Voyous ou Policiers, tous ne sont au final que des gangs rivaux séparés par une idéologie d’ordre ou de chaos justifiant à leurs yeux leurs excès , le tout dans une nature devenue folle après que l'aliénation humaine ait déréglé la planète.
Et si Mel Gibson reste la figure incarnée sur pellicule de cet état de fait futuriste, le grand public ignore bien souvent qu’en 1969 sortait un roman tout sauf érotique de l’auteur américain de SF Roger Zelazny, Damnation Alley, traduit de nos jours par Route 666 ( ah, subtilité ).
Anecdote marrante, une telle route numérotée existait bien aux States mais a été renommée en 491 pour éviter les connotations sataniques et le vol des panneaux.
Dans un futur indéterminé, la guerre nucléaire a foutu en l’air le monde. Dans ce qui reste de l’Amérique du nord, les États sont désormais désunis. L’intérieur des terres est plus radioactifs que les idées de l’extrême droite actuelle et seules quelques bandes côtières survivent. Personne n’a de nouvelles du reste du monde.
La nation de Californie s’apprête à lancer un convoi armé et blindé pour acheminer un vaccin contre la peste à la Nation de Boston. Pour cela, elle fait entre autre appel à Hell Tanner, le dernier Hell’s Angel, pour conduire l’un des véhicules sur la route 666, surnommée ainsi en raison des dangers qui la parsèment.
L’homme est dangereux et a déjà parcouru une partie de la route avant de rebrousser chemin. C’est que l’autoroute de l’enfer, le chemin de la damnation est irradié, pollué, truffé jusqu’au trou de balle par des gangs azimutés du cortex, traversé par des vents charriant des débris faisant pleuvoir des pierres et quelques colonies de chauve-souris géantes à faire pisser Barbatos dans son froc parsèment le midwest.
Barbatos, le démon chauve-souris
Tout comme le héros de l’histoire, prenons un minimum de détour pour aller à destination : si en 69 ce court roman pouvait faire frémir , le premier Mad Max, même sans les monstres ou la nature déréglée, le rendait un peu ringard en à peine 10 ans et un budget fauché.
Le lecteur de l’époque , les golden sixties ( oui, assez étrangement, la fin de l’esprit d’une décennie se situe souvent un peu avant la moitié de la suivante ), était face à un monde qu’il n’imaginait peut-être ne jamais voir, la détente USA-URSS étant entamée, le feu nucléaire restait un vestige du passé dont seul le Japon aura fait les frais. Le Sida n’existait pas encore, la peur de la maladie mortelle et épidémique ne régnait pas dans les rangs des adeptes de l’amour libre.
Et la batmobile ou la voiture de James Bond étaient certes dopées au gadget mais pas du tout comme les véhicules dont Zelazny dote ses héros. Du moins en ce temps-là.
50 ans plus tard, force est de constater que le lecteur alléché par le résumé verra ses espoirs déçus. Aucune vraie menace ne résiste aux armes embarquées, les attaques de chauves-souris ou d’araignées géantes sont réglées à coups de roquettes ou de lance-flammes comme dans un jeu vidéo dont on aurait débloqué les codes de triche. Les relations entre les personnages sont esquissées assez sommairement même si en de rares moments l’auteur vient donner un peu d’épaisseur aux actes de ses protagonistes.
Reste que le roman ne manque pas de rythme de par son format court ( 200 pages) ni de petites critiques sur le cynisme des individus dans une situation collective. Mais le constat final n'est ni faste ni furieux.
Une œuvre séminale dans le plus petit sens du mot, simple spermatozoïde microscopique avant l’éclosion d’un genre bien plus grand et profond que lui quand George Miller lui insufflera une vie en cinémascope dont la force de l’âge donnera le flamboyant Mad Max Fury Road.
Dispensable, sauf pour les curieux désirant gratter les références et les strates archéologiques du genre.