mercredi 23 juillet 2014

Vivre un jour de plus.

Il y a 4 ans, une icône du petit écran nous quittait, laissant orphelins des millions de spectateurs avides de qualité
.
Après avoir été au feu 8 saisons (et un téléfilm) durant, Jack Bauer disparaissait dans la nature, fugitif poursuivi par son propre gouvernement et la Russie. Le dernier chronomètre de la série, repère visuel emblématique, ne se terminait pas sur une heure de la journée mais par un décompte jusque zéro, laissant penser que tout finissait.

Avant de parler de la genèse de cette nouvelle saison, j'aimerai un instant revenir sur la série en elle-même.
Lorsque "24" débarque à la télévision, en Novembre 2001, elle n'était pas destinée à obtenir une telle longévité. Mais les évènements tragiques de Septembre vont changer la donne. Si le pilote de la série devait bien être diffusé en Septembre (comme la plupart des nouveautés ), la destruction du World Trade Center repousse la diffusion et force les scénaristes à repenser plusieurs détails.

Ensuite, le fait que le héros pourchasse des terroristes alors que l'Amérique vient de le subir sur son sol va faire de Jack Bauer, une icône.

La seconde saison le verra d'ailleurs pourchassé un pseudo Ben Laden.
Car l'Amérique a besoin d'exorciser ses démons et cela se ressentira (et se ressent encore) dans ses fictions.
La série, co-créée par un militant républicain, sera souvent attaquée sur ce côté-là. (analyse débile et clivage intellectuel crasse : il y a tout autant des républicains ouverts que des démocrates toxiques).
La série offre le premier Président Noir de l'histoire (dans cette réalité fictive ) et il est clairement démocrate d'ailleurs. Au fil du temps, un second président noir siégera à la Maison Blanche. Les deux dernières saisons, avant la nouvelle, verront aussi la Première Présidente.



De multiples sujets seront abordés et souvent en rapport avec l'actualité les cyber-attaques, les armes bactériologiques, les drones de combat, wikileaks, peut-on torturer pour sauver des vies, la torture est-elle vraiment utile ( Bauer utilise plus souvent la peur de souffrir que faire souffrir pour obtenir des infos même si, en effet, il a franchi la ligne plusieurs fois), la vengeance peut-elle tout justifier, etc. , le background politique est très intéressant et questionnant si l'on fait attention à tous ces aspects qui ne sont pas dans le registre de l'action ou du suspens pur .

Peu de temps après la mort de la série, la rumeur persistante d'un long-métrage centré sur un Bauer en fuite quelque part en Europe arrive sur le net. La FOX, confirmera très vite qu'en effet, l'idée est en développement.  Dès lors les mises à jour sur le projet arrivent régulièrement sur les sites spécialises jusqu'au jour où le couperet tombe : le film, jugé trop cher, ne se fera pas.
Déception et désappointement des fans.

Et puis, par un beau matin, la nouvelle tombe : 24 revient à la télévision, dans un format plus court. L'idée d'un Jack Bauer planqué en Europe est conservée et c'est à Londres qu'il refera surface. Au même moment, le nouveau Président des USA, James Heller (ancien ministre de la défense) est en visite officielle dans la capitale britannique et est accompagné par sa fille, Audrey…l'ex de Jack.
Le chrono est lancé, Bauer est de retour.

4 ans sans voir une série , c'est long. Et durant ce laps de temps, d'autres séries conceptuelles (ou non) ont occupé le terrain.
Si l'horrible Homeland (héritier autoproclamé de 24 ) avait tenté de faire oublier Jack Bauer ( j'en rigole encore, et en tremble aussi d'effroi), d'autres œuvres télévisuelles ont élevés les standards et , de facto, nos attentes ( Game of thrones, par exemple).

Et c'est un peu là que le bas blesse dans ce retour. Les scénaristes, les créateurs et le réalisateur principal de la série sont tout bonnement restés bloqués 4 ans en arrière.
Les tics d'écritures sont toujours les mêmes et ne sont pas forcément adaptés à un format amputé de 12 épisodes.

Surtout que cette saison s'appuie en grande partie sur la mythologie des saisons 4 à 6 qui ont été les plus soap-opéra du show (même si la saison  5 avait tellement bien ciselé cet aspect qu'elle gagna un Emmy Award, mérité, dans la catégorie meilleure série dramatique) et que cette approche phagocyte le temps de l'intrigue terroriste principale et que le coup de "la famille terroriste" nous avait déjà été servi par avant. Les clichés inhérents à la série, qui forment par ailleurs son ADN, seront respectés.
C'est un peu la force et la faiblesse de la série : son ADN est tellement reconnaissable et immuable que la recette ne change pas , on est en terrain connu. Mais bon, le terrain connu de cette qualité, on va pas trop se plaindre.








Kiefer Sutherland assure toujours dans LE rôle de sa vie, le personnage  a pris des rides mais n'a rien perdu de sa pugnacité ni de son charisme. Le personnage reste l'un des plus fascinants du petit écran tant grâce à l'écriture qui respecte Bauer et enrichit son background de saison en saison que grâce à son interprète.



Une fois n'est pas coutume, Chloé O'Brian fait partie de l'aventure. Personnage introduit dans la saison 3, elle est devenue l'alliée par excellence  de Jack et sans doute la seule amie qui lui reste. Et encore une fois, c'est un nouvel aspect de Chloé que l'on découvre. Si la facilité qui découle d'un tel personnage est souvent apparente ( elle peut vous hacker la NSA avec un smartphone déchargé), il n'en reste pas moins que son rôle n'est pas là que pour la tapisserie.



Rayon nouveauté, on notera le personnage de Kate Morgan, sorte de Bauer au féminin, qui démarre sa dernière journée de boulot  avant de rentrer aux States. L'agent Morgan était mariée à un traître qui a vendu des secrets à la Chine et le retour de Bauer et la proximité d'une attaque vont lui donner l'occasion de tenter de se racheter.

Si Kate ne sert pas à rien, elle peine cependant à faire oublier feu Renée Walker, ancienne partenaire de Jack et amie proche qui sera assassinée dans la saison 8 peu après qu'elle et Jack se soit mis en couple.  (C'est à la suite de son décès que Jack avait entamé une vendetta redoutable envers ceux qui avaient commandité sa mort. Et cette saison a le bon goût de ne jamais cracher à la mémoire de Renée ou de sa mort en ne remettant pas Audrey dans les bras de Bauer : ces deux là sont encore fort émus par leur passé mais ont fait le deuil de leur relation et c'est très bien ainsi. ).

Yvonne Strahovski, échappée de Dexter, donne corps à un personnage torturé mais pas assez profond pour vraiment marquer la mythologie de la saga ( elle n'est ni Renée Walker ni Michelle Desler). Cependant, le job est fait correctement et elle n'est pas là pour mettre en valeur le héros.




Pour pallier au manque de 12 épisodes et toujours se dérouler sur 24 heures, les producteurs avaient annoncé que l'intrigue subirait des ellipses narratives. Certes, le coupe de l'ellipse est bien présent mais en toute fin et sent un peu le coup facile pour justifier de garder 24 comme titre…  On regrettera aussi que le teaser de la série, tourné en un magnifique plan séquence ne fasse absolument pas partie du show !!!!



Mais  même si le plat est servi sans surprise , il n'est pas sans saveur.
Un peu comme une sortie dans son resto chinois préféré, celui où on commande toujours le même plat parce qu'on a beau le connaître par cœur, c'est le meilleur.
Et puis merde quoi, "24", même moyen, reste au dessus de tout, même après quelques années d'absence et vient cruellement rappeler qu'Homeland a été la plus grosse arnaque de ces années sans Jack.
La saison se terminant de manière ouverte et sur un cliffhanger insoutenable, il est à parier que Jack reviendra. Tant mieux, il m'avait trop manqué pour lui adieu si vite une seconde fois.






mardi 22 juillet 2014

Territoire Indien

Ce qui commence dans le sang, finira dans le sang.

Jason Aaron est l'un des scénaristes phares de Marvel. Il allie intrigue sérieuse et capacité presque surnaturelle à savoir lier entre elles les folies narratives que l'on peut croiser dans les séries de super-héros, obtenant une mixture hétérogène avec de l'eau et plusieurs types d'huile. Mais ce grand pété a démarré sa carrière avec une série qui prend pied dans une réalité moins altérée que celle des comics Marvel : Scalped.

Dashiell " Dash" Bad Horse a quitté la réserve de Prairie Rose quand il avait 13 ans.
Aujourd'hui il est de retour, armé de son mauvais caractère et de sa manie à s'attirer des ennuis.
Mais l'homme a du potentiel , son passé de boxer et de soldat ayant fait le Kosovo parle pour lui,et le chef de la réserve , Red Crow, le prend sous son aile et le fait entrer dans la police tribale. Son nouveau boulot va lui permettre (et nous permettre) d'arpenter les rues de la réserve. Pour Dash, rien n'a changé : l'endroit est sale, pauvre, rongé par la violence et la drogue. Pour le lecteur, c'est un choc, une réalité qu'il connaît mal (d'autant plus s'il est Européen).
Un tiers monde au milieu du rêve américain.

Entre drame familial, péchés passés ( la mère de Dash, Gina, et Red Crow ont été activistes dans les années 70 et ont été impliqués dans un meurtre avant de prendre des chemins séparés), polar, investigation, etc… La série dépeint une réalité dure qui ne sert pas que de toile de fond à un récit fiévreux, tendu et loin du manichéisme. Aaron livre un récit très documenté, aborde les sujets qui fâchent ( et égratigne tout autant les travers des américains et des amérindiens tant lors de l'intrigue que lors de flash-backs historiques ).

Comme je le disais plus haut, Aaron, chez Marvel, utilise tous les codes et genres des comics pour écrire ses histoires. Il fera pareil ici en mêlant le polar noir, intrigue politique et intrigue mafieuse, terrorisme : tous les genres touchant de près ou de loin au genre policier sont ici abordés sans jamais que le sauce ne prenne pas car le tout est dosé avec soin.




Les dessins sont assurés en grande partie par R.M Guéra qui assure des planches réalistes mais aux traits parfois sales : cela renforce l'ambiance de la série qui, finalement, ne dépeint que peu de moments de joie ou de bonheur.

Scalped, est une œuvre dure, palpitante et passionnante dont la structure narrative en labyrinthe demande un investissement au lecteur. Et cet investissement est payant tant le voila plongé dans un récit implacable dont le final ne peut que faire bouillir le sang.



Une série complète en 10 tomes, chez Urban Comics et une série indispensable pour quiconque aime les intrigues policières se situant loin de l'aseptisation télévisuelle du sujet

vendredi 4 juillet 2014

Les aventuriers du flingue perdu.

Urban comics n'est pas que le détenteur des droits de DC Comics en VF, c'est aussi un éditeur qui fouine chez les autres éditeurs américains ( sauf Marvel , bien entendu) et qui étoffe donc son catalogue en se diversifiant.

J'ai lu un jour que le western était le genre ultime , le genre qui vit par lui-même et est capable d'absorber les codes des autres genres tout en gardant son identité propre. Raison pour laquelle des séries comme American Vampire (en partie seulement, le western n'étant pas le fond de commerce de la série mais de celui d'un personnage en particulier ), ou encore East of West fonctionnent dans leur mécanique ( que l'on aime ou pas ces séries est hors-sujet, il s'agit ici de dire que les greffes étranges sur les codes du western ne sont pas rejetées par le corps).

L'éditeur vend la série en la qualifiant être aux antipodes du western poussiéreux. Hérésie que cela, le Western poussiéreux est une image d'Epinal et les contre-exemples sont tellement nombreux que l'affirmation en est presque ridicule.


Urban a donc sorti le 20 Juin le premier tome de The Sixth Gun, une série fantastique prenant place peu après la Guerre de Sécession.
La série raconte l'histoire de six armes "magiques" ou "infernales", des revolvers maudits objets de moult convoitises et dont la possession confèrent certaines aptitudes (différentes selon l'arme, varions les plaisirs). L'on suit les traces de Drake, gentleman flingueur et pas toujours très honnêtes qui tente de mettre la main sur le sixième pistolet avant Mrs Hume et ses hommes de mains aidés par des agents de la Pinkerton, célèbre agence de détectives qui sera l'ancêtre de la C.I.A ( je simplifie ). Mr Hume,quant à lui, piégé dans un état entre la vie et la mort attend que son épouse le libère de son destin funeste pour récupérer son arme. Mais le révolver est la possession de Becky, jeune femme qui va bientôt voir son existence bousculée et basculer dans un monde qu'elle ne soupçonnait pas.

L'Ouest américain, l'ouest sauvage. Une terre mythique et mythologique. Un terrain propice pour ce genre de chevauchée menée tambour battant, et pour cause : l'histoire américaine a été marquée par les cow-boys, les indiens et les bandits. Des êtres bien réels sont devenus l'objet de véritables mythes : Billy the Kid, Pat Garrett, les Dalton,Sitting Bull,etc… La réalité et la légende se confondent souvent lorsque l'on évoque l'Ouest Américain où se côtoient le culte des armes à feu et les croyances mystiques amérindiennes. Saupoudrer du fantastique pur dans ce décor va de soit. Et le cocktail fonctionne bien, grâce à une belle alchimie entre l'écriture de Cullen Bunn et les dessins de Brian Hurtt qui opère une sorte de fusion entre le réalisme et le cartoon du plus bel effet.




Cullen Bunn met ses pièces en place sans perdre de temps, au bout de l'épisode un, presque tout est là pour faire démarrer la machine à vapeur. Si le scénario convie esprits, morts-vivants et magie noire, le sujet n'est pas l'horreur pure même si certaines scènes sont sanglantes ou suppurantes, les dessins ne sont pas là pour créer une ambiance anxiogène. Nous sommes plus dans une sorte d'Indiana Jones de l'Ouest sauvage que dans Une nuit en enfer où la sécheresse d'Ennio Morricone viendrait se fondre dans l’orchestration à la John Williams.
Les dialogues sonnent souvent justes et certains personnages manient le sens de la répartie avec bonheur. Ce premier tome coûte 10 €, un prix de lancement qui durera jusque la fin de l'année. Notons que le tome deux est sorti ce jour, Urban comics ayant apparemment une grande confiance en son produit : ça tombe bien, moi aussi !