance capture) les
animateurs et les ordinateurs calculant
l'effet 3D. Les coups de productions plus élevés des caméras numériques sont
largement compensés par l'inflation artificielle du billet de cinéma pour une
séance 3D ! Le secret n'est que là : le pognon ! Et beaucoup de réalisateurs
cèdent aux exigences du studio. Cela crée petit à petit une disparition de
l'art du cinéma tel qu'il a été inventé. Et avoir le choix ne devrait pas
inclure la disparition d'un de ces choix, pas vrai ?
Dans cette
guerre, aucuns camps de réalisateurs ne cherchent à imposer le format qu'ils
ont choisi. Zack Snyder tourne en numérique son prochain film. Un film produit
par…Christopher Nolan ! Spielberg produit des films en numérique également ! Et je n'entre pas dans le détail de certaines amitiés entre réalisateurs adeptes de formats différents.
Non,
la guerre est entre le camp de la pellicule et les studios qui de plus en plus
veulent imposer le numérique. Tant que des grands pontes de la réalisation (adepte de la pelloche) seront là, la pellicule, le format de base, le format historique, le format
culturel du cinéma, sera toujours représenté ! Mais quand ils ne seront plus là
? Qui dira stop à l'idée de trop, celle qui dénaturera définitivement le média ?
Certains veulent déja passer au format de tournage de 48 images par secondes...et le résultat obtenu a été descendu : le rendu est si fluide et si précis...que la magie disparaît, les décors en carton sentent le carton, l'image est digne d'un soap-opera. À force de vouloir capter la réalité, la réalité s'est imposée sur la fiction.