"Adama", film d'animation de Simon Rouby, sort enfin en Belgique en Septembre 2016, soit près d'un an après la sortie française. Mieux vaut tard que jamais comme dirait l'autre !
Adama est un jeune garçon de 12 ans qui vit avec sa famille ( ses parents et son grand frère ) dans une vallée africaine enclavée et ceinturée de falaises. Au-delà de son village et des falaises se tient le monde des souffles où vivent les Nassaras. Alors que son grand frère quitte le village pour entrer au service des Nassaras contre l'avis paternel, Adama décide de partir à sa recherche pour le ramener. Son périple vers l'horreur commence...
Commençant comme un conte tribal vantant les vertus d'une vie simple vécue au rythme des saisons et des traditions , « Adama » bifurque vite vers le récit d’aventure et d'initiation. Ce genre de récit voit souvent un jeune héros quitter son univers pour découvrir le monde et apprendre au gré des épreuves qui parsèmeront son chemin.
D'un style de vie intemporelle que le spectateur ne saurait situer dans la chronologie historique du Monde (sentiment amplifié par l'usage d'expressions volontairement floues comme « le monde des souffles » ou « nassaras »), le héros est projeté dans une période moderne aisément identifiable ; et plus les images défilent, plus les langues des protagonistes secondaires se délient et plus le spectateur capable d'additionner deux et deux sait que l'on se dirige vers l'enfer sur Terre, un champ de bataille où règne la mort et la noire désolation : Verdun !
Le visuel du film sort de l'ordinaire, plusieurs techniques ayant été utilisées pour créer le rendu final : scan 3D de sculptures ; les personnages ressemblent ,et se meuvent parfois, à des marionnettes de plâtre ; de prises de vues réelles intégrées à l'image finale ( une partie du studio fut transformée en laboratoires d'essais pour diverses explosions et usages de ferrofluides: des solutions liquides de nanoparticules ferromagnétiques, rien que ça ).Le résultat est étrange, sort des canons habituels de l'animation et donne parfois l'impression d'être en plein mauvais et très flippant trip de LSD. L'effet est dérangeant et met mal à l'aise,sentiment sans aucun doute voulu au vu de la nature du sujet de l'histoire.
Si le film aborde certaines thématiques de manières bien naïves et poussives ( étonnant de retrouver le très américain refrain du « la famille et la région natale, y a rien de mieux mon p'tit gars » ), surlignant au fluo jaune pétant que « la guerre c'est bien des malheurs » ( assertion on ne peut plus vraie mais fallait-il la rendre aussi lourde ? ) , il nous confronte en full frontal aux comportements et aux regards occidentaux de l'époque concernant l'Afrique – sous-continent peuplé de personnes sacrifiables pour nos profits.
Par le prisme d'un regard sur le passé, « Adama » nous confronte métaphoriquement à des habitudes inhumaines à l'égard de l'Afrique que l'Occident continue d'entretenir. De manière condescendante et paternaliste : les colonies n'existent plus,le traitement colonial,si.
Dénoncer un comportement en le déplaçant temporellement évite bien souvent au spectateur de penser qu'on lui fait ( la leçon la science-fiction est coutumière du fait par exemple) et de le mettre sur une défensive ; défensive qui l'empêcherait de réfléchir et de faire des liens avec notre présent.
Les quelques notes chamaniques (jouant un peu sur les clichés que les civilisations non-occidentales n'ont pas perdu leur part de spiritualité, elles ) ouvrent la porte à quelques analyses de mythologies comparées (le chaman du film est un bouffon , hors ces deux personnages partagent le point commun de tout voir et de pouvoir tout dire : l'un parce qu'il est un sorcier, l'autre parce qu'il est supposé caricaturer la vie de la cour et passe pour trop bête pour chercher à nuire) et surtout à une fin ambiguë empreinte d'une poésie un peu macabre qui sera laissée à l'interprétation des membres du public.